THE CAT RETURNS (2002)
Hiroyuki Morita
Par Mathieu Li-Goyette
Disciple des seuls véritables auteurs jusqu'à ce jour
du cinéma d'animation japonais (Miyazaki, Takahata, Kon et cie.),
Morita roule sa bosse dans l'industrie depuis plus d'une quinzaine d'années
au moment où il enclenche la production de The Cat Returns
(Le Royaume des chats), d'après une idée originale
de son premier mentor Miyazaki. Après avoir travaillé
aux côtés des autres noms réputés, le problème
de son tout premier film est justement de manquer cruellement d'une
personnalité qui lui serait propre ; en d'autres mots, d'un univers.
Manque de conviction, manque de profondeur chez les personnages et leurs
motivations, style d'animation beaucoup trop près du niveau de
qualité télévisuelle, c'est à croire qu'à
l'inverse de Miyazaki, Morita ne croit pas au monde merveilleux qu'il
nous propose et qu'au lieu de nous y faire voyager à la manière
d'un grand conteur, il ne trouve de mieux à en tirer qu'une simple
satire sur la protection des animaux. Sous ses allures de conte pour
enfants et de télé-série, Le Royaume des chats
s'avère distant de sa réputation enchanteresse et plutôt
le résultat d'une bonne mise en marché que le digne héritier
de la lignée Miyazaki.
The Cat Returns débute dans une typique banlieue de
Tokyo où une tout aussi typique jeune écolière
prénommée Haru se rend à ses cours du matin. Dès
la fin du prélude (moment relativement bien maîtrisé
dans l'anecdotique), elle sauve un chat d'une mort certaine en se jetant
à son secours aux dépens d'un camionneur bien égaré.
En guise de remerciement de la part du chat, quoi de mieux que de se
redresser et d'adresser ses compliments à la jeune fille éberluée
avant de lui promettre une récompense et de s'enfuir ni vu ni
connu? Sans avoir à juger nécessairement l'originalité
du récit, mais bien son efficacité, il ne faudrait pas
s'attarder à la mise en place simplette de toute cette mésaventure
digne des légendes classiques de princes charmants, de belles
et de bêtes. C'est dès ce sauvetage que Haru se retrouvera
projetée dans un monde où les chats parlent, chantent,
pleurent et rient à la manière des humains. Contexte enfantin
certes, mais tout aussi farfelu lorsqu'une délégation
royale débarquera en pleine nuit pour y annoncer le futur mariage
de Haru et de la pauvre bête qu'elle eut le malheur de sauver,
qui s'avère finalement être l'héritier du trône
du Royaume des Chats. Refusant évidemment les fiançailles
auprès d'un félin, la jeune fille trouvera de l'aide auprès
du Ministère des Chats, de son galant représentant (le
Baron) et de son fidèle acolyte joufflu et attachant (Muta).
Ne vous en déplaise, l'ensemble recèle quelques trouvailles
fort intéressantes, à commencer par les dialogues, le
montage et l'aspect soap des trop précieuses séquences
en ville. Sans avoir l’étoffe d’un véritable
« film » d’animation, il a cependant les déterminants
d’un film non-animé ; d’où l’intérêt
d’y voir un curieux mélange entre mise en scène
animée et conventionnelle… Ou plutôt, de se poser
la question : « qu’est-ce qu’une mise en scène
dans le film d’animation? ». Loin d’être un
archétype de ce questionnement, The Cat Returns reste
assurément un fort charmant exercice de style (et d’analyse
chez les néophytes) sur la dure question de mettre en scène,
de raconter une histoire par le biais de dessins superposés un
à la suite des autres (montage). La séquence d’ouverture
du film ainsi que la première et dernière rencontre de
Haru avec le Baron resteront gravés dans la mémoire du
spectateur par leur simplicité volontaire qui laisse place à
l’enchantement du moment dans une sorte d’Alice au Pays
des Merveilles nippon. Si l’on écarte les réactions
un peu trop dociles au mariage, qui déplairont aux plus vieux,
les jeunes y trouveront leur compte dans une histoire où l’image
type d’Hello Kitty se voit refaçonnée dans
une finale de cape et d’épée entre le baron (visiblement
cousin du Chat Botté) et le vilain roi, gros matou mauve aux
yeux dissonants.
En dépit de ces belles surprises, les concepteurs de The
Cat Returns ont dû laisser leur abécédaire
du langage cinématographique d’animation entre le bac de
litière et les croquettes au poisson. Tandis que les oeuvres
de Miyazaki et Takahata profitent d’un éclatement des angles
de prises de vue ainsi qu’une utilisation exhaustive de toute
la palette des couleurs pastel, Morita se contente d’une application
bien minutieuse, sans aucun laisser-aller, tout en restant fidèle
à une certaine cohérence quant à la direction artistique
de son petit film. Sans aucune exploration du langage de l’animation,
c’est à croire que son réalisateur croyait pouvoir
cacher ses lacunes visuelles derrière l’attachement qu’on
vouerait à ses chatons. Au grand dam de leur créateur,
le nombre de personnages présentés en si peu de temps
ne laisse que trop peu de temps pour qu’on s’y sente attendri
sans soupçonner des fonctions de remplissage un peu trop évidentes.
Grande retenue, manque d’imagination, recentralisation sur l’essence
de son récit, le choix vous appartient dans l’interprétation
de son application trop conventionnelle pour l’être vraiment.
En étant tout de même réaliste, il m’est forcé
d’avouer que la survie dans le monde sans merci, par son abondance,
de l’animation passe en premier lieu par l’éclatement
des formes au péril d’offrir au public friand de qualité
un banal remake de film animalier ô combien redondant. S’il
plaira aux plus jeunes sans aucun doute, Le Royaume des chats
laissera malheureusement les autres passionnés indifférents.
La morale, bien que juste et élégante, de la protection
des animaux et de la redevance d’accomplissement que ce geste
(d’habitude sans récompense) nous offre reste par moments
poignante, mais encore là loin d’être révélatrice
ou plus encore, représentative du Japon. Si Miyazaki avait l’audace
d’aller puiser la grande majorité de ses récits
dans les légendes des esprits de la nature du Japon traditionel,
son disciple semble tanguer quelque peu dans sa direction sans jamais
y atteindre une certaine apogée métaphysique ou simplement
envoutante. Bref, film d’animation paresseux et sans saveur, Le
Royaume des chats ne vaut essentiellement pas le détour
compte tenu de l’abondance grandissante du cinéma d’animation
de haute qualité à s'émerveiller bien avant ce
décevant voyage de Haru. Dans le cas contraire, le petit film
d’à peine 1 heure 15 minutes servira d’exercice de
comparaison à savoir d’où vient le génie
des autres maîtres. Ajoutez-y les chats stéréotypés,
charmants mais lassants, et vous y retrouverez le cas d’une visite
moralisatrice dans un refuge de la S.P.C.A. Miaôw.
Version française :
Le Royaume des chats
Version originale :
Neko no ongaeshi
Scénario :
Reiko Yoshida, Aoi Hîragi (bande dessinée)
Distribution :
Chizuru Ikewaki, Yoshihiko Hakamada, Aki Maeda,
Hitomi Sato
Durée :
75 minutes
Origine :
Japon
Publiée le :
28 Septembre 2008