DEATH IN GAZA (2004)
James Miller
Par Jean-François Vandeuren
Un des aspects les plus intéressants du cinéma documentaire
est que malgré la préparation qu’un tel projet nécessite,
il y aura toujours un écart entre l’idée de base
et le résultat sur pellicule, vu l’imprévisibilité
des évènements relatés. C’est le cas de ce
Death in Gaza, dont le tournage connut une fin pour le moins
tragique alors que le réalisateur et caméraman britannique
James Miller fut atteint mortellement d’une balle tirée
par un militaire israélien et ce, même s’il brandissait
un drapeau blanc quelques instants auparavant, devenant ainsi le sujet
de son propre film. Inutile de dire que l’effort que l’on
nous offre aujourd’hui n’est surement pas ce à quoi
les auteurs croyaient nous convier au départ. Une œuvre
visiblement incomplète qui parle d’elle-même et qui,
ironiquement, n’aura pas pu présenter les deux côtés
de la médaille. Le matériel filmé fut donc repris
par la productrice et scénariste Saira Shah qui dû modifier
la trame narrative initiale afin d’y inclure le destin qui attendait
James Miller le 2 mai 2003.
Que voyons-nous réellement du conflit israélo-palestinien
en occident lorsque l’on allume la télévision? Les
bulletins de nouvelles ne rapportent bien souvent que les explosions,
les attentats suicides, le nombre de blessés et de morts, projetant
une image de la Palestine que le premier venu percevra comme du non-sens
alimentant une violence injustifiée et barbare, entretenant l’image
de victime que nous collons au peuple israélien depuis plus de
soixante ans. Une image irréfléchie que Death in Gaza
ne tente aucunement de promouvoir. Mais cette violence est pourtant
bien réelle. Le film de James Miller nous amène donc en
plein cœur des territoires occupés de la Bande de Gaza pour
tenter de faire un portrait de la vie des Palestiniens de cette région,
particulièrement celle des enfants et adolescents. Le documentaire
s’intéresse d’ailleurs d’une manière
assez inusitée aux raisons de cette violence découlant
parfois de jeux psychologiques pouvant atteindre des sommets parfois
ridicules, voire la réplique de soldats israéliens à
bout de nerfs, tirant des coups de feu en direction d’enfants
palestiniens qui lançaient au préalable des pierres sur
leurs panzers dernier cri.
Une escalade qui a souvent tendance à se diriger vers des évènements
facilement condamnables. C’est d’ailleurs en ce sens que
Miller et Shah tentent de faire la part des choses en mettant en perspective
l’existence de ce peuple qui n’a pour ainsi dire rien à
contempler devant lui et qui trouve en la mort l’un des seuls
moyens qui lui reste pour protester contre ces injustices. Death
in Gaza démontre par contre que la haine envers Israël
est très bien entretenue grâce à une propagande
s’infiltrant même dans le système scolaire, où
les cours d’histoire, de géographie et de littérature
révèlent un fort penchant pour le militantisme. Le plus
déstabilisant sera de voir cette solidarité face à
ce qui semble être inévitable, alors que même des
enfants de dix ans désirent plus que tout mourir et atteindre
le statut de martyr, demeurant du temps de leur vivant prisonniers d’une
oppression dont les origines demeureront toujours extrêmement
douteuses et dont la continuation est des plus ironiques dans ce cas
où l’histoire n’aurait pas dû se répéter.
Cela prend évidemment beaucoup de courage pour s’aventurer
aussi près de ces lieux où la violence fait parti du quotidien
et malgré sa fin tragique, ce que nous offre en définitive
James Miller et Saira Shah reste un des films les plus percutants sur
le sujet, allant même jusqu’à nous offrir un coup
d’œil inespéré à l’intérieur
des repères secrets du Hamas où ils y accompagnèrent
un des jeunes enfants interviewés qui servait d’éclaireur
jusqu’à tout récemment à l’organisation,
démontrant du même coup à quel point dans cette
région l’être humain a beaucoup plus d’importance
après sa mort que de son vivant. Death in Gaza pose
donc un regard chamboulant sur le conflit israélo-palestinien
et sur un peuple qui aimerait bien pouvoir vivre en paix, même
s’il ne la croit plus possible.
Version française : -
Scénario :
Saira Shah
Distribution :
James Miller, Saira Shah
Durée :
80 minutes
Origine :
Royaume-Uni
Publiée le :
8 Août 2005