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CARS (2006)
John Lasseter

Par Frédéric Rochefort-Allie

Avouons-le, Cars de John Lasseter n'a pas immédiatement séduit son public. Après avoir gobé le concept des jouets vivants, de fourmis qui parlent, d'un poisson qui cherche à retrouver son fils jusqu'en Australie et d'une corporation de monstres dans le placard, la formule Nascar perdue aux abords de la route 66 fut accueillie avec un froid plutôt inhabituel. Plusieurs prédisaient un échec cuisant chez Pixar, mettant fin à plus d'une décennie de classiques. Eh bien, ils avaient tort!

Pixar, contrairement à ses rivaux, a toujours été à l'image de l'âge d'or de Walt Disney: une usine à rêves. Presque tout le monde s'entend pour placer la compagnie au panthéon de l'animation. Ils ont toujours fait preuve d'une originalité et d'une intelligence sans pareille dans le domaine. Cars célèbre donc le grand retour de John Lasseter derrière la caméra, lui qui s'était retiré à titre de producteur depuis 7 ans, plongé dans ses rêves de bagnoles.

On pourrait penser que ces années d'absence auraient donné lieu à une superproduction historique où un Lasseter passionné se serait déchaîné, mais qu'on s'y attende ou non, Cars déçoit. Visuellement tout est impeccable, ça ne fait aucun doute. Mais dès le départ, le choix de l'objet en question, l'automobile, fait échec au film et a probablement causé la nausée de bien des animateurs, à savoir : comment faire pour qu'un personnage sans mains soit intéressant? Malgré les efforts pleins d'imagination des animateurs et scénaristes, on ne s'habitue que trop tard à cet univers, ce qui laisse distant pendant un bon moment.

Pourtant, l'histoire est réussie. Bien entendu, les ressemblances avec Doc Hollywood sont si frappantes qu'il faudrait être fou pour en nier l'influence. La seule différence qui les séparent, c'est que jusqu'à preuve du contraire, Micheal J. Fox n'est pas un bolide de Nascar. Ce petit manque d'originalité n'est pas nouveau chez Lasseter ; A Bug's Life n'est après tout qu'une version remâchée de Seven Samurai avec des insectes en guise de samouraïs et Toy Story un remake ambitieux de Tin Toy, mais là n'est pas sa force. Ce qui sépare Pixar de Dreamworks, c'est que leurs films ont une âme, alors que leurs rivaux ne se résument qu'à de la vomissure de culture populaire dissimulée sous des prouesses visuelles. Cars est un film qui porte non seulement sur l'amitié en général, mais aussi qui nous permet de réaliser que l'idéologie qui domine notre société est en train de tuer certaines choses qui nous entourent. En ce sens, il rend hommage au bon vieux temps avec sa Route 66 (titre que le film devait porter au départ d'ailleurs). Pointe d'ironie : Dreamworks prévoit créer un film nommé Route 66. Chuck Berry n'a jamais été aussi en vogue depuis Back to the Future!

Musicalement d'ailleurs, Route 66 nous est offerte en deux versions, comble du bonheur des fanas de musique oldies. Mais même si la musique des années 50 trouve sa place à Radiator Springs et donne envie de filer à toute vitesse sur ses routes , on comprend difficilement pourquoi Randy Newman s'efface de la trame sonore pour laisser place à des chansons de Sheryl Crow et compagnie, puis que sa chanson bien à lui composée spécialement pour le film soit entonnée par un chanteur country. N'est-il pas l'homme derrière la splendide musique de Toy Story? Le relayer à l'arrière-plan fut une décision mortelle qui éloigna encore plus Cars de Toy Story, pour lui donner des airs de Shrek ou Shark Tale (ce qui n'est pas un compliment).

Si les personnages ont toujours représentés une force chez Pixar, le problème ici c'est qu'on a carrément éloigné certains des plus intéressants comme Doc Hudson, auquel la voix de Paul Newman lui colle parfaitement «à la peau», pour laisser place à une forme d'idylle mécanique (dans tous les sens du mot) qui ne peut aller nulle part (vu le fait que ce sont deux voitures après tout)! Il est donc regrettable que certains personnages attirent un peu trop d'attention, alors que ceux qui nous captivent réellement sont pour la plupart des rôles secondaires.

Heureusement, même si le message de la fin s'annonce longtemps à l'avance et que le film est rempli de petites imperfections, il est difficile de ne pas sortir charmé par l'idée de John Lasseter. Sans être véritablement, de la norme habituelle d'un Pixar, Cars reste un peu difficile d'accès, mais remplit bien sa mission : un divertissement familial. Après tout, il est normal que le film ne soit pas aussi soigné, n'oublions pas qu'il fut créé en fin de contrat pendant une séparation houleuse entre Pixar et Disney, maintenant résolue par l'achat de la compagnie. Bref, Pixar conserve sa longueur d'avance sur Dreamworks, et nous promet encore de plus belles aventures dans le futur!




Version française : Les Bagnoles
Scénario : John Lasseter, Joe Ranft, Jorgen Klubien
Distribution : Owen Wilson, Paul Newman, Bonnie Hunt, Cheech Marin
Durée : 116 minutes
Origine : États-Unis

Publiée le : 16 Juillet 2006