COMME UNE IMAGE (2004)
Agnès Jaoui
Par Daviel Lazure Vieira
Après un triomphe aux César pour son premier film Le
goût des autres, le duo formé par Agnès Jaoui
et Jean-Pierre Bacri est revenu au Festival de Cannes en 2004 présenter
Comme une image, un second long métrage ayant remporté
beaucoup de succès, autant auprès de la critique que du
public. Le Prix du Scénario qui leur a été remis
à Cannes par un surprenant jury présidé par Quentin
Tarantino est d'ailleurs tout à fait mérité; au-delà
de la distribution impeccable et de la mise en scène naturelle
et élancée de Jaoui, c'est d'abord par son scénario
que Comme une image brille, irradie le paysage cinématographique
d'une aura nécessaire et absente de la plupart des récentes
productions françaises.
Dès le début, quelques notes, et une voix qui s'impose
d'elle-même ; il est clair que la grande révélation
de ce film est Marilou Berry, jeune actrice qui connaît maintenant
un joli succès dans l'Hexagone (elle fut récemment à
l'affiche du film La première fois que j'ai eu 20 ans).
Évidemment, il y a la présence de Jean-Pierre Bacri, que
l'on retrouve toujours avec plaisir dans un rôle qui semble lui
ravir à merveille, ce Français chiant et chialeux, gueulant
sur tout et sur rien. Il excelle comme à son habitude à
la place de l'écrivain égocentrique, tandis que sa comparse
Agnès Jaoui s'en tire fort bien comme professeur de chant. Alors,
le verdict? Aucune fausse note.
Comme une image ressemble un peu au Goût des autres,
d'abord parce qu'il s'agit d'un amalgame de rencontres, de destins qui
se croisent et s'entrecroisent, s'influencent, et ensuite parce que
les dialogues tiennent une place importante, sinon essentielle, dans
l'univers de Jaoui et de Bacri. Lolita Cassard est la fille du célèbre
écrivain Étienne Cassard. Sa professeure de chant, Sylvia
Miller, est une fidèle admiratrice du travail d'Étienne.
Lorsque Sylvia prend conscience que son élève fait partie
du cercle très privilégié entourant son père,
elle noue une plus vive affection à l'égard de Lolita,
et du même coup, entraîne son mari, Pierre Miller, un autre
écrivain qui ne croit ni au succès de son livre, ni à
son potentiel vendeur, au milieu de ce monde très différent
du leur.
On sentait que dans son premier film, Agnès Jaoui réglait
ses comptes avec une certaine élite sociale, huppée et
chic, qui néglige ceux qui ne font pas partie de cet univers
et voudraient désespérément y avoir accès
; Comme une image s'inscrit dans cette même lignée,
féroce satire d'un monde où la publicité et le
marketing ont érigé en barème le mythe de la retouche
photographique et des canons de beauté artificielle. À
ce sujet, Lolita est une jeune fille peu à l'aise dans cet univers,
au physique un peu banal et aux courbes arrondies, qui s'interroge continuellement
sur sa place, sa fonction dans la société, parmi les autres.
Elle n'est bien nulle part, ni avec un père qui la dénigre
constamment (lui-même éprouvant assez peu d'intérêt
envers les membres de sa propre famille, y compris sa jeune épouse,
le clone parfait d'un top model du dernier Vogue, ELLE ou Marie Claire),
ni avec ses amours. Elle préfère se dévouer corps
et âme dans la musique et le chant, prête à y mettre
tous les efforts au monde pour se prouver à elle-même qu'elle
vaut quelque chose, qu'au-delà de l'apparence, un être
humain a une valeur inestimable et que Lolita Cassard est aussi précieuse
que n'importe qui d'autre.
Les personnages d'Agnès Jaoui sont drôles, touchants, mais
pathétiques, au fond ; ils représentent tous ces multiples
aspects de l'homme que l'on tente si naïvement de cacher, nos impulsions
égoïstes, nos jugements, nos mensonges, ces visages narcissiques
et superficiels de l'âme et de ses errances. Radical autoportrait
des empreintes humaines d’un monde déshumanisé et
commercial, Comme une image est un véritable document
sociologique, radar fragmenté des relations actuelles ; encore
une fois, Agnès Jaoui a réussi le tour de force de reproduire
le goût amer du Goût des autres, cette désagréable
impression que ce qu’elle met en scène nous est beaucoup,
beaucoup trop familier.
Version française : -
Scénario : Agnès Jaoui, Jean-Pierre Bacri
Distribution : Marilou Berry, Jean-Pierre Bacri, Agnès
Jaoui, Laurent Grévill
Durée : 110 minutes
Origine : France, Italie
Publiée le : 5 Février 2006
|