CITY OF THE LIVING DEAD (1980)
Lucio Fulci
Par Alexandre Fontaine Rousseau
S'inspirant très librement des écrits de l'auteur H.P.
Lovecraft - seul le nom de Dunwich et quelques vagues références
narratives l'y rattachent réellement - le réalisateur
italien Lucio Fulci entamait avec City of the Living Dead (Paura
nella cità dei morti viventi) ce qu'il prévoyait
être une trilogie sur « les sept portes de l'enfer »;
The Beyond (El tu vivrai nel terrore - L'aldilà)
allait lui faire suite en 1983, mais la saga envisagée ne serait
quant à elle jamais complétée. Presque systématiquement
inachevée, l'oeuvre de Fulci est une suite d'atterrissages forcés
et de catastrophes contrôlées qui ont déboulées
en salles dans une forme fragmentaire. Ses films, souvent incohérents,
ne tiennent généralement qu'à un fil narratif ténu;
ses ambitions apocalyptiques carrément épiques ne sont
qu'effleurées. Sa vision, quoique prometteuse, est insaisissable.
Malgré tout, son oeuvre fait l'objet d'un culte tenace. Au-delà
de sa valeur cinématographique réelle, sa vision complaisante
et grotesque de l'horreur a su faire vibrer la corde sensible des amateurs
de tripes et de goules en tous genres.
La pendaison d'un prêtre dans un cimetière provoque l'ouverture,
dans un petit village construit sur les ruines de Salem, de l'une des
fameuses sept portes de l'enfer. Bientôt, les habitants de la
municipalité assistent à d'étranges phénomènes
surnaturels. Les morts, quant à eux, reviennent à la vie
pour semer la terreur parmi la populace. S'inscrivant dans la lignée
des films de zombies toujours populaires à l'époque, City
of the Living Dead demeure assez imprécis quant à
la nature réelle de sa menace: ses monstres peuvent se matérialiser
à leur guise et disparaître à l'instar de fantômes,
terrasser leurs victimes par leur regard hypnotique à saveur
vampirique ou simplement leur arracher le cerveau pour satisfaire une
petite fringale de minuit. Ce sont les hybrides démoniaques d'à
peu près tout le bestiaire associé au cinéma d'épouvante.
À leur grand détriment, ils ont aussi hérité
du zombie sa démarche lente et ennuyante.
Le rythme du film lui-même n'est pas sans rappeler cette cadence
traînante que souffrent les mort-vivants; il se traîne d'une
scène à l'autre sans grande énergie, au gré
d'une continuité vaguement arbitraire, jusqu'à une conclusion
confuse et insatisfaisante. Au lieu de fonctionner en tant qu'unité,
City of the Living Dead rattache les unes aux autres des vignettes
gore tour à tour insolites ou repoussantes. En théorie,
cette forme déboussolée pourrait accentuer par son incongruité
le caractère cauchemardesque de l'expérience. Mais l'absence
d'un squelette narratif rend l'écoute de City of the Living
Dead quelque peu pénible. À ce niveau, les adaptations
de nouvelles de H.P. Lovecraft réalisées dans les années
80 par Stuart Gordon, Re-Animator et From Beyond en
tête, rendent justice à l'oeuvre de l'auteur américain;
elles trouvent le juste milieu entre démonstration juteuse et
développement satisfaisant.
Pour sa part, Fulci baigne ici dans les pires clichés de l'horreur
juvénile - le jeune couple dans l'automobile, les « rednecks
» de fond de bois, et cetera - pour ne renouer avec la pertinence
que lors de quelques séquences isolées: la fameuse exécution
à la drille ou encore le sauvetage d'une femme enterrée
vivante. Le rythme était déjà problématique
dans Zombie (1979), mais les scènes desservaient malgré
tout une progression cohérente; dans The House by the Cemetary
(1981), les failles du scénario étaient dissimulées
par une atmosphère globale inquiétante à souhait.
Ici, le manque de moyens désamorce une idée d'emblée
chancelante. La réalisation de Fulci n'est que l'imposition forcée
d'une cohérence précaire à une masse de pièces
essentiellement détachées.
Alors que Dario Argento dévoilait en 1980 son « opéra
de la terreur » le plus ambitieux, Inferno, Lucio Fulci
continuait pour sa part de patauger dans les eaux lugubres de l'explicitation
physique du dégoût. Son cinéma de viscères
et de fluides demeure choquant à un niveau principalement superficiel,
mais vieillit mal là où les orchestrations oniriques d'Argento
continuent d'évoquer l'irrationnel et l'inconnu où se
tapissent nos peurs réelles. La principale faille de la démarche
Fulci, du moins si l'on se penche sur son cas par l'entremise de City
of the Living Dead, est d'associer l'horreur à une représentation
matérielle plutôt qu'à un état mental; H.P.
Lovecraft, qui refusait règle générale de décrire
ses visions, l'avait pour sa part bien compris.
Version française :
La Cité des morts-vivants
Version originale :
Paura nella città dei morti viventi
Scénario :
Lucio Fulci, Dardano Sacchetti
Distribution :
Christopher George, Catriona MacColl, Carlo De
Mejo, Daniela Doria
Durée :
93 minutes
Origine :
Italie
Publiée le :
4 Avril 2007