THE CORPORATION (2003)
Jennifer Abbott
Mark Achbar
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Annoncé comme le nouveau Bowling for Columbine et récipiendaire
du prix du meilleur documentaire au dernier festival de Sundance, The
Corporation combine les faits à l’humour pour offrir
une attaque nuancée contre le capitalisme moderne et les multinationales,
devenues dans les dernières décennies la force politique
et économique dominante du monde moderne. C’est à
un sujet d’actualité qui a fait couler beaucoup d’encre
et provoqué plusieurs manifestations populaires que s’attaquent
donc Jennifer Abbott et Mark Achbar avec leur premier film. Toutefois,
les réalisateurs se servent de ce thème comme tremplin
pour tracer un portrait global très intéressant du monde
actuel.
Le film a peut-être le potentiel de provoquer chez ceux qui ne
se sont jamais penchés sur cette question un choc encore plus
grand que celui créé par Bowling for Columbine.
Si le film de Michael Moore abordait un débat d’abord et
avant tout américain d’une perspective américaine,
celui au coeur de The Corporation touche chaque habitant de
notre planète. Ceux qui ont lu le passionnant No Logo
de Naomi Klein n’apprendront que peu de choses au visionnement
de ce documentaire, dont la majorité du contenu est directement
tiré du best-seller international de la journaliste canadienne.
Klein fait d’ailleurs quelques apparitions plutôt insignifiantes
au cours du film, répétant de façon beaucoup moins
éloquente ce qu’elle exprimait dans son livre.
Les autres qui n’ont pas lu le bouquin seront probablement fascinés
par ce procès très bien appuyé de l’économie
mondiale actuelle et de ses effets sur les humains et l’environnement.
Il faut dire que l’idée de base du film est accrocheuse.
Partant du statut juridique de personne morale que possède toute
entreprise, le film dresse une liste des troubles psychologiques qui
caractérisent le comportement socio-économique et bioéthique
de ces individus théoriques pour en arriver à une conclusion
aussi troublante que drôle : les multinationales possèdent
tous les signes distinctifs d’un psychopathe. Malgré la
gravité du sujet, les concepteurs du film ne manquent pas d’humour.
The Corporation contient d’ailleurs plusieurs pastiches
plutôt amusants de vieux films éducatifs qui caricaturent
les tares du système capitaliste.
Malheureusement, si le contenu du film est très intéressant,
la forme l’est beaucoup moins. Le film abuse d’entrevues
visuellement mornes qui donnent au film une facture télévisuelle
quelque peu ennuyante. De plus, ces entrevues sont de qualité
très inégale, certaines tombant carrément dans
l’inutilité presque totale. Il aurait été
très facile d’en couper au moins une bonne dizaine de minutes
sans perdre ne serait-ce qu’une miette d’information. Tout
de même, la majorité des participants, dont Michael Moore
et Noam Chomsky, participent activement à informer le spectateur.
Les réalisateurs ont aussi eu la brillante idée d’aller
interroger des présidents d’entreprises plutôt que
de se borner à présenter un seul côté de
la médaille. Il est tout simplement dommage que le tout n’ait
pas été présenté avec un plus grand flair
visuel.
Pour quelqu’un possédant déjà de bonnes connaissances
sur les questions qu’il aborde, The Corporation ne sera
que d’un intérêt relatif. Toutefois, le film de Jennifer
Abbott et de Mark Achbar est une excellente oeuvre de vulgarisation
qui offre une vision d’ensemble éclairée sur les
problèmes majeurs auxquels fait face notre monde actuel. C’est
un cri d’alerte très efficace auquel le grand public devrait
être exposé. Le problème est que la majorité
des gens qui seront intéressés à voir The Corporation
font partie du premier groupe.
Version française : La Corporation
Scénario : Joel Bakan, Harold Crooks, Mark Achbar
Distribution : Maude Barlow, Chris Barrett, Naomi Klein, Michael
Moore
Durée : 145 minutes
Origine : Canada
Publiée le : 12 Février 2004
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