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THE COAST GUARD (2002)
Kim Ki-duk

Par Jean-François Vandeuren

Dans The Coast Guard, Kim Ki-duk utilisa comme toile de fond le conflit qui perdure depuis de nombreuses années entre la Corée du Sud et la Corée du Nord. Le cinéaste adapta ainsi sa signature toujours contradictoire à cette nouvelle tangente du film de guerre qui fit surface aux États-Unis il y a de cela quelques années. The Coast Guard nous amène donc sur la côte séparant les deux états coréens où, au Sud, des troupes sont installées en permanence afin d’intercepter les espions nord-coréens qui seraient tentés de passer la frontière. Le problème est qu’il n’y a tout simplement plus d’espions qui passent par là depuis longtemps, déjà que peu d’entres eux furent arrêtés ou tués au moment où les tensions entre les deux régions étaient à leur plus haut niveau. Mieux vaut prévenir que guérir, dit le proverbe. Mais pour un soldat très fier de son titre, tout changera subitement lorsqu’une jeune femme et son amant s’aventureront dans la zone protégée lors d’une escapade nocturne. L'amant sera alors pris pour un espion et aussitôt tué. Un événement qui laissera de graves séquelles psychologiques autant sur la jeune femme que sur le garde-côte en question.

Dans une certaine mesure, le Jarhead de Sam Mendes solidifia ce que The Coast Guard contribua à développer à des miles d’Hollywood en ce qui a trait à cette nouvelle image de la guerre et des différents systèmes militaires au cinéma . Dans ces films, la guerre n’est plus l’occasion de mettre en évidence la bravoure typique des récits de la Seconde Guerre mondiale ou l’enfer et la honte de la Guerre du Vietnam, mais plutôt une sévère remise en question du rôle du soldat qui, malgré son entraînement démesuré, n’est plus nécessairement prêt à faire face à la musique dans le feu de l’action, vu le caractère désormais beaucoup trop unique des événements. Kim Ki-duk place ainsi l’armée de son pays dans une position plutôt délicate où celle-ci finit par poursuivre un ennemi fantôme qu’elle deviendra progressivement, l’héroïsme de ce genre d’effort ne devenant en final qu’un facteur tentant à bout de souffle de garder en vie un vieux mythe et de justifier l’existence du militarisme. Cela permet du même coup au cinéaste sud-coréen de réaffirmer ses thématiques portant sur l’errance et la recherche d’identité. Des concepts qui découlent dans ce cas-ci d’un traumatisme que Kim Ki-duk élabore d’une manière particulièrement significative, même si parfois trop caricaturale, ce qui empêchera les personnages de passer par dessus des événements tragiques et d’évoluer en tant qu’individus. Une vision qui est évidemment beaucoup plus proche de la réalité que du cinéma.

Au niveau de la mise en scène, la caractéristique la plus notable dans The Coast Guard est qu’il s’agit d’un des efforts où Kim Ki-duk s’exécute le plus directement. D’une part, grâce à son approche visuelle qui, sans atteindre la minutie de ses efforts à tendance plus poétique, révèle néanmoins la maîtrise à toute épreuve du cinéaste dans la mise en images de ses thématiques, ce qui lui permet également de créer un pont des plus inhabituels et fluides entre les séquences à teneur oniriques et celles impliquant une tangente beaucoup plus réaliste ou violente. The Coast Guard se distingue également dans la filmographie de Kim Ki-duk par la façon dont il marque ces coupures, lesquelles se produisent parfois à l’intérieur d’un simple raccord de plans. Mais le film n’est malheureusement pas exempt de toute faute. Si le réalisateur réussit la plupart du temps à faire basculer ses récits vers de nouvelles avenues afin d’éviter que ceux-ci fassent du surplace, dans le cas présent, c’est plutôt l’inverse qui se produit. Un point qui viendra quelque peu nuire au développement de la seconde moitié du film dans laquelle les deux facettes du cinéma de Kim Ki-duk sont pourtant le mieux mis à profit dans le présent film.

The Coast Guard tire ainsi son épingle du jeu face à cette nouvelle formule cinématographique du film de guerre sans guerre tout en mettant en évidence la force immense du mélange d’onirisme et de brutalité que Kim Ki-duk culmine une fois de plus avec aisance. Il est cependant dommage de voir le cinéaste sud-coréen se concentrer autant sur une même série de concepts d’un bout à l’autre de l’effort au point d’oublier d’en renouveler l’approche. Un point qui aurait pu permettre à ce huitième long métrage de s’afficher comme une œuvre importante, en son genre, plutôt qu’une simple étape dans sa progression. The Coast Guard demeure néanmoins un film livré de façon directe et maniérée, s'inscrivant dans la filmographie du réalisateur à un point où le meilleur était à la fois déjà passé et encore à venir.




Version française : -
Version originale : Hae anseon
Scénario : Kim Ki-duk
Distribution : Jang Dong-Kun, Kim Jeong-hak, Park Ji-a, Yu Hye-jin
Durée : 91 minutes
Origine : Corée du Sud

Publiée le : 13 Janvier 2006