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DIG! (2004)
Ondi Timoner

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Authenticité et succès peuvent-ils se tenir main dans la main et gambader joyeusement dans les prairies du bonheur et de la bonne entente? Dans le merveilleux monde de la musique, il existe toute une sous-culture pour valoriser l'échec et l'obscurité. Bienvenue sur la planète ''indie''. Ici, la célébrité est une maladie dangereuse et la majeure partie de vos supporteurs n'attend que la signature d'un contrat payant avec un major de l'industrie musicale pour vous accuser d'avoir vendu votre âme au diable pour une poignée de dollars. Pour Dig!, le documentariste américain Ondi Timoner a suivi deux groupes relativement peu importants de cette scène féconde durant plus de six ans. À première vue, l'idée de suivre l'ascension des Dandy Warhols et du Brian Jonestown Massacre n'a rien de particulièrement excitant. Les premiers sautent d'une mode à l'autre dans l'espoir de pondre un ''hit'', à tout le moins en Europe, tandis que les seconds n'ont jamais su harnacher leur plein potentiel le temps d'une session d'enregistrement cohérente.

Pourtant, Dig! est sans l'ombre d'un doute l'un des rockumentaires les plus intéressants des dernières années. Ce n'est pas un manifeste aussi explosif que The Filth and the Fury et rien n'arrivera à égaler en terme d'absurdité consommée l'hilarante reconstitution réelle de This Is Spinal Tap intitulée Some Kind of Monster qui traitait de la névrose collective de Metallica. Qui plus est, aucun des groupes présentés dans Dig! ne possède l'aura mythique des Ramones, dont traitait l'appliqué End of the Century: The Story of the Ramones. Mais le propos que Dig! développe autour de la trajectoire de deux formations condamnées à être oubliées par la grande histoire de la musique dépasse la simple chronique.

En fait, Ondi Timoner s'y affaire à décortiquer le fonctionnement complexe et fort souvent ridicule de l'industrie musicale tout en présentant les conséquences de deux réactions opposées à cet univers. D'un côté, les Dandy Warhols de Courtney Taylor entreront de plein pied dans l'enfer des majors avec tout ce que cela comporte de compromis mais aussi de visibilité. De l'autre, nous aurons droit aux aventures débauchées du Brian Jonestown Massacre dirigé par un Anton Newcombe complètement drogué et férocement déterminé à louper sa carrière en distribuant des coups de pied à gauche et à droite et en s'engueulant sur scène.

Ainsi, deux formations d'abord proches l'une de l'autre se distancieront progressivement au fil des ans, les uns vendant une image dévergondée et bohémienne au grand public à l'aide de vidéoclips aussi dispendieux que tendancieux tandis que les autres cumulent les tournées chaotiques par-dessus tournées chaotiques et vivent dans des conditions particulièrement malsaines la fameuse expression ''sex, drugs and rock n' roll'' dans sa forme la plus pure. Dans une scène particulièrement révélatrice, les Dandys envahissent l'appartement délabré de leurs amis du BJM pour réaliser une session de photos: pour plaire aux caméras, les voici empruntant à ceux-ci le mode de vie auxquels il sont associés par les médias. La bande d'Anton Newcombe vit un certain idéal et l'industrie musicale vend cette image par l'entremise des Dandy Warhols, plus professionnels et faciles à contrôler.

Ce qui est intéressant, c'est qu'Ondi Timoner ne glorifie pas particulièrement un des deux camps. On comprend facilement les motivations de chacune de ces formations parce que le réalisateur a cumulé au fil des ans une incroyable quantité d'images. Les membres des deux groupes parlent ouvertement de cette relation entre l'amour et la haine qu'ils entretiennent, révèlent leurs motivations personnelles et offrent en général une foule de péripéties rocambolesques à ceux qui veulent un spectacle endiablé.

Aujourd'hui, tant Newcombe que Taylor rejettent le film de Timoner sous prétexte qu'il est malhonnête et manipulateur. Soit. On peut faire bien des choses au montage. Mais il ne faut pas oublier que Dig! parle surtout d'une contradiction propre au monde de la musique en utilisant le cas de ces individus pour illustrer son propos. À ce niveau, ce documentaire est une réussite remarquable. Dig! est divertissant et éloquent. Sa pertinence relève du fait qu'il présente de manière assez crue le côté superficiel de la sacro-sainte notion d'authenticité en musique. Peu importe que le leader du Brian Jonestown Massacre soit ou non un génie incompris. Que Taylor et le reste des Dandys soit ou non des opportunistes. Le parallèle et les comparaisons que Timoner propose de faire sont valables et fondés. À ce titre, Dig! est une réelle réussite non seulement très divertissante mais aussi foncièrement révélatrice.




Version française : -
Scénario : Ondi Timoner
Distribution : Anton Newcombe, Courtney Taylor-Taylor, Joel Gion, Matt Hollywood
Durée : 107 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 22 Décembre 2005