LES CHEVALIERS DU CIEL (2005)
Gérard Pirès
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Armés pour l'occasion d'un budget colossal de près de
vingt millions d'euros, les troupes de choc du cinéma populaire
français pillent une fois de plus le riche bassin de la BD pour
dénicher la pire des idées imaginables : une version hexagonale
de Top Gun faisant l'éloge de l'aviation française
tout en agitant bêtement la menace hypothétique du gros
méchant terrorisme international, question de faire oublier au
bon peuple que c'est à l'interne que la nation a de sérieux
problèmes de digestion. Les Chevaliers du Ciel, gigantesque
production française s'étant écrasée pour
de bonnes raisons au box-office, est sans l'ombre d'un doute l'un des
plus mauvais blockbusters de l'année 2005 et fracasse le mur
du son en terme de nullité à grande échelle. Adapté
très librement d'une série signée Charlier et Uderzo
que publia à partir de 1959 le journal Pilote, le film de Gérard
Pirès amplifie par mille tous les pires défauts du cinéma
commercial français actuel sans afficher la moindre qualité
rédemptrice.
Là où les Japonais proposent une vision caricaturale et
excessive de la culture de masse des États-Unis, les Français
se contentent d'en livrer un succédané sans envergure
et sans caractère. Ce qui manque cruellement à ces fades
Chevaliers du Ciel, au-delà d'un indice aussi infime
soit-il d'intelligence, c'est ce sens du spectacle grandiose que l'on
ne pourra jamais soutirer aux Américains aussi pompeux soient-ils.
À l'instar de cette intrigue boiteuse que l'on nous sert sans
doigté, les rares morceaux de bravoure servant de moteur à
ce bolide carburant au néant n'affichent aucune ambition. Les
enjeux sont insignifiants, les dangers mineurs, les dilemmes inexistants
et les péripéties aussi enlevantes qu'une ballade en pédalo.
Lorsque l'on pense à toute la quincaillerie technologique dont
s'est doté l'engin en question, on demeure tout bonnement stupéfait.
Comment peut-on faire un film aussi ennuyant avec autant de moyens?
Le problème est bien simple : le réalisateur de Taxi
semble totalement obnubilé par l'arsenal technique mis à
sa disposition et oublie au passage de nous livrer une quelconque substance
narrative ou humaine à nous mettre sous la dent. Son film est
ponctué de séquences aériennes parfaitement photographiées
qui, étrangement, sont totalement inutiles à la progression
de l'histoire. Lorsque l'intrigue perd de l'altitude, Pirès envoie
ses pilotes dans les nuages en espérant que le spectateur sera
trop ébloui pour jeter un coup d'oeil à sa montre. Mais
ces personnages anonymes sont tous d'un ennui mortel. Leur sort nous
importe peu et leur compagnie n'est jamais agréable.
Bien au contraire, les scénaristes de ce sérieux navet
ont cru bon d'assembler une belle brochette d'abrutis misogynes en carton-pâte.
On pousse l'audace jusqu'à baptiser l'un d'eux iPod et à
limiter le travail de caractérisation à cette vulgaire
forme de publicité ambulante. Les acteurs, quant à eux,
en arrachent. Visiblement privés de toute forme de direction,
ils trimbalent le même regard flou d'une scène à
l'autre et échangent les répliques sans grande conviction
peu importe la situation. Les dialogues sont aussi mal fichus que cette
intrigue déboîtée dont les différents segments
semblent à peine se rejoindre.
En gros, les Français viennent de signer leur propre version
d'une production de Jerry Bruckenheimer. Tout y est, du patriotisme
belliqueux à la xénophobie latente en passant par le rythme
lourdaud. Le seul problème, c'est que Gérard Pirès
et son équipe oublient de nous en mettre plein la vue question
de nous faire oublier qu'ils ne proposent rien à notre cerveau.
Ces Chevaliers du Ciel ne décollent jamais et s'avèrent
assez mauvais pour donner au médiocre Dalton de Philipe
Haïm des allures de vol en première classe. Voilà
un autre ratage dont nos cousins européens auraient bien pu se
passer.
Version française : -
Scénario :
Gilles Malençon, Jean-Michel Charlier
& Albert Uderzo (bande dessinée)
Distribution :
Benoît Magimel, Clovis Cornillac, Géraldine
Pailhas, Philippe Torreton
Durée :
102 minutes
Origine :
France
Publiée le :
5 Août 2006