DAYBREAKERS (2009)
Michael Spierig
Peter Spierig
Par Jean-François Vandeuren
Au cours des dernières années, les vampires ont effectué
une percée pour le moins remarquée au coeur de la culture
populaire mondiale. En littérature comme au cinéma et
à la télévision, les buveurs de sang sont partout.
La grande particularité de ce nouveau phénomène
basé sur une interprétation souvent très sommaire
du mythe du vampire demeure évidemment la façon dont le
personnage fut intégré à un contexte extérieur
au récit d’horreur typique. Les combinaisons semblent d’ailleurs
infinies - et même contradictoires - pour ces artistes qui cherchent
désormais à présenter cette figure tragique comme
un être tourmenté et non comme une simple menace. Nous
ne pouvons évidemment passer à côté de cette
romance insipide dans laquelle le vampire incarnait la nouvelle voix
d’une forme de puritanisme particulièrement douteuse (l’envahissante
saga Twilight de Stephenie Meyer), tandis qu’à
l’opposé, ce dernier se révélait le principal
acteur d’un univers télévisuel hypersexualisé
(l’inattendu True Blood d’Alan Ball). Pour leur
part, les frères Spierig récidivent avec un second long-métrage
en faisant les choses d’une manière un peu plus traditionnelle.
Dans Daybreakers, les vampires ne scintillent pas lorsqu’ils
sont exposés à la lumière du Soleil, ils brûlent.
Il faut dire que les deux cinéastes affichaient déjà
un goût prononcé pour l’horreur à l’ancienne
avec Undead, film de morts-vivants à la prémisse
(beaucoup trop) éclatée qui n’arrivait malheureusement
jamais à trouver de juste milieu entre le film de genre et la
comédie. Un constat on ne peut plus décevant pour un effort
qui se permettait même de transformer de vulgaires poissons en
zombies. Nous nous retrouvons ici face à un cas similaire alors
que le duo récupère avec un plaisir évident certaines
caractéristiques propres aux prédateurs de la nuit que
nous prenions peut-être un peu trop pour acquises et qui ont pu
paraître de moins en moins immuables cette dernière décennie.
On pense, entre autres, à l’absence de reflet des protagonistes
lorsque ceux-ci se pavanent devant un miroir, à leurs crocs acérés
bien mis en évidence, et même à la bonne vieille
chauvesouris, qui nous fait ici grâce de sa présence en
quittant sa grotte pour prendre complètement le contrôle
du ciel. C’est d’ailleurs l’une de ces bestioles qui
sera à l’origine de l’épidémie qui,
de morsure en morsure, changera la face de la planète bleue à
tout jamais. Car dans Daybreakers, ce sont les vampires qui
règnent au sommet de la chaîne alimentaire, tandis que
les derniers survivants, lorsqu’ils ne sont pas en train de fuir
les autorités en place, sont élevés comme du bétail
par une vilaine corporation ayant pour mandat de subvenir aux besoins
en hémoglobine de la nouvelle espèce dominante. Le problème,
c’est que la race humaine s’éteint à petit
feu et que le manque de sang a des effets particulièrement dévastateurs
sur un vampire, qui régresse jusqu’à un stade animal
en plus de prendre les traits d’une créature hideuse mi-homme,
mi-chauvesouris. Pour remédier à la situation, un spécialiste
de l’hémoglobine (Ethan Hawke) aura pour mandat de fabriquer
un substitut en laboratoire. Une opération qui, on s’en
doute bien, ne connaîtra que très peu de succès.
Heureusement, une rencontre fortuite avec un ancien mécanicien
(Willem Dafoe), qui reprit forme humaine suite à un curieux accident,
motivera le scientifique à collaborer avec un groupe d’hommes
en cavale afin de découvrir un antitode et ainsi empêcher
que le monde ne perde définitivement son humanité. C’est
d’ailleurs en inversant les rôles et en plaçant les
chasseurs en position de pouvoir que le duo réussit à
se démarquer de ses contemporains, édifiant à travers
un scénario aux formes évidemment assez classiques une
prémisse qui s’avère en soi tout à fait captivante,
et surtout digne d’intérêt.
Mieux encore, les deux réalisateurs ont su développer
leur univers filmique avec suffisamment de minutie et d’imagination
pour que celui-ci puisse être pris immédiatement au sérieux
par le spectateur. Le duo impressionne ainsi de par la grande attention
qu’il porte aux moindres détails de sa production, et ce,
autant sur le plan visuel que scénaristique. Une initiative qui
a évidemment pour objectif de rendre cette nouvelle réalité
vraisemblable en soulignant diverses observations qui permettront aux
événements du récit de répondre à
une logique dramatique clairement définie. On pense à
toutes ces nouvelles technologies mises sur pied pour faciliter le déplacement
des vampires durant le jour (ajustements apportés aux véhicules,
trottoirs souterrains, etc.) ainsi qu’à la constante présence
d’hémoglobine au coeur de leurs habitudes de consommation.
Le tout à l’intérieur d’un univers rétro-futuriste
aménagé avec le plus grand goût par les frères
Spierig et leur équipe artistique. L’une des particularités
de cette histoire d’apparence post-apocalyptique se veut également
la façon dont le fléau en question marqua simplement l’émergence
de nouvelles difficultés pour l’espèce dominante
plutôt que la fin du monde en soi. Daybreakers incorpore
d’ailleurs une bonne dose de drame social à ses allures
de film de série B en soulevant diverses problématiques
- à la fois fictives et bien réelles - d’une manière
évidemment quelque peu insistante, mais néanmoins toujours
pertinente. C’est ici qu’entre en ligne de compte la mise
en scène des deux cinéastes qui se révèle
étonnamment patiente et réfléchie, insistant continuellement
sur l’urgence de leur prémisse sans toutefois exagérer
la dose. Le tout sera propice à la création d’une
atmosphère glauque et sinistre, tandis que la direction photo
de Ben Nott effectuera parfaitement le pont entre ces deux mondes, entre
les teintes bleutées de la nuit et les couleurs aveuglantes du
jour.
Daybreakers est en soi la preuve que de belles choses peuvent
se produire lorsque l’on donne la chance à des auteurs
de cinéma de genre de s’exprimer avec des moyens moindrement
substantiels. Si nous nous retrouvons évidemment ici à
des années lumières de la finesse et de la poésie
désarmante d’un Let the Right One In ou même
d’un Thirst, les deux frangins font néanmoins
preuve d’une rigueur créatrice que nous n’aurions
jamais pu soupçonner après un exercice aussi bâclé
qu’Undead. Il faut dire que le duo dose ici ces éléments
comiques d’une manière beaucoup plus subtile en faisant
toujours bien attention de ne pas faire basculer l’ensemble dans
le ridicule, nous immisçant tranquillement dans son univers en
nous faisant constamment ressentir la dureté de ses rouages et
la lourdeur de son quotidien. Une vigilance qui permettra d’autant
plus aux deux maîtres d’oeuvre d’orchestrer une sous-intrigue
étonnamment engageante illustrant la décente aux enfers
d’une jeune femme telle que manigancée par son père
immortel (Sam Neill). Les frères Spierig s’en sont, certes,
permis beaucoup cette fois-ci alors que les démembrements s’avèrent
des plus nombreux et que le sang coule à flot, particulièrement
en fin de parcours. Le tout en se permettant un nombre assez déraisonnable
d’effets de style qui ne produise malheureusement pas toujours
les effets escomptés. Ceux-ci donneront tout de même lieu
à l’un des moments les plus sadiques, mais délectables,
du film alors que les réalisateurs orchestreront un carnage au
ralenti des plus saisissant alors qu’il sera finalement assez
difficile de convaincre une horde de vampires assoiffés d’abandonner
leur vieilles habitudes et de redevenir de simples mortels. Daybreakers
s’affirme ainsi haut et fort comme un film de série B exécuté
avec souplesse et savoir-faire avec tout ce que cela implique en termes
d’épisodes sanglants à souhait, de répliques
ridicules, et de moments de cinéma aussi saugrenus que délectables.
Version française : L'Aube des survivants
Scénario : Michael Spierig, Peter Spierig
Distribution : Ethan Hawke, Willem Dafoe, Claudia Karvan, Sam
Neill
Durée : 98 minutes
Origine : Australie, États-Unis
Publiée le : 8 Janvier 2010
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