CRANK (2006)
Mark Neveldine
Brian Taylor
Par Frédéric Rochefort-Allie
On imagine la création du film Crank comme suit : les
cinéastes Mark Neveldine et Brian Taylor entrent chez les studios
Lions Gate pour proposer leur concept ; un tueur à gages doit
tenter de combattre une drogue chinoise qui fait ralentir son rythme
cardiaque en s'alimentant d'adrénaline. "Brillant!",
s'exclame le directeur de la compagnie qui engage automatiquement une
brochette d'acteurs populaires pour remplir les salles : Jason Statham
en brute, Amy Smart en blondasse et Efren Ramirez - le Pedro de Napoleon
Dynamite - en mexicain de service. Leur plan paraît infaillible,
le succès inévitable. Malheureusement, au passage, ils
oublièrent d'écrire un bon scénario!
"Il y a 1000 façons de faire monter l'adrénaline.
Chev Chelios devra toutes les trouver", mentionne avec justesse
le slogan sur l'affiche. L'exercice scénaristique des cinéastes
ne fut guère plus complexe qu'en faire l'énumération
et farcir leur scénario de quelques dialogues orduriers pour
créer une illusion de continuité entre eux. Du sexe au
sang, tout y passe sans exception. Crank est un divertissement
de bas étage, le sous-produit d'une génération
élevée dans les jeux vidéos tapageurs et l'hyperactivité.
Un film rempli de scènes tout à fait gratuites, illogiques
et de stéréotypes racistes, qui pourrait facilement donner
des airs d'un Bergman à Snakes on a Plane.
Ce nouveau culte de la médiocrité et de la violence purement
gratuite inquiète. Jusqu'à tout récemment, quand
un film distribué à grande échelle visait à
concrétiser une idée idiote, un certain souci de bon goût
entrait en ligne de compte. Chez Crank, c'est comme si rien
n'importait, sinon que le désir de faire un peu d'argent sur
le dos des fanas d'action qui ont besoin de leur dose de testostérone
dans cette période de creux cinématographique.
15 millions de budget nous dit-on, et qui passent où? Dans des
effets spéciaux aussi ridicules et inutiles que le battement
de coeur d'un pigeon ou l'utilisation très peu subtile de Google
Maps. Il n'est donc pas très surprenant que l'oeuvre de
messieurs Neveldine et Taylor paraisse visuellement aussi nulle qu'un
mauvais film étudiant. Tout semble filmé rapidement et
le rythme anormal avec lequel nous enchaînons de scènes
d'action en scènes d'action semble cacher le désir d'empêcher
le spectateur de penser. Si la première demi-heure est amusante,
on se lasse plutôt rapidement de cette histoire qui ne va carrément
nulle part et ce qui suit ne fait qu'accentuer la nausée que
provoque déjà un navet de la sorte.
Une fois la montée d'adrénaline savourée, Crank
perd tout son intérêt. Il reste néanmoins l'inquiétude
que ce film qui aurait autrefois été destiné à
occuper les jours pluvieux puisse produire une suite. Déjà,
le film a fracassé des records, ce qui serait assez pour tenter
le moindre producteur opportuniste. Heureusement, les films de ce genre
ne se consomment qu'une fois et sont habituellement bien vite oubliés
par la suite. Du moins, on l'espère...
Version française :
"Crinqué"
Scénario :
Mark Neveldine, Brian Taylor
Distribution :
Jason Statham, Amy Smart, Efren Ramirez, Jose Pablo
Cantillo
Durée :
87 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
3 Octobre 2006