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CONTROL ROOM (2004)
Jehane Noujaim

Par Alexandre Fontaine Rousseau

La guerre est une affaire d'information, de perception populaire. En ce sens, la télévision est devenue une formidable arme de propagande dont le contrôle permet la manipulation de l'opinion internationale. Avec son rythme brutal et abrutissant, son déluge perpétuel d'informations en direct et ses montages d'images trompeurs, le médium dominant du monde moderne a le don de déguiser la subjectivité en objectivité. Si le gouvernement américain a CNN et Fox pour relayer au monde entier son point de vue et vendre ses décisions à un peuple dont il cherche l'approbation, le monde arabe a pour sa part Al Jazeera. La notoire station, diffusée sur tous les continents par satellite, demeure la plus écoutée et la plus controversée de l'histoire d'une communauté dont la compréhension des grands évènements diffère grandement de celle promue par les nouvelles américaines.

Avec Control Room, Jehane Noujaim nous offre d'entrer dans les coulisses de ce poste fustigé par les détenteurs du pouvoir aux États-Unis durant un moment clé de sa relation tumultueuse avec le monde occidental, c'est-à-dire le conflit irakien. L'expérience a de toute évidence de quoi attirer l'attention. S'il est une seule habileté que nous devons développer dans notre société hyper-médiatique, c'est un sens critique à l'endroit de nos sources d'informations. De par son mode de diffusion foncièrement superficiel, l'information télévisuelle est un langage en soi que nous avons la responsabilité d'apprendre à décoder. Sans livrer toutes les clés de cette compréhension, le documentaire de Noujaim nous permet de voir en action les rouages de la complexe machine que doivent traverser les faits avant de rejoindre le public au moment où ils sont le mieux contrôlés, c'est-à-dire en temps de guerre.

Sans contredit, Control Room présente Al Jazeera sous un bon jour et vante les mérites d'une station qui s'est mise à dos les autorités américaines de même que certains gouvernements musulmans de par sa prise de position marquée contre la guerre en Irak et son ouverture à certaines idées progressistes dans un univers souvent épris de tradition. Cela dit, il ne s'agit pas non plus d'un exercice de glorification aveugle de la station. Une fois celle-ci introduite, le documentaire se penche plutôt sur la façon dont le Pentagone et l'armée ont interagi avec les médias lors de la période «officielle» de guerre. On aura tôt fait d'établir le capitaine Josh Rushing, chargé des relations avec la presse, comme un protagoniste principal du film. La progression de sa réflexion est d'ailleurs intéressante, surtout parce qu'il admet lui-même puis remet en question un certain favoritisme ainsi qu'un parti pris.

Un parti pris que son gouvernement cultive lorsqu'il s'attaque à toute forme de contestation médiatique de sa doctrine et de ses actions. Est-ce là une nécessité en temps de guerre ou une entorse grave à la liberté d'expression que prône pourtant toute cette mésaventure militaire au Moyen-Orient? Si Control Room a un défaut grave, c'est de rarement soulever des questions ouvertement, de n'offrir qu'une ébauche de propos tangible. On a droit à un étalage d'évènements duquel le spectateur, un peu laissé à lui-même dans toute cette histoire, devra faire ce que bon lui semble. Mais faire la part des choses est le premier enseignement à tirer de ce documentaire parfois un peu flou.

Bien entendu, Control Room établit de par son choix de propos une position que l'on pourra qualifier d'anti-américaine. Comme toute source d'information, le documentaire de Noujaim est donc biaisé. C'est l'idée maitresse d'un film qui, justement, nous encourage à douter de la véracité des informations qui nous sont fournies et à décortiquer son mode de diffusion. Il y avait probablement un meilleur documentaire à tirer d'un sujet aussi fascinant, un discours plus riche encore à développer. Mais le film de Noujaim a le mérite de mettre en évidence une vérité fondamentale de l'ère de la télévision... Il faut savoir en prendre et en laisser.




Version française : -
Scénario : Julia Bacha, Jehane Noujaim
Distribution : Samir Khader, Lt. Josh Rushing, Hassan Ibrahim, Deema Khatib
Durée : 84 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 13 Septembre 2005