CLOSE ENCOUNTERS OF THE THIRD KIND (1977)
Steven Spielberg
Par Alexandre Fontaine Rousseau
L'histoire de la science-fiction est dominée par les invasions
extra-terrestres de toutes sortes. En général, le genre
futuriste propose une vision sombre de l'avenir, des métropoles
violentes du cyber-punk de la veine de Blade Runner aux sociétés
totalitaires des nombreuses oeuvres ayant suivi le modèle établit
par Orwell avec 1984. Cette inquiétude viscérale
et ce réflexe de questionnement quant au sort de l'humanité
est certes saine et justifiée, mais pourquoi diable tient on
mordicus à projeter toutes nos mauvaises habitudes sur le visage
hypothétique des formes de vie d'un autre monde ? Heureusement,
pour notre santé mentale collective, il existait encore en 1977
de grands optimistes tels que Steven Spielberg pour affirmer qu'il ne
faut pas craindre le ciel et l'étranger. N'est-ce pas le genre
de belle leçon édifiante que l'on peut considérer
bénéfique pour l'Amérique paranoïaque du vingt-et-unième
siècle ?
Aujourd'hui, tout semble totalement différent. Spielberg déclenche
sa Guerre des mondes avec un air cynique, sacrifiant son idéalisme
à l'ère du temps. Pardonnez-moi si je préfère
revoir le spectacle glorieux que demeure encore aujourd'hui son génial
Close Encounters of the Third Kind, le plus beau et le plus
inspiré des films de l'un des plus grands amuseurs de foules
qu'a produit l'Amérique du nouvel idéalisme en réaction
à la crise idéologique des années 70. Car Spielberg,
comme son ami George Lucas, a toujours fait des films de public. Mieux
que quiconque, il semblait branché directement sur le pouls d'un
grand public trop souvent sous-estimé par les concepteurs de
cinéma industriel. La vieille formule « donnez leurs des
explosions et ils viendront » ne peut pas être aussi vraie
qu'on le dit, sinon tous les films d'action de troisième zone
seraient des succès monstres.
Pour sa part, Steven Spielberg a vite compris qu'il fallait offrir du
rêve et de la magie au public pour lui plaire réellement
et le toucher au-delà de son porte-monnaie. Raiders of the
Lost Ark était une folle aventure à travers les voûtes
des vieux ''serials'', enfilant à une vitesse spectaculaire toutes
les péripéties ayant nourri l'imaginaire de ceux à
qui il voulait plaire. Pour sa part, Close Encounters of the Third
Kind fonctionne entre autre parce qu'il propose une réponse
encourageante à cette question que nous partageons tous : sommes-nous
seuls dans l'univers? « Je crois que le succès de Rencontres
du troisième type vient du don très spécial
de Steven pour donner de la plausibilité à l'extraordinaire
», affirmait François Truffaut. En effet, Spielberg pense
comme les enfants de son film. Comme eux, il embrasse sans arrière-pensée
l'arrivée de ses visiteurs interstellaires.
En ce sens, Close Encounters of the Third Kind propose au spectateur
de revenir le temps d'un film à ce stade optimiste et pur de
la vie qu'est l'enfance. Il invite le spectateur à suivre le
même cheminement que ses héros adultes, c'est-à-dire
celui de réapprendre à imaginer. Il est facile de s'attaquer
à Spielberg parce qu'il propose une vision simple du monde. C'est
pourtant lorsqu'il ne tente pas de délaisser cette extrême
naïveté qu'il est à son meilleur, parce qu'il n'est
lui-même qu'en ces moments privilégiés où
il regarde le monde avec des yeux d'enfant. Ainsi, Close Encounters...
est à ranger aux côtés de l'autre fable extra-terrestre
de son auteur, E.T., comme l'un des moments où celui-ci
vient calmer les craintes de l'humain en lui proposant une vision pacifique
de la relation avec l'étranger. Mais là où E.T.
était une expérience d'abord individuelle, la grandiose
séquence finale de Close Encounters est un moment de
communion, une expérience collective.
Au-delà des valeurs et des sentiments, Close Encounters of
the Third Kind en met plein la vue grâce à des effets
visuels tout bonnement splendides et propose des personnages attachants,
auxquels le spectateur peut facilement s'identifier, tels que celui
qu'interprète Richard Dreyfuss. La réussite visuelle est
d'autant plus impressionnante qu'elle se distingue par une certaine
réserve. Sans lésiner sur les séquences d'effets
spéciaux, Spielberg se permet ici de miser sur ce qu'il ne montre
pas et de garder pour la fin ses meilleurs tours. Certes, le réalisateur
américain joue la carte du grand spectacle. Mais il fait aussi
preuve d'une certaine retenue, responsable, en fin de compte, de l'aspect
intemporel de son oeuvre.
Bien sûr, on pourrait accuser Spielberg de vivre sur un nuage
et d'être trop gentil. Le Père Noël n'existe pas,
et nous sommes toujours fiers de prouver que nous en sommes conscients.
Pourtant, il n'est pas interdit de rêver et d'accepter la facilité
de temps à autre. Steven Spielberg n'est pas un cinéaste
de la subtilité. Mais si on lui pardonne sa nature, il s'agit
lorsqu'il est à son meilleur d'un de ces rares artistes populaires
pour lesquels il semble enfantin de matérialiser l'impossible.
Close Encounters of the Third Kind est un film splendide parce
qu'il s'affranchit des tords de l'humanité et nous propose, pour
une fois, de rejeter notre archétype malsain de l'envahisseur
sanguinaire. Nous avons à tout le moins le droit d'espérer
qu'il en est autrement, que les défauts de notre espèce
ne sont pas inscrits à même le tissu de l'univers. Nous
nous devons, quelques fois, d'aspirer au meilleur des mondes.
Version française :
Rencontre du troisième type
Scénario :
Steven Spielberg
Distribution :
Richard Dreyfuss, François Truffaut, Teri
Garr, Melinda Dillon
Durée :
135 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
31 Janvier 2006