THE DA VINCI CODE (2006)
Ron Howard
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Avez-vous vu Les Rivières Pourpres 2? En gros, ce savoureux
détritus mettant en vedette Jean Reno nous faisait part d'un
grandiose complot houspillé par des moines experts en arts martiaux
afin de protéger le secret d'un trésor nazi caché
quelque part dans les voûtes de la ligne Maginot! Tiré
par les cheveux, dites-vous? Le statut de best-seller du roman duquel
il est tiré demeure la seule et unique raison pour laquelle on
a parlé avec une telle insistance du médiocre Da Vinci
Code de Ron Howard. Oubliez la prétendue controverse entourant
le film, car il s'agit du sous-produit anachronique d'une mentalité
dépassée ou, si vous préférez, d'une énième
preuve que l'institution catholique n'a pas encore entamé le
virage post-moderne qui a façonné les mutations de notre
société durant les soixante dernières années.
Acceptons The Da Vinci Code pour ce qu'il est, c'est-à-dire
l'adaptation cinématographique boursouflée d'un trash
novel glorifié que l'on a hissé au rang de gigantesque
succès international par intérêt pour le sensationnalisme
de série B de son synopsis.
Le film de Ron Howard est un pétard mouillé, et ce pour
plusieurs raisons. Bien entendu, l'intrigue s'avère aussi tirée
par les cheveux que celle de bien des films d'horreur à saveur
religieuse, mais elle n'est pas totalement dépourvue de charme.
Inspiré par quelques extrapolations intrigantes dont l'étalement
se fait plus aisément à l'écrit qu'au grand écran,
The Da Vinci Code tente de tisser la toile complexe d'une tentaculaire
conspiration ourdie afin de défendre la consécration par
l'Église catholique de la nature divine de Jésus Christ.
Des Templiers à l'Opus Dei en passant par la vraie nature de
Marie-Madeleine, tous les mythes et mystères de la chrétienté
sont empilés les uns sur les autres afin de monter les bases
de cette gigantesque enquête historique mal fichue.
Sans l'ombre d'un doute, la première erreur des producteurs fût
de confier à l'incompétent Ron Howard et à son
misérable sous-fifre le scénariste Akiva Goldsman la tâche
de condenser une intrigue d'une telle densité en un film digeste.
Responsable de l'exécrable Batman & Robin, Goldsman
est un véritable tâcheron comme le prouve à maintes
reprises la narration minable qu'il a montée à partir
du roman de Dan Brown. Son Da Vinci Code est une enfilade maladroite
de devinettes mal reliées entre elles qu'Howard enchaîne
sans aucun sens du rythme. La forme épisodique qu'arbore le film
est exemplaire de la façon dont on ne doit pas écrire
un scénario. Qui plus est, les théories qui demeurent
la clé du succès du roman sont présentées
au cours de longues séquences d'expositions mal fichues desservies
par des dialogues sans verve frôlant souvent le ridicule.
Malheureusement, la réalisation pédestre d'Howard s'affaire
elle aussi à étouffer toute forme de tension. Comme il
le fait dans A Beautiful Mind, le plus surestimé des
cinéastes hollywoodiens tente de matérialiser visuellement
l'intelligence humaine et de mettre en image la logique en action sans
aucune ingéniosité. Sa vision du cinéma est dépourvue
d'inventivité, mais surtout de toute forme de plaisir tangible.
Balourd à l'extrême, son Da Vinci Code est non
seulement trop long, mais surtout ennuyeux au possible. Les intrigues
secondaires s'étirent de manière déraisonnable
pour être par la suite abandonnées au cours d'une finale
à l'instar du film dont l'ensemble est particulièrement
bâclé.
Au fond, c'est parce qu'il se prend trop au sérieux que The
Da Vinci Code échoue lamentablement. Les moines albinos
se flageolent sans passion, pour l'intensité du geste, tandis
que chaque détail d'une évidence aberrante est martelé
à maintes reprises dans le crâne du pauvre spectateur qui
n'en demandait pas tant. La faute de Ron Howard est de surestimer la
richesse de son intrigue tout en sous-estimant l'intelligence du spectateur.
La mécanique de son film est défaillante et l'intrigue
déraille, mais le bon vieux Ron est encore trop occupé
à s'assurer que nous avons compris la dernière pièce
de son casse-tête pour s'en rendre compte.
Involontairement, The Da Vinci Code provoque l'hilarité
à maintes reprises. Dans ce déluge de flashbacks mal insérés
et de dialogues sots, les acteurs deviennent les pathétiques
pantins d'une supercherie millénaire qui de toute évidence
les dépasse. Jean Reno, depuis trop longtemps le policier français
louche de service favori des Américains, attend son chèque
de paye patiemment tandis que la belle Audrey Tautou est prisonnière
d'un personnage horriblement unidimensionnel. Pour leur part, les propriétés
somnifères de Tom Hanks ont rarement été exploitées
avec une telle efficacité. Question de couronner le tout, la
direction photo fait preuve d'une médiocrité remarquable
compte tenu du budget de l'entreprise. Où on bien pu s'envoler
les 125 millions de dollars qu'a coûté cet échec?
En fait, ce pitoyable spectacle est tristement dépourvu de toute
étincelle créative. À force de courir d'un bout
à l'autre du monde sur la piste de ses indices, The Da Vinci
Code s'essouffle pour finalement s'effondrer en fin de parcours
sans qu'il n'y ait de possibilité de réanimation envisageable.
Si vous cherchiez un Indiana Jones dépourvu de séquences
d'action ou un thriller policier décousu sur l'étendue
de plusieurs siècles, votre quête s'arrête ici. Il
n'y a rien de mal à vouloir discréditer l'Église
catholique. Encore faut-il s'y prendre de manière crédible...
ou à tout le moins amusante. The Da Vinci Code n'est
ni l'un ni l'autre.
Version française :
Da Vinci Code
Scénario :
Akiva Goldsman, Dan Brown (roman)
Distribution :
Tom Hanks, Audrey Tautou, Ian McKellen, Jean Reno
Durée :
149 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
26 Mai 2006