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DIARY (2006)
Oxide Pang Chun

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Il serait facile d'attribuer à des phénomènes externes l'échec des plus récents projets des frères Pang: The Messengers, banal premier film du duo en sol américain, comme étant le fruit de compromis; le boursouflé Re-Cycle comme la conséquence directe d'une surabondance subite de moyens. Mais ce que révèle le médiocre Diary, c'est que la souche du malaise créatif s'abattant actuellement sur les frangins est plus profonde encore qu'on ne le craignait. Car le dérapage désordonné concocté par Oxide, avec l'aide de Danny à l'écriture, comporte en théorie tous les éléments nécessaires à l'élaboration d'un solide thriller psychologique; c'est au moment de donner une forme à ces idées que le film s'effondre en un capharnaüm aussi prévisible que pénible, exploitant de manière totalement gratuite les effets auxquels nous a désensibilisé la vague asiatique d'importations d'horreur ayant pris d'assaut le marché nord-américain au cours des dernières années. La déception est d'autant plus marquée qu'elle laisse miroiter, derrière le cafouillage généralisé, bon nombre des qualités qui avaient distingué le solide Ab-Normal Beauty de 2004 des oeuvres précédentes du tandem: une facture visuelle plus sombre, un certain réalisme psychologique, le délaissement des conventions féeriques caractéristiques de leur narration, de même qu'un désir palpable d'ausculter certaines zones d'ombre de la psyché humaine.

Régulièrement exploré de biais par le cinéma d'horreur, le thème de la schizophrénie est ici explicitement exploité comme principal ressort d'une intrigue qui, malheureusement, ne lève jamais malgré tous les tours de passe-passe déballés dans l'espoir de la ranimer. Le huis-clos prenant place dans le petit appartement de Winnie, jeune femme tombant amoureuse d'un homme qui ressemble comme deux gouttes d'eau à son ex-petit ami Seth, oppose réalité et fantaisie, présent et passé, par l'entremise d'un montage nerveux qui tourne finalement en rond. Toute forme de tension est créée artificiellement, que ce soit par l'emploi d'une trame sonore abusant constamment de nos sens ou par le recours au jump cut. Le scénario, pour sa part, se livre à toutes les contorsions possibles avant de revenir par une dernière pirouette maladroite au point de départ. Au cours d'un dernier tiers particulièrement insultant, Pang revient alors sur ses pas dans le but avoué de nous expliquer systématiquement - et sans aucun souci cinématographique - chaque scène ayant précédé.

Redondante à souhait, la forme même du film semble être l'admission d'un échec narratif total. Comme si Oxide Pang Chun avait compris d'emblée que sa mise en scène ne parlait pas d'elle-même, qu'il était essentiel de souligner au stylo rouge chaque nuance d'un scénario mêlant la confusion à la prévisibilité. L'exercice est certes marqué de quelques traces d'un humour noir plutôt plaisant. Mais dans le cadre d'un film se voulant sérieux - d'autant plus qu'il aborde un sujet sensible - cette qualité ne constitue qu’une bien maigre rédemption. Le spectateur moyen n'est pas aussi idiot que le laisse supposer cette lecture simplifiée dissipant le charme de la grammaire cinématographique.

Néanmoins, il est impossible de nier le certain degré d'excellence technique dont fait preuve Diary : le travail, concernant tant le cadrage que l'éclairage, s'avère d'une remarquable richesse. Dans le même ordre d'idée, impossible de ne pas souligner l'inventivité parfois saisissante de la direction artistique. Mais la pertinence de cette recherche visuelle est parfaitement discutable dans un tel contexte car les invraisemblances du scénario, quoique justifiées par le dernier tiers du film, s'avèrent tout simplement trop grosses pour motiver quelque forme d'engagement que ce soit de la part du spectateur. Le suspense ne prend jamais, constamment désamorcé par tel ou tel effet de choc généralement ridicule car employé sans motivation profonde. La nécessité de se plier aux conventions du cinéma d'horreur et aux désirs d'un certain public semble cette fois peser sur la conscience d'Oxide Pang, alors que tout pousse à croire qu'il cherche avec Diary à s'éloigner du genre qui l'a rendu célèbre.

En résulte un film au traitement forcé, incapable de trouver le ton juste, qui se cantonne finalement à réitérer sans inventivité un schéma classique du cinéma d'horreur, soit celui du protagoniste prisonnier de ses hallucinations, incapable de faire la distinction entre rêve et réalité. Diary n'est donc en bout de ligne qu'une interrogation de plus dans l'intrigue que constitue l'imposante filmographie d'Oxide Pang et de son frère. Capables du meilleur comme du pire, ils n'arrivent ici qu'à confirmer l'ambiguïté de leur talent et la précarité de leur démarche se situant à mi-chemin entre le film d'auteur et le produit de genre populaire. La sortie d'un remake hollywoodien de leur plus gros succès à ce jour, The Eye, est prévue pour le mois d'octobre 2007. Mais, de leur côté, les Pang savent moins que jamais sur quel pied danser. Les beaux jours de leur carrière seraient-ils déjà chose du passé?




Version française : -
Version originale : Mon seung
Scénario : Oxide Pang Chun, Thomas Pang
Distribution : Charlene Choi, Isabella Leong, Shaw Yue
Durée : 85 minutes
Origine : Hong Kong

Publiée le : 17 Juillet 2007