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CASSHERN (2004)
Kazuaki Kiriya

Par Jean-François Vandeuren

Ce qui agaçait avec les nouveaux épisodes de la série Star Wars, c’est l’abus d’effets spéciaux, à un point tel où les images défilant sous nos yeux n’avaient souvent rien de réel à part les interprètes, et encore là. Pourtant, l’utilisation excessive du fameux écran bleu est devenue depuis une mode stylistique qui a connu bien des hauts. Il y a eu récemment Sin City, Sky Captain and the World of Tomorrow de Kerry Conran, et le Japon ne boude pas non plus cette tendance et nous livre Casshern. Mais pourquoi, contrairement aux tentatives de George Lucas, celles-ci sont-elles qualifiables d’entreprises couronnées de succès? Tout simplement car l’erreur de Lucas fut de vouloir, malgré un contexte fictif, faire passer sa toile de fond pour la réalité, mais il utilisa pour ce faire une approche beaucoup trop terne pour que l’on soit réellement en mesure d’y croire et d’ainsi entrer tête première dans son univers. Le dynamisme de la mise en scène joue évidemment pour beaucoup sur l’efficacité d’une telle initiative technologique. C’est pourquoi les Rodriguez, Miller, Conran, et maintenant Kazuaki Kiriya ont cherché à se rapprocher autant que possible de la bande dessinée au niveau des mouvements de caméras, des mélanges de couleurs, ou tout simplement de l’allure de leurs mondes insituables sur une ligne du temps.

Casshern prend place alors qu’une guerre entre deux régions fait rage, rappelant au départ étrangement celle évoquée dans 1984, mais les comparaisons avec l’œuvre de George Orwell prendront fin assez rapidement. Entre temps, un chercheur dit avoir trouvé un moyen de régénérer les tissus humains et ainsi pouvoir pratiquement sauver l’humanité. Mais un incident se produira en cours de route dans ses laboratoires alors qu’une étrange et immense éclair se matérialisera au beau milieu de ses installations, donnant naissance à une race supérieure s’autoproclamant Néo-sapiens. Ayant eu recours à la même médecine, le fils ressuscité du généticien devra être contenu dans une armure pour éviter que sa stature prenant les attraits surhumains des Néo-sapiens ne se déchire. Une armure qui le rendra pour ainsi dire invincible, et du même coup, le dernier véritable recours pour défendre la race humaine de sa propre évolution.

Le plus impressionnant au départ est que Casshern réussit un exploit assez hors du commun, soit tenir un rythme diablement soutenu pendant pratiquement une heure, donnant l’impression malgré les changements de lieux et de personnages, voire même de style visuel ou de contexte, qu’il s’agit que d’une seule et même scène et ce, sans que l’on s’y perde. Outre la réalisation de Kiriya, cet enchainement on ne peut plus dynamique a su judicieusement tirer profit de la place prépondérante accordée à la trame sonore, laquelle met sans dessus dessous un répertoire classique, empruntant notamment à Mozart, en plus d’une bande originale aux ambiances électroniques et gothiques. Le film de Kazuaki Kiriya est bien évidemment prétexte à une série de scènes d’action et de combats repoussant bon nombre de limites, mais qui, selon le réalisateur, ont leur raison d’être. Ce dernier tente en effet de faire passer un message prônant la tolérance et la paix, ce qui est assez noble. L’ennui est que son initiative devient assez redondante puisqu’il condense ce beau discours dans le dernier quart de son film, marquant une finale à grand déploiement qui ne permet pas à coup sûr de croire en l’objectivité de sa morale.

Par contre, d’un point de vue purement esthétique, le résultat est plutôt fantasmatique. Ce qu’a vraisemblablement voulu faire Kiriya dans le cas présent est un manga sans les dessins, le film étant d’ailleurs basé sur un «animé» des années 70 s’affichant sous le même titre. Par contre, Kazuaki Kiriya n’a aucunement cherché à insérer sa prémisse dans un contexte actuel crédible, il a plutôt opté unilatéralement pour le fantastique. On reconnaitra particulièrement cet aspect du film dans ses moments plus agités, insérant quelques prises rendant un hommage plutôt frénétique au genre. Casshern révélera également plusieurs prouesses au niveau du montage, rappelant à quelques reprises les méthodes employées par Steven Soderbergh pour rendre un simple dialogue si imposant en images. Et comme pour Sky Captain et Sin City, Casshern fait un usage exemplaire des nouvelles technologies numériques, esquissant des couleurs éclatantes, même lors des passages en noir et blanc.

Kiriya est donc parvenu à faire de Casshern une réussite visuelle en tout point, démontrant bien les avantages de l’utilisation des décors fait en majeure partie de pixels et qui, dans le cas présent, ont leur place vu l’idée de base, rehaussant d’ailleurs à bien des niveaux autant le dynamisme que l’ambiance de l’effort. Mais encore là, Casshern peut se révéler aussi brillant que beaucoup trop tapageur. Le problème demeure, comme c’est souvent le cas pour ce genre de film, un scénario devenant beaucoup trop insistant en final et qui aura tendance à nous faire décrocher d’un essai jusqu’alors plutôt bien orchestré malgré ses nombreux dérapages stylistiques. Bref, à voir beaucoup plus comme une expérience technique enlevante qu’un film à part entière.




Version française : -
Scénario : Kazuaki Kiriya, Dai Sato
Distribution : Yusuke Iseya, Kumiko Aso, Akira Terao, Kanako Higuchi
Durée : 141 minutes
Origine : Japon

Publiée le : 21 Avril 2005