LE DERNIER TUNNEL (2004)
Érik Canuel
Par Louis-Jérôme Cloutier
Le cinéma québécois poursuit sa lancée.
Des productions de chez nous et de plus en plus imposantes voient le
jour pour le meilleur et pour le pire. Le Dernier tunnel, un
peu comme Sur le seuil, est dans un genre qui n’a pas
été souvent exploré au Québec. Érik
Canuel (La Loi du cochon) revient à quelque chose plus
près de ses ambitions après le décevant Nez
Rouge. Cependant, son dernier film possède quelques caractéristiques
de la romance comédique sortie en novembre; le cinéma
américain est la principale source d’inspiration. Le récit
est souvent invraisemblable et très conventionnel. En plus, il
est extrêmement dommage qu’il se concentre sur la relation
houleuse entre Talon (Côté) et sa femme plutôt que
sur le vol lui-même. Heureusement, le film a également
plusieurs points positifs et est réussi dans l’ensemble.
Le dernier tunnel est librement inspiré d’un véritable
événement. Au début des années 90, Marcel
Talon a bien failli réussir un coup assez incroyable en creusant
un tunnel à partir des égouts pluvieux de Montréal.
La version cinématographique est bien sûr davantage romancée.
Talon sort de prison et renoue avec son ami Fred (Lapointe) afin de
commettre un vol très audacieux. Il s’associe avec Smiley
pour financer ce projet risqué. Par contre, Talon ne veut pas
avouer à sa femme Maggy qu’il a repris ses mauvaises habitudes
et doit composer avec une agente de probation un peu trop curieuse.
Comme on peut le constater, le vol n’est pas au centre de l’histoire.
Elle est surtout concentrée dans un jeu psychologique entre les
personnages. D’un côté, la relation tendue entre
les complices réserve de très bon moments. Il y a un homme
qui perturbe les plans, une ambiance de méfiance et on sent que
la trahison pourrait bien frapper. De l’autre côté,
la relation amoureuse entre Talon et Maggy s’étale et prend
trop d’importance. Si bien que le vol passe presque parfois au
second rang et on se retrouve face à un film d’amour avec
un cambriolage en arrière-plan. Ce petit accroc ne dure pas trop
longtemps, mais nuit tout de même considérablement à
la cohésion du film.
De plus, les scénaristes fourmillent d’idées lorsque
vient le temps de décrire le cambriolage final, et cherchent
souvent quoi dire pendant la confection du tunnel. Par chance, les acteurs
possèdent du talent et jouent avec conviction leur personnage.
Mention honorable à Jean Lapointe dans son rôle de vieux
routier en mauvais état tandis que Michel Côté est
égal à lui-même. Érik Canuel semble avoir
eu du plaisir à réaliser ce film. Il y va de certains
effets intéressants comme des ralentis et joue parfois avec la
lumière de façon attrayante. On tombe parfois un peu dans
le vidéo-clip, mais cela cadre bien afin de filmer le vol en
tant que tel. La dernière demi-heure du film réserve d’ailleurs
plusieurs bons moments d’actions. Dommage que la tension ne soit
pas suffisamment au rendez-vous. La trame musicale est également
intéressante avec des effets sonores bien utilisés.
Il s’agit donc globalement d’un film offrant de bonnes interprétations,
une réalisation de qualité et une bonne histoire ponctuée
de relations psychologiques intenses entre certains personnages. Toutefois,
comme je l’affirmais précédemment, Le Dernier
tunnel est trop américain et ne peut qu’être
québécois dans son langage. Et bien sûr, l’histoire
d’amour prend trop d’importance par rapport au reste. C’est
donc un film qui fait plaisir à voir sans être aussi réussi
que les grands suspenses du genre.
Version française : -
Scénario :
Paul Ohl, Mario Bolduc
Distribution :
Michel Côté, Jean Lapointe, Marie-France
Marcotte
Durée :
109 minutes
Origine :
Québec
Publiée le :
15 Mars 2004