CONSTANTINE (2005)
Francis Lawrence
Par Jean-François Vandeuren
Une damnation semble s’être abattue sur les productions
hollywoodiennes à saveur religieuse tentant de mélanger
à ce propos à caractère surnaturel suspense, horreur
et action. Entreprise qui connut sa part de ratés monumentaux
au tournant du siècle dernier. Le réalisateur Francis
Lawrence viendrait-il de mettre un terme à ce sortilège
malfaisant? Si l’on en juge son premier long-métrage, tout
porte à croire que oui, même s’il risque d’inspirer
plus tard un retour vers cette tendance. Mais d’ici là,
son adaptation cinématographique de la bande dessinée
Hellblazer nous introduit d’une manière assez
surprenante à l’univers insolite de ce John Constantine,
une sorte de détective spécialisé dans les rituels
religieux. Possesseur d’un don lui permettant de voir le pari
se jouant sur terre entre le paradis et l’enfer, Constantine tente
donc de protéger le point central des influences un peu trop
pesantes du mal afin de regagner sa place en haut lieu.
Prémisse que le scénario signé Kevin Brodbin et
Frank Cappello mène à bon port avec intelligence et surtout,
sobriété. Car Constantine n’est pas un
film suivant un cours l’amenant d’une scène d’action
à une autre. À l’opposée, les évènements
du film, malgré leur penchant fantastique, ne sont pas précipités
et demeurent même plutôt terre-à-terre. Le film use
également d’une touche d’humour s’amusant à
pointer certains stéréotypes qui se fondent bien à
cette ensemble. Évidemment, ce premier film de Francis Lawrence
élabore aussi un discours assez intriguant portant un regard
assez critique sans être excessif envers certaines pratiques et
fondements de la religion catholique. La théorie d’un simple
pari d’influences entre les forces du bien et du mal, venant expliquer
l’impartialité divine face au sort de l’homme que
ce dernier a entre ses mains beaucoup plus pour le meilleur que pour
le pire, est amené d’une manière tout aussi réfléchie.
Un univers que l’ensemble du casting soutient parfaitement, interprétant
assez solidement une gamme de personnages dans un ton à la fois
sérieux, tout en y ajoutant une certaine dose un peu plus colorée
liable à la bande dessinée. Keanu Reeves continue ici
de jouer le même personnage qu’il a l’habitude d’interpréter
en ne faisant part que du strict minimum d’expressions faciales,
mais il faut bien reconnaitre que dans le cas de Constantine,
sa performance vient se prêter parfaitement au caractère
de ce dernier qui est à la base froid et distant, à laquelle
il colle également une mimique caricaturale aussi exagérée
qu’adroitement utilisée. Mais ce sera néanmoins
Peter Stormare dans la peau de Lucifer qui volera inévitablement
la vedette par son jeu des plus décontractés que seul
ce dernier pouvait nous concocter.
Comme bien des cinéastes depuis quelques années, Francis
Lawrence fait parti des réalisateurs de vidéo clips en
vogue sur le marché de la musique commerciale aux États-Unis.
Pour un premier film, il offre une signature visuelle assez surprenante,
reprenant l’atmosphère typique d’un film de détective
avec inspiration et une touche de modernisme. On y retrouve sans grandes
surprises certains effets visuels qui nous rappelleront The Matrix,
servant tout de même bien le rythme de Constantine, la
formule étant même parfois utiliser à meilleur escient
que dans la trilogie des frères Wachowski. Et comme il s’agit
d’un film grand public, on n’a bien évidemment aucunement
omis de mettre le paquet en matière d’effets spéciaux
qui sont ici assez flamboyants, mais jamais tapageurs ou utilisés
à outrance.
Alors que certains puristes religieux s’entêteront surement
à dénoncer ce qu’ils qualifieront de sous-production
blasphématoire, les autres ne cherchant pas délibérément
des poux là où il n’y en a pas risquent à
l’opposée d’y trouver leur compte avec Constantine,
qui se veut également la première bonne grosse sortie
de 2005. Constantine rappellera à certains égards
le Blade de Stephen Norrington lors de certaines scènes
ainsi que dans la manière dont le film de Francis Lawrence esquisse
cet univers fantastique voilé au regard indiscret de l’homme.
Le premier effort de ce dernier se démarque par contre d’une
bonne tête au niveau de la mise en scène qui demeure diablement
soutenue, se prenant juste assez au sérieux pour ne pas devenir
lassante tout en usant d’une approche visuelle à la mode
qui réussit à se tenir à une certaine distance
du tape à l’oeil.
Version française :
Constantine
Scénario :
Kevin Brodbin, Frank Cappello
Distribution :
Keanu Reeves, Rachel Weisz, Shia LaBeouf, Djimon
Hounsou
Durée :
121 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
24 Février 2005