CONVERSATIONS WITH OTHER WOMEN (2005)
Hans Canosa
Par Jean-François Vandeuren
Il y a de ces histoires d’amour que l’on voudrait voir durer
éternellement. Étrangement, ce sont souvent celles qui
se terminent le plus rapidement ou dans la confusion la plus totale.
Nous ferions alors n’importe quoi pour revenir en arrière
ou donner un second souffle à une histoire pourtant si simple
en apparence. Mais renouer avec le passé n’est pas toujours
évident. À la manière du Before Sunset
de Richard Linklater, Conversations With Other Women réunit
à l’occasion d’un mariage deux anciens amants qui
ne se sont pas vus depuis plus de dix ans. Ils n’ont alors que
quelques heures pour rattraper le temps perdu et, surtout, mettre les
choses au clair avant que la femme ne retourne auprès de son
mari, à Londres. Même si leur vie respective n’a
désormais plus rien à voir avec celle de l’autre,
l’homme tentera malgré tout de séduire sa belle
une dernière fois. Se laissera-t-elle reconquérir?
La particularité première du film d’Hans Canosa
est qu’il utilise du début à la fin la fameuse technique
du « split-screen ». Ordinairement, un cinéaste
n’a recours à un tel procédé qu’à
quelques reprises au cours d’un film pour illustrer en une seule
image l’action se déroulant à deux endroits différents
ou pour mettre en valeur certains détails d’une scène
se déroulant sur plusieurs fronts. Ici, chaque moitié
d’écran est évidemment réservée en
majeure partie à l’un des deux personnages principaux.
Pourtant, ces derniers sont toujours très proches l’un
de l’autre, de sorte que chacune des deux images apparaît
bien souvent comme une fraction isolée d’un même
plan. Cette technique devient particulièrement brillante à
partir du moment où Hans Canosa s’en sert pour introduire
divers flash-backs exposant les pensées et souvenirs des deux
personnages comme si nous entrions littéralement dans leur tête.
C’est d’ailleurs pour cette raison que ces quelques inserts
peuvent autant se compléter qu’être décalés
ou répétés sous différentes formes. L’initiative
de Canosa rejoint également sur plusieurs points le sublime exercice
mémoriel auquel nous conviait le formidable The Limey
de Steven Soderbergh. Conversations With Other Women suit d’ailleurs
une dynamique similaire en ne marquant pas ce type de séquences
d’une pause, mais en insistant à l’opposée
sur leur ressemblance avec certains éléments du présent.
C’est alors qu’entre en ligne de compte la remarquable sobriété
de la mise en scène de Canosa et le jeu plus vrai que nature
d’Aaron Eckhart et Helena Bonham Carter. Plutôt que d’aborder
leur relation de plein fouet, les deux personnages y vont d’élans
évasifs, prétendant au départ n'être que
deux étrangers qui viennent tout juste de se rencontrer, avant
de tourner la situation en dérision d’une manière
particulièrement cynique. Conversations With Other Women
étonne du coup par sa lucidité et son réalisme.
Ainsi, aucun stratagème cinématographique ne donnera aux
personnages ce qu’ils désirent tout cuit dans le bec. Ce
point permet d'ailleurs à l’effort de prendre toute son
ampleur, car il devient alors extrêmement facile de s’identifier
aux deux personnages principaux, à leurs désirs comme
leurs hésitations et leurs déceptions, lesquels sont amenés
à l’écran de façon plutôt monotone.
Canosa appuie tout de même son effort de certains élans
musicaux particulièrement bien choisis, mais seulement lorsque
réellement nécessaire.
Conversations With Other Women n’a en soi rien de dramatique
ou de foncièrement romantique. À l’opposée,
ce deuxième long-métrage d’Hans Canosa y va d’élans
rejoignant facilement les spectateurs de par leur singularité
et leur similitude avec la réalité, autant sur le plan
émotionnel qu’en ce qui a trait à la tournure que
prennent bien des relations de couple. Le résultat final apparaît
comme un effort d’une grande maturité, dégageant
une spontanéité et une honnêteté surprenante
pour un film majoritairement axé sur les dialogues. Ceux-ci permettent
d’ailleurs à Canosa de mettre en scène certaines
ironies dramatiques fort à propos apportant une dimension psychologique
encore plus significative à ses personnages, surtout lorsque
le cinéaste décide de ne pas les résoudre de façon
définitive. Conversations With Other Women impose également
une rythmique hallucinante traversant avec aplomb les quelques heures
sur lesquelles s’étend le scénario de Gabrielle
Zevin en un peu moins d’une heure et demi. Il faut dire que c'est
bien souvent ce genre de moment qui semble passer le plus rapidement.
Version française :
Conversation(s) avec une femme
Scénario :
Gabrielle Zevin
Distribution :
Helena Bonham Carter, Aaron Eckhart, Nora Zehetner,
Erik Eidem
Durée :
84 minutes
Origine :
États-Unis, Royaume-Uni
Publiée le :
12 Août 2006