CELEBRITY (1998)
Woody Allen
Par Jean-François Vandeuren
Les rêves de star, certains ne vivent que pour ça! Et ce,
particulièrement à une époque où les médias
tentent par tous les moyens imaginables d’intoxiquer notre imagination
déjà en péril en s’affairant à nous
faire croire à nos quinze minutes de gloire, nous contraignant
à une vaste campagne de publicité vantant la gloire et
la démesure de la vie mondaine de cette populace formant notre
jet set. En réponse à ce phénomène
découlant d’un hymne à la richesse, à la
décadence et au voyeurisme, Woody Allen lança son film
Celebrity et qui plus est, à un moment des plus opportuns
précédant de bien peu l’engouement massif pour la
télé-réalité qui serait créé
quelques années plus tard. Ce film destiné aujourd’hui
à une masse se bousculant beaucoup plus aux scrutins d’American
Idol qu’à ceux des élections présidentielles
tient sa promesse d’une satire nous faisant entrer dans ce monde
réservé à une parcelle minime d’une société
qui espère par dessus tout y accéder.
Nous sommes donc invités à observer l’entourage
d’un journaliste bien familier avec ce milieu et qui subira les
conséquences de ses tentatives de devenir membre à part
entière de ce mode de vie élitiste. Woody Allen s’absente
ici de sa distribution et n’utilise donc pas son rôle habituel
d’observateur névrosé qu’il préfère
nous laisser. À nous donc de tirer des conclusions face à
son illustration de ce monde célébrant l’importance
de l’image, des chics soirées de premières ou de
réceptions privées, de la mode, de la renommé et
du «bon gout». Mais avant tout, il nous présente
un éventail de personnages tous aussi méprisables les
uns que les autres (à quelques exceptions près). Cette
gamme compte en ses rangs plusieurs archétypes associables à
ce genre de milieu dont entre autre le critique irrévérencieux,
le vieux cinéaste prétentieux et cliché, la starlette
aux allures de prostitué, la jeune vedette tourbillonnant dans
une vie de débauche, etc. Cela forme donc un tout qui atteint
son objectif d’une manière plutôt corrosive, soi
trainer dans la boue cette élite source d’idolâtrie
qui fait bien piètre figure loin des caméras et des regards.
Woody Allen démontre d’autant plus qu’il s’agit
d’un système qui sait comment s’y prendre pour corrompre
facilement même les âmes les moins entrain à vouloir
vivre la vie de star. Mais d’ailleurs, qui n’a jamais rêver
ne serait-ce qu’un instant de parader sur les tapis rouges en
étant vêtu de milliers de dollars de vêtements griffés,
à signer des autographes pour une foule hystérique d’illustres
inconnus se nourrissant l’esprit des moindres détails de
votre vie, et ce tout en gardant en tête qu’un maximum de
caméras doivent être braquées en votre direction?
C’est ce genre de souhaits que le cinéaste tente d’envenimer
avec ce film. Il critique d’une façon assez virulente également
la manière dont plusieurs parmi la société en général
sont prêt à endosser les attraits d’un personnage
aussi mince spirituellement qu’un second rôle d’une
production signée Jerry Bruckheimer afin de détourner
l'attention en leur direction. En ce sens, Allen a su mettre sur pied
lors d’une scène assez brillante l’exemple le plus
concret de cette hypothèse en dévoilant les coulisses
d’une émission s’apparentant vraisemblablement à
celle de Jerry Springer où sont réunis des membres du
Ku Klux Klan, un Rabin, quelques skinheads et un prédicateur
afro-américain autour d’un buffet où tous semblent
passer un bon moment ensemble avant d’entrer en scène.
En soit, le Celebrity de Woody Allen est une incursion satisfaisante
dans l’univers du si convoité star système
à l’américaine qu’il couronne d’une
habile réalisation utilisant à bon escient une photographie
noir et blanc soulevant efficacement le glamour et l’aspect monochrome
de ces personnages que l’on envie tellement. On regrettera seulement
que l’essai ne soit pas aussi sanglant qu’il aurait pu l’être
et ce surtout venant de la part de Allen. Ce dernier délivre
néanmoins un plaidoyer efficace contre la façon dont l’empire
du divertissement américain émerge plus souvent qu’autrement
d’une question de contacts et de moyens que d’une source
relevant des bonnes idées et du talent.
Version française :
Célébrité
Scénario :
Woody Allen
Distribution :
Kenneth Branagh, Judy Davis, Joe Mantegna, Leonardo
DiCaprio
Durée :
113 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
20 Novembre 2004