THE CARD PLAYER (2004)
Dario Argento
Par Jean-François Vandeuren
«On l’a, et puis à un moment donné, ça
nous échappe», nous disait le personnage de Sick Boy dans
Trainspotting en voulant exprimer sa soi-disant théorie
universelle sur la vie. Concept qui semble malheureusement vouloir envenimer
la force créatrice de Dario Argento. Il est évident que
le réalisateur italien demeure et restera indéniablement
une figure importante du cinéma fantastique et d’horreur
et nul doute que son talent fut prouvé à maintes reprises
par le passé. Cependant, au fil des dernières années,
le cinéaste semble bel et bien être arrivé au bout
d’un chemin et n’a pu s’arrêter à temps
pour éviter le gouffre, ou tout simplement trouver une façon
concrète de le traverser.
The Card Player, dernier rejeton qui ne fait en rien hommage
à ce qu’Argento a su accomplir il y a de cela une vingtaine
d’années, se rapproche à bien des égards
des plus mauvais suspenses policiers mettant en scène un tueur
en série voulant s’amuser au dépend des forces de
l’ordre tels que les studios d’Hollywood nous sortent à
outrance. Ici, un soi-disant maniaque utilise un jeu de poker électronique
comme machination machiavélique. La mise est simple: une jeune
femme est ligoter face à une caméra pour que la troupe
de policiers mystifiés devant leur écran puisse voir le
visage de la victime en devenir. Si le tueur remporte la partie, il
prend la vie de la jeune femme en question. Sinon, il la relâche.
À la rigueur et ce même si ce type de film ne change de
formule que très rarement, il existe divers stratagèmes
dont l'ingéniosité fut d'ailleurs prouvé pour retravailler
d’une manière efficace cette approche du film à
suspense. Une bonne façon d’amorcer le tout serait cependant
de ne pas tenir absolument à prendre le spectateur pour le pire
des imbéciles, ce que semble s’entêter à faire
The Card Player jusqu’aux tous derniers moments. Le mystère
derrière un tel gâchis serait vite résolu d’ordinaire,
mais le nom de Dario Argento étant attaché au projet laisse
planer un épais brouillard quant aux réelles intentions
de ce dernier se cachant derrière cet essai. La plus plausible
pourrait bien aller dans le sens d’une idée de départ
somme toute prometteuse aux yeux du réalisateur qui aurait tout
simplement tournée au vinaigre. Par contre, les ratés
sont parfois tellement gras que l’on se demande au contraire si
cette farce ne donnerait pas plutôt dans la critique.
Impression qui demeurera ambigüe et de ce fait se dégage
tout au long du film une série d’éléments
tellement forcés qu’on croit inévitablement à
la parodie, mais le ton du film est à ce point sérieux
que l’idée ne tient tout simplement pas la route et ce
même si le doute persiste néanmoins. Ce ridicule consommé
passe tout d’abord par une série de situations et de dialogues
ridiculement mélodramatiques où des personnages insipides,
et fort mal dirigés d’ailleurs, se démêleront
dans ce suspense tombant drastiquement à plat afin d’aboutir
où leur inévitable sort respectif les mènera. Plutôt
que d’être intriguer face au déroulement d’une
scène, on attend impatiemment son dénouement prévisible
qui permettra l’arrivée de la prochaine tout aussi connue
d’avance. Il faut ajouter que l’utilisation d’une
musique techno on ne peut plus mal appropriée ne vient en rien
sauver la situation. Dans ces plus hauts élans, le film tente
malgré tout de faire ressortir à bon escient toute la
psychologie présente derrière une joute de poker. Il est
cependant plutôt difficile de croire à un quelconque sentiment
de percée psychologique ou stratégique quand cette partie
se déroule par le biais d’une machine.
Peut-être Argento tenait-il à vouloir essayer quelque chose
de différent cette fois-ci, voire à revisiter un sous-genre
en perte fulgurante de vitesse. Ce dernier n’a pu malheureusement
que tomber dans les pièges antérieurs de ceux s’y
étant risqués, nous proposant la piètre histoire
d’une enquête inexistante à la recherche d’un
coupable présent à répétition parmi le décor
qui s’est donné une excuse bidon pour entrer dans une folle
rage psychotique. La présence d’un maitre de la trempe
d’Argento aurait pu facilement ramener ce que le genre tend de
plus en plus à perdre. Au lieu de cela, ce dernier s’engouffre
dans cette tendance. Plutôt embarrassant.
Version française : -
Version originale :
Il Cartaio
Scénario :
Dario Argento, Franco Ferrini
Distribution :
Stefania Rocca, Liam Cunningham, Claudio Santamaria
Durée :
96 minutes
Origine :
Italie
Publiée le :
25 Octobre 2004