CITY LIGHTS (1931)
Charles Chaplin
Par Frédéric Rochefort-Allie
Ce sont peut être deux vérités de La Palice, mais
le cinéma muet était le cinéma muet, et le parlant
reste le parlant. Les deux univers sont si fondamentalement différents
dans leur approche qu'on a toujours raison de conserver cette claire
démarcation entre les deux types de films. Le muet faisait toujours
plus appel à une certaine théâtralité alors
qu'avec l'arrivée du parlant, le cinéma a appris à
tout refaire en subtilités. En quelque part, entre ces deux approches,
Chaplin trouva le moyen de consolider la pression des fans et sa vision
de Charlot.
Celui-ci ne parlerait pas, mais le génie qu'était Chaplin
trouva la plus parfaite des solutions. Plutôt que de garnir son
film d'intertitres décrivant l'action de chaque scène,
la voix humaine vint narrer cette magnifique histoire d'amour. L'idylle
en question joint un pauvre vagabond à une marchande de fleurs
qui est aveugle. Le hic chez Charlot, c'est que cette jeune femme croit
que son prétendant est un richissime personnage, alors qu'en
réalité, il est seulement le copain de cuite d'un millionnaire
alcoolique. Comme nous le savons tous si bien, les aveugles, privés
de leur sens de la vue, accordent une grande importance aux sons. Charlot
ayant été entendu la première fois sortant d'un
bolide dernier cri par la marchande, le vagabond se doit de maintenir
l' illusion de sa richesse dans un but de séduction. Le son n'est
donc pas utilisé à de simple fins de divertissement mais
bien comme pivot pour l'histoire au grand complet. D'où le fait
que la narration complète merveilleusement bien cette oeuvre.
Cette alternative au parlant fit un sérieux pied-de nez à
tous ceux qui croyaient le muet épuisé et dépassé.
Chaplin prouva que de limiter les avancements technologies à
la saveur du mois était une erreur. Elles pouvaient également
aider un récit à atteindre un niveau supérieur.
C'est une leçon qui vaut encore son pesant d'or.
City Lights est probablement l'une des plus belles histoires
d'amour portée au cinéma, puisqu'elle parle d'un amour
"aveugle'' et pur, pour lequel Charlot est prêt à
surmonter mers et marrées, toujours seulement dans le but de
venir en aide à sa dulcinée. Cette jeune femme aime l'individu
derrière l'apparence. La morale colportée dans le film
de Chaplin en fait un film positif, optimiste et amoureux de la vie,
le tout sans véritables clichés.
Virginia Cherchill, dans le rôle de la jeune aveugle, nous rappelle
encore une fois que Chaplin avait un don pour trouver d'excellents acteurs
dans les endroits les plus inusités. Voisins lors d'un combat
de boxe, il l'avait dénichée là et avec pif! Cette
jolie starlette incarne à merveille la jeune aveugle, se démarquant
par une crédibilité plutôt frappante, en particulier
pour un rôle muet qui aurait bien pu rapidement devenir tout à
fait ridicule. Tout se joue dans son regard, même si ses yeux
doivent restés quasi-inexpressifs. Chez Chaplin, voilà
où émane l'expression même de l'amour et cela apparaît
dans ses moindres gestes. De voir le couple à l'oeuvre est une
grande leçon de cinéma.
Enfin, n'y cherchez pas des rires, car vous trouverez plutôt dans
les City Lights une tragi-comédie ressemblant un peu
à The Kid, dans son état d'esprit. Le film est
en lui-même un triomphe du pathos au cinéma, et si vous
ne l'avez pas encore vu, ce film vous marquera probablement à
jamais. De la chanson thème au scénario, Chaplin s'est
surpassé pour nous offrir l'une de ses plus belles oeuvres :
du grand cinéma par l'un des plus grands réalisateurs.
Savourez!
Version française :
Les Lumières de la ville
Scénario :
Charles Chaplin
Distribution :
Charles Chaplin, Virginia Cherrill, Florence Lee,
Harry Myers
Durée :
87 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
25 Janvier 2006