COFFEE AND CIGARETTES (2003)
Jim Jarmusch
Par Alexandre Fontaine Rousseau
C'est la conversation à l'état pur que célèbre
Jim Jarmusch avec son Coffee and Cigarettes, les plaisirs simples
de la vie et du quotidien. Collection de sketchs réalisés
de la moitié des années 80 à aujourd'hui, Coffee
and Cigarettes réunit en un même film une impressionnante
distribution qui est en fait une sorte d'album de famille de l'univers
du réalisateur new-yorkais. Tantôt drôle, tantôt
mélancolique et frôlant parfois l'absurde, cette charmante
collection de courts-métrages se veut une oeuvre légère
et détendue, une sorte de pause dans la filmographie d'un Jarmusch
ici à son moins cérébral. De façon malgré
tout plus superficielle qu'à l'habitude, le réalisateur
prend tout de même le temps de revenir sur quelques-unes des idées
traversant son oeuvre.
Les habitués ne seront pas dépaysés une seule seconde
et auront tout simplement l'impression de retrouver un vieil ami le
temps d'un café. On reconnait immédiatement cette passion
pour le noir et blanc qui, comme le dit si bien le directeur de la photographie
Robbby Müller, «enlève les détails superflus»
et imprègne chaque centimètre de la pellicule de Coffee
and Cigarettes d'une ambiance enfumée et intemporelle absolument
délicieuse. Comme toujours, la musique tient une place importante
dans cet univers. Est répétée à plusieurs
reprises dans le film la théorie de Nikola Tesla selon laquelle
la Terre n'est en fait qu'un conducteur d'ondes sonores. La musique
se retrouve au coeur des cultures, des conversations et même du
choix des comédiens. Le duel d'ego entre Iggy Pop et Tom Waits
demeure d'ailleurs l'un des passages mémorables du film.
Mais c'est vraiment cette distribution remarquable qui donne le ton
à l'ensemble. Après tout, l'objectif du minimalisme que
pratique Jarmusch demeure la création d'un cinéma le plus
naturel possible. C'est donc sans artifices visuels que l'on assiste
à ces rencontres tantôt amicales, tantôt tendues
entre une foule de personnages de toutes les classes de la société.
C'est cette division sociale qui sert d'ailleurs de propos à
un autre des bons moments du film, où Cate Blanchett joue admirablement
son propre rôle et celui d'une cousine moins fortunée,
ce qui donne lieu à une intéressante petite réflexion
sur la célébrité. Celle-ci est d'ailleurs écorchée
lors de l'hilarante rencontre entre Alfred Molina et un Steve Coogan
d'un opportunisme repoussant qui demeure le joyau du film.
Ailleurs, Steve Buscemi maudit le frère maléfique d'Elvis
d'avoir détruit la carrière du King, Bill Murray discute
des bienfaits du thé en compagnie de deux membres du Wu-Tang
Clan et Roberto Begnini traite des capacités du café à
faire rêver plus vite. Bien entendu, tous les sketchs ne sont
pas du même calibre et certains sont carrément passables,
mais le rythme auquel s'enchaine le tout ne fait jamais défaut.
Certains qualifieront l'ensemble d'un peu vain, mais Coffee and
Cigarettes n'est pas un projet sérieux. C'est un petit divertissement
léger et peu nutritif qui se savoure dans l'instant présent,
un labeur d'amour, mais aussi un regard cocasse et inspiré sur
les petits moments de la vie qui en font ce qu'elle est.
Vu dans cette optique, le nouveau Jarmusch devient un petit espresso
court qui tonifie, une invitation à savourer les plaisirs peu
consistants de la vie avec le sourire. Un dernier sketch un peu plus
triste nous laisse bien sur une note un peu plus sombre, mais ajoute
aussi à l'effet réconfortant du film. Car bien que ce
soit loin d'être un grand film, Coffee and Cigarettes
n'en demeure pas moins un film qui fait apprécier la vie, un
petit plaisir à la fois anodin et vivifiant qui n'aspire qu'à
amuser dans la simplicité la plus pure possible. Voici l'antidote
ultime à tous les blockbusters bruyants de l'été...
Version française : -
Scénario :
Jim Jarmusch
Distribution :
Tom Waits, Cate Blanchett, Steve Coogan, Alfred
Molina, Bill Murray
Durée :
96 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
18 Septembre 2004