DEAR WENDY (2005)
Thomas Vinterberg
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Signataire-fondateur du Dogme 95, Thomas Vinterberg est surtout connu
pour ce fameux Festen désigné par Von Trier et
ses acolytes comme premier ambassadeur du mouvement. Sept ans plus tard,
il est donc un peu drôle de voir cet ancien disciple de la simplicité
volontaire nous présenter un excès de zèle stylistique
tel que ce Dear Wendy. Il n'y a que les fous qui ne changent
pas d'idée, mais ce virage à 180 degrés ne s'opère
pas sans provoquer sa part de questions chez le spectateur averti. Comment
passe-t-on d'un cinéma obsédé par la notion de
vérité à un film aussi maniéré en
un si court laps de temps? Existe-t-il une bonne justification à
ce changement radical d'attitude. Où alors Vinterberg a-t-il
finalement décidé que le réalisme, c'était
un vieux dada dépassé duquel il devait se débarrasser?
Écrit par le camarade-mentor Von Trier, Dear Wendy est
un nouveau volet dans la grande saga du mégalomane danois sur
le mythe américain. Si Vinterberg l'a réalisé,
c'est que Von Trier cherchait un créateur dont la signature soit
plus réaliste que la sienne pour mettre en image cette histoire
d'amour entre un homme et son fusil. Si vous avez bien suivi jusqu'ici,
vous aurez remarqué que c'est déjà bien ironique
comme situation. C'est donc cette culture des armes, bien implantée
dans le subconscient et la constitution du peuple américain,
à laquelle s'attaque avec la subtilité d'un film de Michael
Bay ce nouvel essai très critique à défaut d'être
vraiment nuancé.
Sous la forme d'une lettre à un pistolet nommé Wendy,
Vinterberg nous plonge dans l'univers, d'abord normal puis complètement
détraqué, d'un jeune homme de la classe moyenne américaine,
d'abord pacifiste puis pacifiste armé, qui découvre avec
quelques amis les vertus thérapeutiques d'une arme à feu.
Ensemble, ils formeront les Dandies, une excentrique société
secrète vouée à l'amour chaste de ces engins de
mort. Les fusils deviennent la solution de secours pour cette bande
d'âmes troublées recherchant simplement confiance, puissance
et affection. Jusqu'à ce qu'un shérif mal informé
ne glisse dans le groupe un élément perturbateur, un noir
qui a déjà tué.
Tous les chefs d'accusation pour un grand procès de l'Amérique
moderne sont donc réunis: le racisme, le réflexe de violence,
les milieux isolés où l'on s'emmerde et bien sûr
la culture des armes. Surtout que cet angle cynique par lequel Vinterberg
approche ces thèmes semble avoir le potentiel de mener à
une vraie bonne fusillade intellectuelle.
Sauf que le tireur rate la cible. Pas de très loin, mais juste
assez pour décevoir. Si vous n'aviez pas encore saisit la symbolique
phallique du fusil, préparez-vous à noter le lien et à
le souligner une bonne dizaine de fois au gros feutre noir. Le scénario
de Von Trier ankylose une histoire potentiellement fascinante en demandant
des renforts à l'artillerie lourde symbolique, sur laquelle Vinterberg
vient appuyer tout son traitement des personnages et de la narration.
Dear Wendy, c'est le western comme métaphore ultime
de l'Amérique. Une idée fascinante que Leone avait déjà
avancée avec son mythique Il était une fois dans l'Ouest.
C'est donc ici que se glisse la question de l'esthétique léchée,
de cette glorification de l'imagerie violente dans laquelle verse si
facilement le cinéma et qui finit par avaler le film du cinéaste
danois. On comprendra que par cet esthétisme cool et branché
de la violence, Vinterberg aspire à critiquer la glorification
qui en est faite. On parle tout de même d'un réalisateur
qui avait déjà fait le serment de ne pas exploiter les
situations superficielles (armes, meurtres, etc...) dans ses films.
Malheureusement, il n'est pas assez articulé pour mettre de l'avant
cette idée autrement qu'en nous assénant ses images avec
peu de doigté.
Si Vinterberg perd le fil de ses idées au cour de Dear Wendy,
il n'en demeure pas moins que son film possède une force de frappe
indéniable ainsi qu'un charme insolite que souligne un humour
grinçant et une trame sonore enivrante construite à partir
du répertoire des Zombies. À défaut de pouvoir
accoter Dogville, le nouveau Vinterberg a de quoi faire jaser
ne serait-ce que parce qu'il vise dans la bonne direction. On a certes
affaire à un film dans son ensemble bien mené. Pourtant,
le produit final est victime de ses contradictions et de son ton léger
qui en fera probablement un favori des plus ardents représentants
de l'antiaméricanisme primaire. Un film à voir malgré
ses défauts.
Version française : -
Scénario : Lars Von Trier
Distribution : Jamie Bell, Bill Pullman, Michael Angarano, Danso
Gordon
Durée : 105 minutes
Origine : Danemark, France, Allemagne, Royaume-Uni
Publiée le : 20 Octobre 2005
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