CHICKEN RUN (2000)
Peter Lord
Nick Park
Par Jean-François Vandeuren
Après trois courts métrages absolument savoureux des palpitantes
aventures de Wallace et Gromit, le cinéaste et animateur Nick
Park s’associa à un de ses complices de longue date, Peter
Lord, pour prendre la défense des poulets de ferme dans une satire
tout à fait mordante de l’ère industrielle et de
la Deuxième Guerre mondiale. Chicken Run nous amène
donc sur la ferme d’élevage des Tweedy, laquelle se spécialise
depuis des générations dans la production d’œufs.
Mais voilà que Madame Tweedy en a soudainement assez des profits
minuscules et décidera de moderniser la ferme familiale pour
se lancer dans le marché des pâtés au poulet. Un
événement qui fera réagir l’ensemble des
pondeuses, menée par Ginger, qui est depuis longtemps déterminée
à s’échapper de la ferme pour pouvoir enfin goûter
à la liberté. L’arrivée d’un coq américain
dans les parages qui saurait vraisemblablement voler redonnera du même
coup espoir au groupe qui vient peut-être de trouver le moyen
d’échapper à l’abattoir.
Nick Park nous introduit à nouveau à un univers tout ce
qu’il y a de plus ingénieux, dans lequel nous retrouvons
tout l’imaginaire des inventions, machinations et autres stratagèmes
inusités de Wallace & Gromit. Comme pour la plupart
des films d’animation cherchant à entraîner un public
de tous âges dans ses péripéties, Park et Lord garnirent
leur récit de nombreux hommages et références à
des films du passé, Chicken Run effectuant en soi une
superbe reprise du classique de John Sturges, The Great Escape,
en plus de quelques clins d’oeil à des opus comme Braveheart,
The Blues Brothers et la série Indiana Jones.
Le duo s’exécute du même coup dans un contexte rappelant
celui de la Seconde Guerre mondiale en en repensant intelligemment certains
points, telles l’entrée pompeuse des États-Unis
dans le conflit et toute la polémique des camps de prisonniers
et de concentration. Le film utilise également d’une manière
extrêmement vigoureuse les différents archétypes
de personnages de ce type de scénario, ce qui a pour effet dans
ce cas-ci de solidifier l’ensemble plutôt que de nous laisser
sur une amère impression de réchauffé.
Tout le travail au niveau de l’animation dans Chicken Run
se veut évidemment époustouflant, particulièrement
en ce qui a trait au bagage de détails compris dans les décors
miniatures qui sont tout bonnement phénoménaux, surtout
vu le genre de plans que Park et Lord utilisent pour mettre leur histoire
en images. Leur mise en scène appuie d’autant plus toutes
leurs trouvailles assez imaginatives visant à ce que tout paraissent
plus grand que nature, étant donné la perspective de laquelle
le film nous est majoritairement présenté. L’ensemble
ayant été construit à partir d’un mélange
de pâte à modeler, de silicone et de latex, cela nous donne
des personnages dont l’allure générale se veut évidemment
imparfaite, mais cela ajoute en même temps énormément
au charme du film et d'un monde déjà amplement travaillé
visuellement, lequel ne tend pas forcément à nous faire
oublier que nous nous trouvons devant un film d’animation, ce
qui permet de nous faire beaucoup plus apprécier le travail colossal
derrière l’effort à même l’écoute
du film.
C’est une réussite technique indéniable et un scénario
amené à l’écran d’une façon
toujours enjouée qui font en final de ce Chicken Run
un incontournable du genre en ce nouveau millénaire. Alors que
le cinéma d’animation est de plus en plus dominé
par le numérique, le crayon ayant même perdu son statut
mythique, particulièrement aux États-Unis, un retour à
un style plus traditionnel et d’ailleurs peu exploité en
terme de long métrage comme le stop animation est un
pari risqué d’un point de vue commercial. Mais il s’agit
néanmoins d’une tradition encore ardemment défendue
par des cinéastes comme Nick Park, Peter Lord, Steve Box et,
évidemment, Tim Burton. Même si les deux formes demandent
un travail tout aussi acharné, c’est néanmoins de
ces quelques efforts sortant fièrement du moule dont on risque
de se souvenir le plus suite à la saturation qu’amèneront
sans grande subtilité les compétiteurs de Pixar en continuant
de viser un objectif beaucoup plus lucratif que créatif.
Version française : Poulets en fuite
Scénario : Peter Lord, Nick Park, Karey Kirkpatrick
Distribution : Julia Sawalha, Mel Gibson, Lynn Ferguson, Phil
Daniels
Durée : 84 minutes
Origine : Royaume-Uni
Publiée le : 15 Octobre 2005
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