A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

UN DIMANCHE À KIGALI (2006)
Robert Favreau

Par Frédéric Rochefort-Allie

Le mot « génocide », bien qu'on tente de nous en faire croire le contraire, n'est pas l'exclusivité de l'holocauste orchestré par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Alors que la majorité d'entre nous, occidentaux, étions presque impuissants devant nos écrans de télévision, un bain de sang ruisselait le long des collines du Rwanda. Prisonniers au sein de leur propre pays, les Tutsis furent carrément massacrés. L'horreur est la presque totale absence d'efforts pour stopper l'extermination qui se manigançait sous les yeux des journalistes.

Un Dimanche à Kigali est avant tout l'histoire d'amour entre Bernard Valcourt, journaliste et cinéaste Québécois (Luc Picard), envoyé au Rwanda pour faire un documentaire-reportage sur le sida. C'est alors qu'il rencontrera Gentille, serveuse à l'hôtel des milles collines (oui...le même que dans Hotel Rwanda), dont il tombera éperdument amoureux. Malheureusement, la guerre les séparera. Avec énormément d'intelligence, Gil Courtemanche et Robert Favreau se servent de la menace de plus en plus lourde du conflit allant éclater d'un jour à l'autre, comme toile de fond à cette aventure amoureuse où le temps et les circonstances jouent contre eux.

On y trouve aussi une certaine forme d'enquête menée par Bernard quelques mois après la tempête, où le Québécois tentera de retrouver sa douce en questionnant des amis visiblement bouleversés. Le film alterne donc constamment entre passé et présent pour tenter de créer un suspense. Malheureusement, ce n'est pas parce que les films chronologiquement déconstruits sont à la mode depuis quelques temps que cette approche fonctionne toujours à merveille. Comme nous savons déjà que Bernard survivra, toutes les menaces faites par les Hutu ne sont plus vraiment terrifiantes. Le sort des personnages nous est déjà présenté, quel est donc l'intérêt du film ? Nous montrer un homme angoissé par la possible mort de son épouse ? Le film passe de l'histoire d'amour à la constatation des dégâts de la guerre. En fait, à cause de cette approche, Robert Favreau perd sa cible.

Même si une bonne partie de l'action se passe aux Milles Collines, Un dimanche à Kigali n'a rien d'un Hotel Rwanda version belle province. Le film est beaucoup plus engagé politiquement et ne glorifie pas, sans véritablement traîner dans la boue des personnages comme le général Dallaire. Son point de vue pamphlétaire critique sévèrement le manque de réactions des pays comme le Canada et sur ce point, le film est une réussite totale. Le réalisateur arrive aussi à créer des séquences d'une violence monstrueuse tout en n'étant pas totalement explicites. « Vous nous imaginiez comme des animaux, vous voyez maintenant que nous sommes humains », dira un Rwandais désespéré à Bernard.

C'est sans surprise que Luc Picard vole la vedette à toute la distribution. Le comédien exprime si bien la douleur et la souffrance qu'il est tout de même difficile d'y rester insensible. Dans une scène en particulier, il crie en pleurant, mais la douleur est si grande qu'aucun son n'arrive à sortir de sa bouche. Le jeu de Luc Picard est si impeccable qu'il faudrait avoir un coeur de pierre pour ne rien sentir en voyant une performance si poignante. Le film nous révèle aussi le talent et le charme de la jeune Fatou N'Diaye en Gentille; il est plutôt rare d'avoir des révélations au Québec, car ce sont toujours les mêmes comédiens que nous réutilisons de films en films.

Un seul problème vient nuire à la distribution. Il est vrai que les comédiens de race noire sont tout de même rares au Québec, sinon, ils n'ont que peu de visibilité. Mais pour que le spectateur ait l'illusion d'être au Rwanda, peut-être ne devrait-on pas utiliser des comédiens comme Maka Koto ou Luck Mervil. Les deux acteurs interprètent bien leurs rôles, mais leur présence dérange. De parfaits inconnus auraient parfaitement pu incarner les mêmes personnages et le charme ne serait pas rompu.

On peut applaudir Robert Favreau d'avoir osé : oser critiquer de plein front notre gouvernement, oser s'être prononcé sur un massacre qui fut mis de côté, mais surtout...oser avoir enfin quitter le milieu familial, pour offrir au cinéma Québécois de nouveaux horizons. Preuve comme quoi, même au Québec, nous ne sommes plus obligés de nous regarder le nombril. Il nous est possible de créer des oeuvres qui peuvent avoir des résonances plus internationales tout en conservant notre propre regard.




Version française : -
Scénario : Robert Favreau, Gil Courtemanche (roman)
Distribution : Luc Picard, Fatou N'Diaye, Céline Bonnier, Alice Isimbi
Durée : 118 minutes
Origine : Québec

Publiée le : 16 Avril 2006