DAZED AND CONFUSED (1993)
Richard Linklater
Par Frédéric Rochefort-Allie
Le soleil est chaud, le ciel est bleu, l’air n’a jamais
été si frais. Les cloches retentissent, étouffées
sous les cris des enfants et adolescents trop heureux d’être
enfin libérés. C’est les vacances, l’école
est terminée. Un moment sacré. Ce sentiment de liberté
absolue qui gagne le cœur des écoliers nous est tous familier,
nous qui le sommes ou qui l'avons été. Que ce soit en
jouant dans la rue ou en se saoulant la gueule, les étudiants
célèbrent tous la fin ou le début d’une nouvelle
étape. Peut-être par nostalgie d’une jeunesse qui
commençait à se faire lointaine en ce début de
trentaine, Richard Linklater replongea à pieds joints, en 1993,
dans son adolescence pour y créer un film qui, même depuis
une décennie, demeure culte.
Dans la suite logique des évènements, le soir même
du premier jour de vacance s’organise un méga party réunissant
la quasi totalité des étudiants de l’école
secondaire de Huntsville. Comme le veut le dicton de l’époque,
«sexe, drogues et rock’n roll» sont au rendez-vous.
Si vous y cherchez une intrigue mieux définie et plus évidente,
n’oubliez pas que le film se nomme Dazed & Confused.
À mi-chemin entre Before Sunset et The School of
Rock, le film de Linklater se définirait paradoxalement
comme un «teen movie» d’auteur. Le film de
Linklater ne ressemble en rien aux films qui ont meublé ce genre
dans les années 90 tels les She’s All That, Here
On Earth ou les non moins infâmes American Pie.
Les dialogues, toujours aussi savoureux chez Linklater, sont tout de
même bien loin du fameux gag de la tarte chez ce dernier. On y
trouve tant une conversation sur les idéologies latentes de l’Île
de Gilligan que des allusions à une forme de néo-maccarthysme.
Sans être exclue de gags un tant soit peu puérils, cette
œuvre se différencie aussi par son respect de l’intelligence
du spectateur et l’authenticité artistique qu’on
peut y trouver dans sa conception. Dazed & Confused est
un portrait critique rassemblant tous les stéréotypes
de personnages qu’on peut rencontrer dans une école secondaire.
À la différence de films comme Not Another Teen Movie,
Linklater respecte ses personnages plutôt que de les utiliser
à de simples fins humoristiques. Aucun protagoniste n’en
domine un autre, il s’agit de l’histoire d’un grand
nombre d’étudiants autour desquels nous découvrons
leurs différents points de vue, leurs forces, comme leurs faiblesses.
Tous aussi colorés les uns que les autres, ils dégagent
cette impression de familiarité, et ce même si nous sommes
bien loin des années 70.
Le cinéaste qui nous habitue de plus en plus au fil des ans à
un rythme beaucoup plus lent et un style beaucoup plus lourd est, avec
Dazed & Confused, très accessible. Cela ne signifie
pas qu'il en est moins intéressant, mais Richard Linklater, qui
en était à l’époque à l’un de
ses premiers films, dégage par sa réalisation la vivacité
et l’innocence d’un adolescent. Le dynamisme du montage
et de sa réalisation se fond à l'ambiance de cette dernière
journée qui se veut particulièrement exaltante. Pour pénétrer
plus profondément dans l'essence de la jeunesse, Linklater fait
de nombreuses références aux grands hits de la culture
musicale de l'époque, liant de nombreux titres à des scènes
dont les paroles apportent un regard amusant sur l'évènement.
Par exemple, Paranoid pour de jeunes adolescents qui craignent
leur initiation qui consiste en une bonne séance de fessée...
avec palette. Ce lien contribue en grande part au plaisir que l'on ressent
tout au long du film et qui ne dérougit jamais.
Dazed & Confused ne se compose pas de stars qui tapissent
les murs des jeunes filles de 11-12 ans. Plusieurs des meilleurs acteurs
de cette formidable distribution sont de purs inconnus. Rory Cochrane
par exemple, dans le personnage de Slater, n'est rien de moins que parfait
dans le rôle d'un jeune loin d'être lucide. Cochrane n'a
rien d'une superstar, et pourtant il éclipse de loin l'ensemble
de la distribution. Beaucoup d'acteurs y ont aussi fait leurs débuts:
Parker Posey (Blade 3), Milla Jojovich (Resident Evil,
Fifth Element), mais surtout Ben Affleck et l'excellent (pour une
fois) Matthew McConaughey. Une étonnante brochette d'acteurs,
parfaite dans sa composition.
Bref, que ce soit pour célébrer le début des vacances
ou même pour vous remémorer des souvenirs du secondaire,
Dazed & Confused est l'un des ultimes teen movies. Richard
Linklater prouve une fois de plus qu'il est un cinéaste de talent
et un cousin du jeune Kevin Smith. Son humour, ses personnages attachants
et sa trame sonore remarquable font de cette oeuvre cultissime un classique,
voire un must pour un visionnement d'été... qui se savoure
(si vous en avez l'âge) avec une bonne bière froide de
préférence.
Version française :
La Tête dans les nuages
Scénario :
Richard Linklater
Distribution :
Jason London, Rory Cochrane, Wiley Wiggins, Sasha
Jenson
Durée :
103 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
23 Mai 2005