THE CONFORMIST (1970)
Bernardo Bertolucci
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Le régime fasciste de Benito Mussolini restera à jamais
gravé dans la mémoire collective de l’Italie. Cette
sombre période de l’histoire italienne a nourri l’œuvre
de la plupart des grands réalisateurs de la riche tradition cinématographique
du pays. Le Salò de Pasolini traitait directement du
sujet, Fellini y faisait référence dans son Amarcord,
et Marcello (Jean-Louis Trintignant), le personnage principal du formidable
Conformiste de Bertolucci, deviendra un agent secret au service
de la dictature fasciste dans sa poursuite de la normalité absolue.
Critique d’une grande intelligence de la dictature d’extrême
droite et de son effet sur les hommes, le film de Bertolucci reste d’abord
et avant tout une étude de personnage très soignée.
Trintignant interprète tout en nuance Marcello, un homme dont
la seule motivation est de s’intégrer au monde qui l’entoure.
C’est l’unique raison pour laquelle il se marie à
Giulia (Stefania Sandrelli) et veut fonder une famille C’est aussi
ce qui explique sa collaboration avec le régime fasciste. Son
voyage de noces servira d’ailleurs de couverture pour sa première
mission en tant qu’agent des services secrets italiens. Marcello
doit éliminer son ancien professeur de philosophie, Quadri (Enzo
Tarascio), qui habite maintenant à Paris. Cependant, il s’attache
beaucoup plus qu’il ne le devrait à cet homme d’une
grande sagesse ainsi qu’à sa femme Anna (Dominique Sanda).
Ces deux rencontres l’amènent à confronter un amour
véritable ainsi qu’une idéologie en laquelle il
croit peut-être vraiment.
La caractéristique la plus frappante du Conformiste,
au premier coup d’oeil, est son grand raffinement visuel. Mis
en scène de façon magistrale par Bertolucci, dont l’utilisation
judicieuse du plan-séquence est à féliciter, et
somptueusement photographié par Vittorio Storaro, le film est
un véritable délice pour l’œeil. La façon
dont Bertolucci transporte le spectateur d’un lieu à un
autre et d’une époque à l’autre est d’une
fluidité époustouflante, et certains fondus enchainés
témoignent d’un flair visuel incroyable. Cependant, le
véritable cœur du film est une observation critique du fascisme
par l’entremise du conflit moral d’un homme qui semble à
première vue n’en avoir aucune. Le Conformiste
est une oeuvre riche en réflexions subtiles sur le comportement
humain et sur la nature influençable de l’homme en société.
C’est à ce niveau que le film est le plus accompli, préférant
provoquer la réflexion chez le spectateur plutôt que de
bêtement lui en imposer une toute cuite pour consommation immédiate.
La structure narrative complexe de la première partie du film
peut porter à confusion à la première écoute.
Il est vrai que Bertolucci prend plusieurs détours afin de bien
introduire son personnage principal. Dès l’arrivée
du couple à Paris, cependant, les choses deviennent beaucoup
plus simples, le film étant construit à partir de ce moment
de façon beaucoup plus classique et l’intrigue prenant
une direction plus tangible. Cependant, cette introduction sinueuse
a valu au Conformiste la réputation d’être
un film difficile. Une réputation qui ne devrait pas vous empêcher
de découvrir ce film exceptionnel qui, encore aujourd’hui,
a quelque chose d’important à communiquer à chacun
d’entre nous. Du grand cinéma.
Version française :
Le Conformiste
Version originale :
Il Conformista
Scénario :
Bernardo Bertolucci, Alberto Moravia (roman)
Distribution :
Jean-Louis Trintignant, Stefania Sandrelli, Gastone
Moschin
Durée :
110 minutes
Origine :
Italie
Publiée le :
5 Février 2004