CE QU'IL RESTE DE NOUS (2004)
François Prévost
Hugo Latulippe
Par Jean-François Vandeuren
Toute la polémique entourant les quelques cinquante dernières
années du territoire tibétain sous le signe de l’occupation
du gouvernement de Pékin aura dévoilé l’être
humain sous son jour le moins clément. Un des peuples les plus
pacifiques habitant la surface de cette planète perdit son héritage
et sa liberté sous la menace des armes pour son territoire riche
en ressources naturelles qui demeurait jusqu’alors pratiquement
inexploités des mains avares de l’homme. Bref, toujours
à la recherche de la bonne affaire, nous nous serons auto-écartés
du sommet de la chaine alimentaire pour y élever un système
économique sans merci. À l’opposée, l’histoire
que l’on tait religieusement relate la ténacité
d’une population envahie et contrainte au silence qui espère
patiemment que ceux, c’est-à-dire nous, qui tournent le
dos à une vérité pourtant bien connue se soulèveront
pour faire cesser cette emprise dictatoriale et aliénatrice mise
sur pied au nom du profit.
Malgré des conditions de vie peu enviables, c’est dans
la spiritualité et la non-violence que le peuple tibétain
proteste contre ces injustices. Ce film est le fruit de huit longues
années de travail leur conférant la majeure partie de
la place à l’écran pour qu’ils puissent enfin
dire quelques mots à un monde endormi. La prémisse du
film des cinéastes québécois François Prévost
et Hugo Latulippe nous convit à suivre la Montréalaise
d’origine tibétaine Kalsang Dolma alors qu’elle se
rend dans le pays de ses ancêtres munie d’un écran
miniature porteur d’un discours de leur chef spirituel et politique
en exil, le dalaï-lama. Elle transporte donc ce message d’espoir
d’un bout à l’autre de cette région n’apparaissant
désormais plus sous le nom de «Tibet» sur les cartes
géographiques en recueillant dans le plus grand des secrets les
réactions des principaux concernés.
D’entrée de jeu, il faut absolument souligner le courage
des Tibétains qui ont bien voulu participer à ce film
en étant tout à fait conscients des risques de répression
politique importants auxquels ils s’exposaient. C’est d’ailleurs
la raison pour laquelle ce documentaire ne sera jamais présenté
ailleurs qu’en salles sous une surveillance accrue. D’un
autre côté, il est primordial de louanger l’initiative
des cinéastes et collaborateurs de ce projet qui ont traversé
les frontières pour nous offrir une réflexion qui s’avère
être du même coup plus ambitieuse et également plus
percutante que la plupart des autres documents surtout historiques d’ordinaire
portant sur cette problématique. Le but visé ici est évidemment
de susciter une vive réaction chez les spectateurs, de les confronter
à une inaction dont nous sommes tous passablement responsables
et de nous exposer aux conséquences qu’elle implique d’un
point de vue humanitaire. Si le film force la note en la faveur de la
cause tibétaine, et c’est tout à son honneur, Ce
qu’il reste de nous ne se transforme pas pour autant en un
vulgaire pamphlet, bien au contraire. Ce documentaire sait comment utiliser
l'héritage de cette culture dotée d'une sagesse des plus
extraordinaires afin de livrer son message, mais porte également
un regard assez critique par rapport à cette forme de protestation
qu'est la non-violence.
Entrecoupant les vives réactions d’un peuple valsant continuellement
dans l’incertitude face à son avenir qui est tout de même
devenu déjà un peu plus confiant grâce à
un message d’une brève durée de cinq minutes, on
retrouve l’extérieur des frontières. On nous fait
savoir sans grandes surprises que l’ONU fut informé dès
les premiers instants par le dalaï-lama de l’invasion non
justifié du Tibet par les forces chinoises. Depuis, le reste
du monde sait et pourtant, comme il y a environ cinquante ans, à
l’image de l’ONU, rare sont ceux qui agissent. Et non, il
ne s’agit pas d’une manifestation non-violente parallèlement
à celle d’un peuple vivant d’espoir. C’est
une situation qui témoigne comme à bien des égards
l’indifférence occidentale face au sort d’autrui.
Les raisons? L’économie, quoi d’autre? Il y a bien
sûr les richesses naturelles du territoire tibétain qui
entrent en ligne de compte, mais également la menace d’embargo
commercial par la Chine, qui représente une somme assez imposante
dépassant les 900 milliards chaque année, envers quelconque
des nations du monde qui se joindraient à la cause du dalaï-lama.
Ce qu’il reste du peuple tibétain? Encore et toujours ce
même espoir de voir le vent tourner, de voir les priorités
de l’homme se transformer. En attendant des changements qui ne
s’opèreront peut-être pas de si tôt, en attendant
que ceux au pouvoir tournent ne serait-ce qu’une fois le dos au
profit en regardant d’un air dégouté leurs mains
manipulatrices des portefeuilles les plus remplis pour prendre en considération
les enjeux humains résultant de cet afflux de dollars, une oppression
se poursuit en silence et surtout, loin des regards. En voici un qui
saura rafraichir les mémoires.
Version française : -
Scénario :
François Prévost, Hugo Latulippe
Distribution :
Kalsang Dolma
Durée :
80 minutes
Origine :
Québec
Publiée le :
28 Août 2004