THE CORPSE BRIDE (2005)
Tim Burton
Mike Johnson
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Avant tout, Tim Burton est un créateur d'images et d'univers
infiniment inspiré qui a su tirer son épingle du jeu sur
l'échiquier hollywoodien pour en devenir l'une des figures excentriques
les plus respectées et admirées. Bien qu'il ait fait une
erreur de parcours ou deux, la plus notable demeurant son piètre
remake de Planet of the Apes à la sauce blockbuster
dont on chuchote rarement l'existence, Burton s'est constamment distingué
de ses pairs pour créer une esthétique personnelle qui
a fait école. En fait, Burton s'avère probablement le
réalisateur hollywoodien le plus accompli de sa génération.
Capable de mener à bon port des projets de grande envergure tout
en y apposant une signature stylistique distincte et franchement impressionnante,
le maitre a bien quelques détracteurs parmi les cinéphiles
incapables de distinguer l'inspiration du plagiat. Mais ces vaines accusations
d'avoir volé chaque plan à un classique expressionniste
allemand ou à un autre ne sont pas valide lorsque l'on considère
que Burton a les moyens de même que la créativité
nécessaire pour improviser sur le moule expressionniste alors
qu'il aurait très bien pu se contenter de le singer.
Corpse Bride est le descendant direct du marquant Nightmare
Before Christmas qu'il a imaginé et conçu avant d'en
confier la réalisation à Henry Selick. Premier film à
gros budget réalisé uniquement à l'aide de caméras
photographiques numériques, ce Corpse Bride qui aurait
prétendument requis dix ans de travail est un exploit technique
tout bonnement époustouflant tant au niveau de l'animation que
du travail des éclairages. Rarement a-t-on vu une orchestration
visuelle aussi flamboyante enchainer avec une telle verve les styles
et les teintes sans perdre de vue cohérence et unité.
Dans l'ensemble, Corpse Bride est visuellement parlant l'un
des projets les plus aboutis qu'ait concocté Burton à
ce jour. Chaque plan est une merveille et certains mouvements de caméras,
comme le génial survol de la ville en plan-séquence qu'il
nous sert en guise d'entrée en matière, sont carrément
abasourdissants. Mais c'est la galerie de créatures concoctées
pour le film qui vole vraiment la vedette. On pense à ces squelettes
musiciens dont le numéro de chant et de danse est sans doute
un point fort du film, ou à cet évêque aux traits
caricaturaux merveilleusement bien disproportionnés. De même,
l'allure froide et drabe du monde des vivants, inspiré de l'ère
victorienne, offre un contraste savoureux avec l'univers dynamique et
haut en couleur des morts.
Côté histoire, toutefois, cette fable inspirée d'une
légende folklorique russe ne tient pas la route avec autant d'aisance
qu'Edward Scissorhands, The Nightmare Before Christmas
ou même Big Fish n'avaient pu le faire. Peut-être
est-ce parce que ses personnages manquent légèrement de
charisme que le moteur narratif tourne parfois à vide. Heureusement,
le talent de conteur inné de Burton prend finalement le dessus
malgré quelques anicroches en cours de route. Son Corpse
Bride raconte l'histoire de Victor (Johnny Depp), un jeune homme
appelé pour des raisons familiales et financières à
épouser Victoria (Emily Watson) d'ici peu. Suite à une
répétition fort maladroite de la cérémonie
de mariage, le timide jeune homme se rend dans une forêt lugubre
où il épouse par mégarde Emily en tentant de pratiquer
ses voeux. Le funeste problème, c'est que sa nouvelle épouse
est un cadavre en décomposition qui le mène au royaume
des morts pour consommer leur union.
Bien entendu, le festin gothique qui suit est un vrai régal pour
les yeux. Mais cette magie demeure quelque peu superficielle. Une intrigue
romantique convenue s'appuyant sur le bon vieux triangle amoureux empêche
Corpse Bride d'atteindre le statut de classique mineur auquel
une présentation géniale et un trop-plein de bonnes idées
lui permettait d'aspirer. Les fanatiques de Burton seront au septième
ciel, mais gageons que certains cinéphiles cyniques gâcheront
leur plaisir en dressant tous les parallèles possibles avec Le
Cabinet du Dr. Caligari et The Nightmare Before Christmas.
Mon dieu! Burton renoue avec Danny Elfmann, réutilise le chien
en ossements et le concept d'une tour dominant sa ville fantastique!
Quelle triste redondance! Quel pathétique remâchage! Il
n'a plus rien à nous dire! Il radote, le vieux gâteux!
Possible. Mais gageons qu'il en a encore beaucoup à nous faire
voir, ne serait-ce qu'en servant à sa propre sauce l'inépuisable
terre féconde des traditions ancestrales et des folklores obscurs.
Version française : La Mariée cadavérique
Scénario : John August, Pamela Pettler, Caroline Thompson
Distribution : Johnny Depp, Helena Bonham Carter, Emily Watson,
Tracey Ullman
Durée : 76 minutes
Origine : États-Unis
Publiée le : 5 Octobre 2005
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