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LES CAVALIERS DE LA CANETTE (2006)
Louis Champagne

Par Alexandre Fontaine Rousseau

Film « tourné entre amis, à la bonne franquette », la première oeuvre de l'acteur Louis Champagne à titre de réalisateur ne brille certes pas par son originalité formelle ou thématique à tout casser. Néanmoins, il s'en dégage une chaleur véritable; film de gars au sens le plus pur du terme, Les Cavaliers de la canette observe - plus qu'il ne la comprend - l'amitié entre les hommes ainsi que son effritement progressif au profit du couple et de la famille. En ce sens, il s'articule autour des mêmes thèmes que le médiocre et parfaitement prétentieux Horloge Biologique de Ricardo Trogi: ce refus de vieillir et de prendre ses responsabilités que revendiquaient les héros de ce film avec une méprisable lâcheté. Or, là où le film de Trogi avait l'arrogance de se présenter en tant que portrait d'une génération et d'affirmer la nature immuable des comportements qu'il dépeignait, le film de Champagne se présente à nous sur le ton de l'humble anecdote. Ses personnages dégagent une certaine véracité car ils ne sont pas sacralisés en tant qu'archétypes masculins justifiés par une histoire simplifiée de l'espèce. Qui plus est, ils ne sont pas tous parfaitement méprisables au contraire des hommes et des femmes peuplant Horloge Biologique. Ils sont tout au plus légèrement pathétiques.

Dans le but d'enterrer la vie de garçon de l'un de leurs vieux amis, Louis et Lorrenzo organisent un périple bien arrosé au fameux Festival western de Sainte-Tite. Armés d'assez de munitions alcoolisées pour faire abdiquer un régiment de soldats sibériens, nos deux comparses louent un vieil autobus miteux converti en roulotte prétendument mobile et se dirigent vers l'événement persuadés qu'il s'agit là de la dernière chance qu'ils ont de dire adieu à celui qui s'apprête à les écarter pour de bon de son existence. Ils n'ont pas tord. Malheureusement, les choses ne se déroulent pas exactement comme prévu et le pèlerinage final au pays de la débauche virile est marqué par la mésentente et l'amertume. Que reste-t-il derrière cette camaraderie entretenue par habitude? Amis même si leurs priorités ne sont plus communes, ces Cavaliers de la canette s'apprêtent à le découvrir sans trop savoir comment le mettre en mots.

S'il est un problème crucial qui s'affirme ici par sa récurrence, c'est cette incapacité à communiquer leurs sentiments que partagent tous les personnages de Champagne. Même par caméra interposée, Louis n'osera d'ailleurs pas dire ses émotions. Le propos est dans l'ensemble assez diffus et quelque peu convenu. Pourtant, les acteurs s'abandonnent au jeu de manière généreuse et percent l'écran par la belle chimie négative qu'ils arrivent à instaurer. Cette valse permanente entre le malaise et la complicité arrive dans quelques scènes clés à émouvoir réellement. C'est au niveau de la finition extérieure, et plus particulièrement du montage, que l'effort s'essouffle. Des effets convenus - accélérés artificiels, superpositions inutiles - viennent s'ajouter à diverses transitions quelque peu boiteuses - ces fondus béquilles qui pullulent au royaume du montage numérique - pour culminer en un tout parfois légèrement trop amateur pour son propre bien.

En s'enfermant dans une roulotte le temps d'un film, Louis Champagne a su en définitive proposer une vision plus honnête et moins pontifiante de l'univers mâle que celle de Ricardo Trogi ne l'était. L'acteur revient à sa manière sur l'unes des problématiques clés de notre cinématographie nationale, c'est-à-dire la place de l'homme dans la société québécoise actuelle. Sa réflexion n'est pas encore parfaitement aboutie et le spectacle qu'il propose demeure du domaine du divertissement; qui plus est, le meilleur film ayant pour théâtre le Festival western de Sainte-Tite demeure l'excentrique Jimmywork de Simon Sauvé. Pourtant, Champagne démontre une belle sensibilité retenue tout en explorant avec un certain humour par moments un peu trop condescendant l'univers assez colon de ses personnages. Arrivera-t-il à maturité en tant qu'auteur, contrairement à ses personnages prisonniers d'une adolescence perpétuelle? Seul l'avenir nous le dira. En attendant, Les Cavaliers de la canette amuse et pense tout en prouvant que le nouveau mouvement DIY québécois prend racine en tant que courant majeur de la présente décennie.




Version française : -
Scénario : Louis Champagne
Distribution : Louis Champagne, Lorenzo Gélinas, Louis-David Morasse, Robin Aubert
Durée : 80 minutes
Origine : Canada

Publiée le : 26 Octobre 2006