DEEP RED (1975)
Dario Argento
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Suis-je le seul à ne pas comprendre l'attrait du cinéma
de Dario Argento? Peut-être est-ce le jeu dans l'ensemble absolument
minable de toutes ses distributions qui me repousse? Ou alors la musique
prog-funk synthétique de son groupe fétiche,
Goblin, qui, bien qu'elle soit amusante, ne fonctionne dans la plupart
des cas absolument pas avec l'atmosphère de ses films. Peut-être
est-ce le fait que ces fameuses séquences de meurtres, celles-là
même qui ont fait la renommée du réalisateur italien,
sont montées avec une maladresse incroyable frôlant fort
souvent l'amateurisme pur et simple? Ces flasques enchainements de plans
coupés deux pouces trop tard frustrent et font rire plus souvent
qu'ils n'angoissent. À mon humble avis, le titre de «Maitre
italien de l'horreur» décerné par plusieurs à
Argento en dit autant sur la qualité générale des
productions italiennes dans ce genre que sur le talent de l'homme en
question. Le choix n'est pas des plus excitants: entre les ennuyeux
meurtriers en série d'Argento et un Lucio Fulci attendant que
victimes et spectateurs désespèrent devant d'innombrables
vagues de zombies déferlant à une lenteur délirante
pour être réduits en lambeaux, existe-t-il vraiment un
choix supérieur à un autre?
Profondo rosso est considéré par plusieurs des
amateurs d'Argento comme un sommet dans sa filmographie que seul le
Suspiria de 1977 peut aspirer à égaler. À
l'époque, il s'agissait en fait pour le réalisateur d'un
retour au monde du giallo, ce genre hybride entre le thriller
policier et le slasher sanglant qui a fait la renommée
d'Argento, après un court saut dans l'univers du western spaghetti.
Motivé par un regain d'intérêt du public italien
pour le genre, le réalisateur décida de pousser la violence
stylisée jusqu'à son paroxysme afin de satisfaire les
appétits sadiques de celui-ci. C'est plus ou moins le seul élément
qui distingue les films d'Argento des autres du genre, et force est
d'admettre qu'ils ont été à ce niveau dépassés
sur une base régulière depuis leur sortie. Il y aura toujours
un esprit plus tordu pour concocter des meurtres plus élaborés,
mais existe-t-il une raison pertinente de le faire?
Le cinéma de Dario Argento a bien quelques qualités rédemptrices:
les plans sont parfois plutôt intéressants et se distinguent
par une certaine originalité stylistique qui pourrait presque
être qualifiée d'inspirée de temps à autres.
Cela dit, ses explorations visuelles demeurent purement superficielles
et se limitent plus souvent qu'autrement à filmer des plans subjectifs
de la perspective des pieds du meurtrier ou à lancer la caméra
dans de longs plans séquences qui ne finissent que par montrer
quelques objets appartenant au meurtrier. On nage dans le tape-à-l'oeil
lassant. Qui plus est, le réalisateur italien n'a aucune notion
de rythme. Les meurtres ont lieu sans qu'une atmosphère ne soit
créée au préalable et ne provoquent pour cette
simple raison aucun effet de choc. L'atmosphère, matière
première du cinéma d'horreur, est ici totalement inexistante.
En échange, on nous offre plutôt les synthétiseurs
grouillants et le funk corpulent de Goblin qui en feront peut-être
taper du pied quelques-uns mais n'inquiéteront personne.
Devant tout ce cirque, on demeure perplexe. Comment Argento a-t-il pu
devenir une telle figure culte du cinéma d'horreur? Ce n'est
certainement pas l'enquête erratique du personnage principal qui
a fasciné les spectateurs depuis 1975. Si Profondo rosso
est véritablement l'un des chef-d'oeuvres de Dario Argento, jusqu'à
quelles profondeurs abjectes peuvent sombrer ses autres produits moins
«réussis»? Le montage y est-il encore plus déficient?
Évidemment, les fervents du réalisateur se délecteront
sans doute de cette masse informe qui alterne étrangement entre
l'insignifiance légère et la violence morbide. Mais devant
un cinéma d'horreur aussi mou, créé sans notion
de rythme ou d'ambiance, il est peut-être plus juste d'utiliser
le qualificatif de moribond...
Version française : -
Version originale :
Profondo rosso
Scénario :
Dario Argento, Bernardino Zapponi
Distribution :
David Hemmings, Daria Nicolodi, Gabriele Lavia,
Macha Méril
Durée :
126 minutes
Origine :
Italie
Publiée le :
24 Février 2005