DICK TRACY (1990)
Warren Beatty
Par Frédéric Rochefort-Allie
Né d'un comic strip des années 30, Dick Tracy
est probablement l'un des derniers personnages de bande dessinée
à qui on attendait un saut au grand écran. Mais pourtant,
suite au succès de l'adaptation de Batman par Tim Burton,
Warren Beatty réussit à convaincre Disney de lui accorder
la liberté de non seulement incarner le personnage en question,
mais aussi de réaliser le film et d'en faire une méga-production
des plus ambitieuses.
Comme toute aventure du détective qui se respecte, Dick Tracy
(Warren Beatty) doit faire face à une bande de personnages tous
aussi malfrats les uns que les autres, qui comptent prendre possession
de la ville et diriger leurs propres affaires. Tracy étant toujours
aussi vertueux, cherchera à arrêter le chef des mafieux,
Big Boy Caprice (Al Pacino), et de faire reigner la justice une fois
pour toute.
Après plus de 15 ans, Dick Tracy a fini par tout perdre,
de sa popularité au respect du travail de Warren Beatty. Son
oeuvre s'est vue étiquetée comme navet, oubliée
par dédain, elle qui autrefois avait été l'un des
blockbusters de son temps. Mais malgré toutes ces années
et les différentes adaptations de comic books que nous
a offert Hollywood, il demeure une expérience visuelle inoubliable
qui tient du génie, et dont l'héritage laisse toujours
ses traces dans l'histoire du cinéma, particulièrement
récemment chez Sin City. Partageant des objectifs similaires
avec Robert Rodriguez, à l'époque Warren Beatty cherchait
à recréer l'ambiance des strips, en utilisant
la même palette de couleurs que dans la bande dessinée.
L'harmonie de la direction artistique à la direction photo, toutes
deux éclatantes à souhait, ont merveilleusement recréé
l'univers de Chester Gould.
Bande dessinée oblige, Dick Tracy est une caricature
du film noir et rend hommage à ses origines où dialogues,
personnages et réalisation se doivent d'être d'un kitsch
marqué. C'est pourquoi les gangsters sont difformes et l'imper
de Tracy demeure toujours d'un jaune immaculé. Il aurait été
étrange que Tracy devienne sombre et réaliste quand Chester
Gould lui-même l'a créé dans le but précis
de créer un reflet humoristique sur la société
de l'époque. Comme Warren Beatty savait que le résultat
ne plairait certainement pas à tout le monde et que Disney ne
lui laisserait probablement pas réaliser de suites, il a donc
exigé à ses scénaristes de lui construire une intrigue
lui permettant de concentrer le plus de personnages possible, les rendant
aussi inutiles qu'hideux. C'est d'ailleurs là où Dick
Tracy s'égare, car contrairement aux serials des
années 30, le film des années 90 finit par étouffer
le potentiel de ses personnages. Ainsi, même les plus grands vilains
de la série sont voués à des quasi rôles
de figuration, alors qu'ils auraient bien chacun mérité
d'avoir un volet comme le fait la série des Batman.
La même situation se répète dans la distribution,
où Al Pacino, Madonna, Dustin Hoffman et William Forsythe (Once
Upon A Time In America) se partagent la vedette avec Warren Beatty
et l'écrasent, n'ayant pas le charisme requis pour le personnage.
Malgré le fait que Pacino récupère son interprétation
de Tony Montana et que Madonna joue à peine pour être la
femme fatale de service, Beatty réussit à tirer d'intéressantes
performances de la part de ses acteurs, étant probablement plus
à l'aise derrière la caméra.
Bref, Dick Tracy n'est peut-être pas l'ultime adaptation
de bande dessinée, mais visuellement elle demeure presque imbattable.
Même Sin City, qui pourtant profite de la technologie
numérique, trouve chez le film de Beatty une sérieuse
compétition. Avec l'annonce d'une possible suite en préparation,
peut-être que Dick Tracy pourra retrouver le respect
qu'il mérite, car bien qu'imparfaites, les aventures du détective
sont un pur plaisir et un véritable petit délice visuel.
Version française :
Dick Tracy
Scénario :
Jim Cash, Jack Epps Jr.
Distribution :
Warren Beatty, Al Pacino, Glenne Headly, Madonna
Durée :
103 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
29 Août 2005