CINEMANIA (2002)
Angela Christlieb
Stephen Kijak
Par Jean-François Vandeuren
Quelle ville du monde serait plus appropriée que New York pour
suivre la quête obsessionnelle de cinéma de cinq individus
que l’on appelle communément des Films Buffs?
Pour les cinéphiles nord-américain en quête d’autre
chose que le cinéma pop-corn provenant tout droit d’Hollywood,
le Big Apple semble bien être la ville idéale
où tous les films, des plus médiatisés aux plus
obscurs, trouveront une salle et un public. On se retrouve donc en plein
cœur de New York à côtoyer cinq individus ayant décidé
de complètement vouer leur existence au septième art.
Se déplaçant d’un cinéma à l’autre
pour s’assurer de ne rien manquer, ou du moins, de voir l’essentiel
de ce qui est à l’affiche, le parcours de ces cinéphiles
tel qu’exposé dans Cinemania propose une intéressante
remise en question sur le rôle du cinéma de nos jours ainsi
qu’un portrait convaincant du comportement obsessionnel compulsif.
D’entrée de jeu, ces cinéphiles commencent par nous
raconter le pourquoi du comment de leur démarche quotidienne
où ils se précipitent dès l’ouverture des
cinémas pour voir à tous les jours au moins deux films,
certains d’entre eux ne regardant jamais de films par le biais
de la télévision, et ainsi faire valoir cet art si unique
à leurs yeux qui s’est progressivement transformé
en une drogue. «Les Films Buffs ne socialisent pas entre
eux. Ils vont voir des films ensemble et ça s’arrête
là». Ces gens que l’on pourrait définir comme
de véritables encyclopédies vivantes en la matière
se présentent plutôt comme des gens ordinaires qui ont
réussit à trouver une échappatoire envahissante
qui se définit par une recherche infinie du divertissement. On
veut en voir le plus possible, alors on se rend aux quatre coins de
la ville dans l’espoir de satisfaire cette soif de «cinéma
de qualité».
Toutefois, la question principale du film cherche à savoir si
ce qui défile sous leurs yeux lors d’une projection est
bel et bien un film ou n’est-ce pas plutôt une toute autre
réalité. C’est dans cet aspect que le film s’avère
être le plus efficace, nous présentant cinq personnes qui
ont tout simplement fait un choix: celui de s’emprisonner littéralement
dans le monde du cinéma pour fuir ce qui est concret et souvent
synonyme de déception. Mais est-ce si difficile de nos jours
d’établir des liens avec une autre personne que l’on
préfère plutôt imaginer ne serait-ce que l’espace
d’un moment notre existence dans les bras d’un personnage
célèbre? Par rapport à ceci, un des Film Buffs
déclare justement ne pas pouvoir établir de relation amoureuse
sérieuse car il sait pertinemment que ce que la réalité
a à lui offrir ne peut égaler l’idée de perfection
suggérée au grand écran.
Le monde est-il rendu si fou qu’il est devenue une nécessité
de se submerger complètement dans un univers fantaisiste où
entrent en ligne de compte de fausses émotions et de fausses
relations entre de multiples personnages de fiction, qui en apportent
tout de même une grande partie au bord des larmes dans les situations
les plus tristes du dernier film d’amour projeté en salles?
C’est d’ailleurs ce que semble être le but du cinéma
populaire d’aujourd’hui: divertir la masse et lui faire
oublier le temps d’un film sa réalité, le travail,
les responsabilités familiales, les soucis d’argents, etc.
Alors où est la différence entre la manière dont
les Films Buffs voient le cinéma et la vision de monsieur
et madame tout le monde? Dans les deux cas, ils reçoivent le
pain et les jeux, non? Mais dans le cas des protagonistes de Cinemania,
on remarque que cette quête s’est rendu au stade d’obsession.
Chacun s’organise pour faire graviter son univers personnel pour
que le cinéma puisse allègrement y prendre toute la place.
Un d’entre eux suivra une diète spéciale avant chaque
film pour être bien certain qu’il n’aie pas à
se lever pendant une projection. Un autre refusera d’avoir un
emploi stable ou de grandes idées de carrière pour aller
voir tout ce qui est à l’affiche. Ce qui est pourtant étrange,
c’est que dans cet ode à l’anticonformisme, on a
plutôt l’impression d’assister à la sortie
d’une matrice menant à une autre plus apaisante.
Comme documentaire portant sur les mordus du cinéma, l’idéologie
de la quantité plutôt que la qualité laisse plutôt
froide. Mais en ce qui a trait à tout le volet sur l’obsession,
Cinemania demeure un documentaire qui saura satisfaire les
curieux. Le questionnement qu’il implique sur cet état
d’esprit en parallèle avec la place du cinéma de
nos jours demeure fascinant et les cinéaste Angela Christlieb
et Stephen Kijak réussissent d’autant plus à proposer
cette étude fort habilement, nous présentant en définitive
cinq personnes pas nécessairement si différentes de celles
que l’on côtoie chaque jour.
Version française : -
Scénario : -
Distribution :
Jack Angstreich, Eric Chadbourne, Roberta Hill,
Bill Heidbreder
Durée :
83 minutes
Origine :
Allemagne, États-Unis
Publiée le :
1er Juiller 2003