A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

CUBE (1997)
Vincenzo Natali

Par Pierre-Louis Prégent

Vous est-il déjà arrivé d’entrer dans un club vidéo avec le désir absurde de vous promener dans la section science-fiction afin de vous adonner à une sélection dont les critères vous mèneront volontairement à la location d’un navet ? Je m’adonne quelquefois à cette pratique que certains considéreront masochiste. Seulement, je me souviendrai longtemps de cette soirée où cette étrange piqure m’a mené à louer Cube. On dit souvent: «Il ne faut pas se fier aux apparences»... je dois dire que ce petit bijou de film constituerait l’exemple idéal pour vendre ce proverbe et devenir multimilliardaire.

Section science-fiction. Deux copies seulement. Film canadien. Très léger budget. Aucune tête connue. Titre peu vendeur. Réalisé par un pur inconnu. Et, c’est bien le comble, une couverture de boitier assez peu inspirante. Voilà, je détenais dans mes mains un gagnant (pour une soirée «navet»)... mais, c’est lors du visionnement que je réalisai qu’il ne s’agissait pas du «gagnant» que j’avais espéré. Laissez-moi vous dire que la surprise fut extrêmement agréable.

La séquence d’introduction frappe de plein fouet. Un homme à l’air visiblement troublé se promène dans une mystérieuse pièce cubique où les murs métalliques sont tous identiques. Sur chaque face de ce cube, on retrouve une porte. Chaque porte mène à une autre pièce identique, sauf pour la couleur des panneaux muraux. Puis, tout à coup, venant de franchir une porte, entrant vigilamment dans une autre pièce, un son d’objet coupant vient rompre le calme inquiétant, et notre ami commence à saigner de partout. Puis, des tranches de sa tête s’effondrent au sol, pour ensuite céder place aux doigts et au reste du corps tranché en dés de la pauvre victime. L’effet est réellement impressionnant, aucun CGI (et dire que certains plus fortunés ont tenté de reproduire un tel effet en vain... n’est-ce pas Paul W. Anderson, aussi connu sous le pseudonyme de Monsieur Resident Evil). Puis, maintenant le concept radicalement expliqué, le titre apparait, pour ensuite laisser place au véritable spectacle.

Nous suivons l’inexplicable (même s’ils feront du mieux qu’ils pourront pour l’expliquer) destin de divers personnages qui se sont tous mystérieusement retrouvés dans le cube, avec seulement quelques vagues souvenirs de ce qu’ils faisaient avant de s’y réveiller. Ils sont tous différents: l’un d’eux est policier, l’une est étudiante et très douée en mathématiques, un autre est un ex-détenu maitre de l’évasion, alors qu’un autre souffre de déficience intellectuelle. Ensemble, ils feront appel à leur ingéniosité pour tenter de trouver la porte qui les mènera à l’extérieur de l’infernal bâtiment.

Et là où Cube devient réellement exceptionnel, c’est dans le développement psychologique de ses personnages. Évidemment, la conviction et la volonté de sortir du cube géant finit par dégénérer en désespoir, qui engendrera ensuite une colère nihiliste. La paranoïa s’installera également, augmentant la tension entre les individus. Les facettes sombres de la psychologie humaine viendront habiter certains personnages qui s’adonneront par la suite à la brutalité verbale et même physique. Bref, nous regardons ces cobayes d’une expérience diabolique tomber à leurs plus bas instincts.

Autre point intéressant, le film est d’une générosité exemplaire en ce qui a trait aux bouleversements scénaristiques. Ceux qui, en premier lieu, semblaient les plus civilisés deviennent les maniaques, les revirements de situation sont nombreux et dynamisent grandement ce film qui aurait facilement pu tomber dans le piège mortel de la linéarité.

Les décors (ou plutôt, le décor) sont répétitifs... les pièces sont identiques (sauf pour les couleurs), et jamais on ne varie. Mais dans un tel film, cela ne fait que renforcer l’effet indéniable de claustrophobie. Le spectateur partage physiquement (mais d’un point de vue psychologique) le malaise des personnages ainsi que leur désespoir de voir derrière chaque porte une pièce identique à la précédente. De plus, les pièges mortels présents dans de nombreuses pièces décimeront quelques-uns de nos héros qui devront développer un moyen pour les détecter. Cet élément additionnel vient hautement pimenter la situation et la morbide originalité de certains pièges offre aux cinéphiles des morts impressionnantes et peu communes.

L’aspect sonore du film contribue également à créer son atmosphère unique. La musique est majoritairement composée de quelques notes de clavier qui fondent dans un faible écho. Le son ambiant est froid et omniprésent, ce qui accentue encore davantage l’impression d’isolement et d’enfermement.

Visuellement, Cube est réussi. Bien que le changement de décor soit inexistant, je préciserais toutefois que les différentes couleurs des pièces apportent une variété visuelle fort intéressante et, étrangement, disposent psychologiquement le spectateur de façon diversifiée. Chacune des couleurs propose sa propre variante à l’atmosphère globale du film. Vincenzo Natali a adéquatement conçu ses plans, même s’il aurait pu être intéressant d’avoir une caméra moins statique. Cela alourdit légèrement le climat du film, même s’il est fort possible qu’il s’agisse de l’effet désiré.

Côté interprétation, la distribution se débrouille très adroitement. Maurice Dean Wint, dans le rôle de Quentin (le policier) ainsi que David Hewlett, qui interprète Worth (l’architecte) sont particulièrement convaincants. Il ne s’agit pas ici de jeu comparable à du Mastroianni, mais tout de même, il n’y a aucun reproche à dénicher dans ce département.

Bref, avec un scénario intelligent axé sur la psychologie des personnages, un copieux lot de surprenants évènements, une ambiance savamment créée qui amalgame claustrophobie et paranormal ainsi qu’une inventivité conceptuelle impressionnante, Cube est tout le contraire du navet que j’imaginais. Donc, cinéphiles masochistes, lors de votre prochaine rage de navet, je vous avise que Cube n’est définitivement pas un choix approprié. Pour toute autre soirée cependant, quel choix judicieux!




Version française : Cube
Scénario : Vincenzo Natali
Distribution : Nicole de Boer, Nicky Guadagni, David Hewlett, Andrew Miller
Durée : 90 minutes
Origine : Canada

Publiée le : 4 Avril 2005