A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z #
Liste complète



10 - Chef-d'oeuvre
09 - Remarquable
08 - Excellent
07 - Très bien
06 - Bon
05 - Moyen
04 - Faible
03 - Minable
02 - Intolérable
01 - Délicieusement mauvais



Cotes
Décennies
Réalisateurs
Le Cinéma québécois
La Collection Criterion



2005
2006
2007
2008
2009

COCO AVANT CHANEL (2009)
Anne Fontaine

Par Clara Ortiz Marier

Près d’un siècle après l’ouverture de ses premières boutiques, que reste-t-il de Coco Chanel? Après avoir traversé deux guerres mondiales, créé et innové pendant plusieurs décennies, rivalisé avec les créateurs les plus importants dans le domaine et survécu aux multiples changements de modes et de tendances, quelle place la prestigieuse Maison Chanel garde-t-elle dans nos esprits? Pour la plupart d’entre nous aujourd’hui, cette marque de renom représente chic et luxure. Le domaine de la haute couture, avec ses défilés, ses mannequins et ses prix exorbitants, semble parfois surréel, lointain, et inatteignable; une sphère à part réservée à l’élite et difficilement pénétrable pour qui ne naît pas avec un certain statut social. Alors comment pourrait-on soupçonner que Coco Chanel, créatrice mondialement réputée, soit née et ait grandi dans la misère et la pauvreté? Avec ce film biographique portant sur Gabrielle Chanel (interprétée par Audrey Tautou), Anne Fontaine nous présente la vie de cette grande dame avant qu’elle ne soit reconnue en tant que créatrice et styliste de mode.

Ainsi, le film s’ouvre sur l’enfance de Gabrielle qui, âgée d’une dizaine d’années, se fait placer dans un orphelinat avec sa soeur Adrienne. Leur père pauvre et veuf ne reviendra jamais les chercher ni même les visiter. Dans cette séquence d’ouverture, les balises du film sont déjà fixées. Bien que Coco, on le sait, sera un jour célèbre et fortunée, Fontaine préfère ici attirer notre attention sur les débuts difficiles de sa protagoniste, cette femme véritablement partie des plus bas échelons de la société mais dont l’histoire suit un peu le mythe américain du « self made man » féminin. Quelques bonds chronologiques permettent donc de mettre en place cette histoire qui commence dans la misère et se termine dans la gloire. Gabrielle passe de l’orphelinat à l’atelier de couture où elle est placée comme apprentie, puis se retrouve à chanter dans un petit café-concert où elle se fait donner le surnom « Coco » en raison d’une chanson qu’elle interprète avec sa soeur. C’est à cette époque qu’elle rencontre Etienne Balsan (Benoît Poelvoorde), ancien officier et éleveur de chevaux bien nanti qui lui portera un certain intérêt. Ne croyant pas à l’amour, Coco ne se laisse pas facilement approcher par les hommes. Déterminée et aspirant à une vie meilleure, Coco s’invite un jour chez Balsan, chez qui elle s’incrustera, faute d’un autre endroit où aller. C’est chez Balsan qu’elle aura ses premiers contacts avec le monde de la haute bourgeoisie, qu’elle méprisera pour ses fêtes et ses plaisirs futiles, ses conventions et ses standards vestimentaires imposant à la femme corsets, plumes et froufrous. Cette réalité vient renforcer les convictions de Coco ; refusant de se conformer à cette image de la féminité, son désir de transgresser les règles en est décuplé. Ses audaces vestimentaires et ses chapeaux, qu’elle confectionne elle même, attirent l’attention. Puis c’est la rencontre d’Arthur Capel, un riche homme d’affaires surnommé « Boy », qui ne tarde pas à être charmé par la personnalité de Coco. Boy l’encourage dans ses projets de création et lui donne les moyens de lancer sa carrière dans le monde de la mode. Coco qui ne croyait pas à l’amour, se voit détrompée. Cette relation représente un point tournant dans sa vie, mais se termine de manière tragique, la laissant profondément blessée.

Pendant près de deux heures, Fontaine nous raconte l’ascension de son héroïne et nous présente cette histoire, qui semble vouloir se terminer en conte de fée, mais qui vire finalement au drame. Se déroulant au début du XXe siècle et couvrant principalement les trente premières années de la vie de Coco Chanel, ce film à la facture très traditionnelle est tout de même assez réussi d’un certain point de vue esthétique. Dans la catégorie du film d’époque (portant de surcroît sur une créatrice de mode en devenir) on ne peut s’empêcher de remarquer l’attention portée aux vêtements et accessoires. Des robes anciennes en dentelle aux chapeaux à perles et à plumes, on ne peut que constater le remarquable travail fait à ce niveau. Les tenues et créations de Coco s’opposent radicalement à l’esthétique vestimentaire de l’époque et détonnent d’autant plus. Coco était une femme avant-gardiste et audacieuse qui a réussi à introduire dans la garde-robe féminine le pantalon, la marinière et la désormais célèbre « petite robe noire », vêtements qui contrastaient nettement avec les standards de l’époque. L’audace de cette créatrice se manifestait par son goût pour la simplicité. Paradoxalement, le film de Fontaine est simple, certes, mais sans pour autant être audacieux.

C’est d’ailleurs le grand défaut du film, qui nous présente l’histoire de cette grande dame novatrice et visionnaire en adoptant une mise en scène tout à fait classique. Fontaine ne prend pas vraiment de risques avec ce film qui reste très lisse, simple et en surface. La dernière scène du film nous laisse entrevoir une Coco fière et « victorieuse » mais à la fois amère et blessée. Cette fin nous laisse un peu en suspend et ne nous donne pas l’impression d’avoir vraiment percé le mystère de Coco Chanel. Sans atteindre le coeur du personnage, le film ne fait que dépeindre un portrait de surface. Le personnage de Coco reste au final assez sombre et difficile à aborder, ce qui explique peut-être cette distance face au sujet. Difficile de la rendre foncièrement attachante et difficile pour le spectateur de vraiment s’y identifier. C’est à se demander si Audrey Tautou, avec la sobriété de son jeu, rend vraiment justice au personnage. Coco Chanel n’était pas une femme simple et a manifestement dû faire preuve de beaucoup d’acharnement et de passion pour arriver à ses fins. Mais cette passion ne se ressent pas dans le film, ou parvient tout juste à se concrétiser dans les quelques scènes qui réunissent Coco et Boy. Mais même ces passages tournent à plat dans un style qui se rapproche dangereusement du roman à l’eau de rose. Ce film portant sur une des grandes femmes du dernier siècle manque malheureusement d’audace. On nous dévoile la femme derrière le mythe, sans toutefois parvenir à donner une profondeur au personnage. Dès lors, le portrait ne se révèle pas à la hauteur de la légende que l’on connaît.




Version française : -
Scénario : Anne Fontaine, Camille Fontaine, Edmonde Charles-Roux (livre)
Distribution : Audrey Tautou, Benoît Poelvoorde, Alessandro Nivola, Marie Gillain
Durée : 105 minutes
Origine : France

Publiée le : 2 Octobre 2009