COMMUNE (2005)
Jonathan Berman
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Peu importe ce qu'a à nous en dire Fritz The Cat, la
contre-culture des années 60 demeure l'un des seuls mouvements
de contestation à avoir ébranlé sur une grande
échelle le mode de vie américain. Pour un certain temps,
ces gentils hippies que l'on imagine toujours mâchouillant une
marguerite fanée ont été une véritable menace
pour l'ordre établi. L'instant d'un rêve, une génération
de jeunes a cru pouvoir changer le monde. L'échec de cet idéalisme
est pour plusieurs la mort de tout idéalisme. Les racines du
cynisme ambiant que symbolise la fameuse génération X
puisent cette frustration et ce nihilisme à même la chute
d'un mouvement qui paraissait invincible. Puis qui, lentement, sombra
dans la désuétude.
À la base, deux formes de contestation s'offrent à l'individu
rejetant un modèle de vie: la confrontation directe et le détachement
absolu. En 2002, l'excellent Weather Underground du duo Green/Siegel
étudiait avec soin les manifestations violentes de certains groupes
extrémistes américains de la période charnière
de la fin des années 60 et du début des années
70. Commune de Jonathan Berman se penche sur une autre forme d'opposition
au régime tout aussi radicale, celle du rejet total.
«Free Land for Free People». C'est le slogan qui
unira durant plus d'une dizaine d'année les habitants du Black
Bear Ranch, une commune utopique du nord de la Californie sur laquelle
le documentariste américain a décidé de se pencher.
L'histoire de ces esprits libres est tour à tour cocasse, inspirante
et intrigante. En 1968, grâce à 20,000 dollars amassés
en organisant une grande collecte de fonds auprès de diverses
célébrités, ces jeunes gens en quête de communion
avec la nature achètent un domaine d'une quarantaine d'acres
pour vivre dans la plus totale symbiose. Alors que plusieurs communes
de l'époque sont de paisibles havres zen où la consommation
de LSD et les divers rituels spirituels semblent être la principale
préoccupation de la population, l'isolement du Black Bear Ranch
en fait un véritable test d'endurance.
Durant les premières années, l'expérience en est
une de survie. Nos hippies guillerets deviennent des hommes des bois
aguerris. Tels les vaillants explorateurs ayant colonisé le Far
West, ils doivent triompher sur les éléments. C'est du
moins la mentalité qu'ils entretiennent. Mais une fois la forêt
sauvage domptée, les habitants du ranch devront apprendre à
cohabiter en harmonie malgré l'absence de règles. C'est
ce segment de l'expérience qui aura raison de leur détermination.
Commune était une excellente occasion pour le réalisateur
Jonathan Berman de faire un retour sur l'échec du mouvement hippie.
Malgré le fait que la communauté a survécu au passage
de ses membres initiaux et bien que le territoire acheté en 1968
soit maintenant protégé à jamais par une entente
légale immuable, les contestataires d'hier ont aujourd'hui regagné
la société qu'ils avaient autrefois rejetée. Commune
offre en guise d'explication un exposé sur la difficulté
d'élever une famille nucléaire au sein de cette forme
sociale particulière.
Malheureusement, Berman est trop occupé à raconter une
belle histoire pour offrir une véritable dissection en profondeur
du phénomène des communes. Son film raconte de façon
fluide les évènements qui ont marqué l'histoire
du Black Bear Ranch et nous présente de manière fort sympathique
les fondateurs de cette tribu mais n'égratigne qu'en surface
les thèmes que soulève leur expérience. Commune
est un documentaire trop superficiel pour être autre chose qu'un
divertissement agréable.
Alors que The Weather Underground offrait non seulement une
mise en situation claire mais aussi une critique rigoureuse de son sujet,
Commune ne présente qu'une exploration superficielle
de celui-ci. Vu en compagnie du film de Sam Green et de Bill Siegel,
il peut possiblement en élargir la réflexion. Mais seul,
il s'agit d'un poids plume du cinéma documentaire tout juste
bon à alimenter nos rêveries.
Version française :
Commune
Scénario :
Jonathan Berman
Distribution :
Peter Coyote, Geba Greenberg, Elsa Marley, Osha
Neumann
Durée :
78 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
28 Octobre 2005