THE CAR (2003)
Luis Orjuela
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Ahh, l'automobile... Symbole de puissance, objet de culte et véritable
phénomène social qui fait rêver et vibrer la race
humaine depuis son invention. Bien sûr, la voiture détruit
l'environnement avec une efficacité redoutable, demeure la seule
et unique responsable du concept d'embouteillage, qui aura fait pousser
plus d'un juron à plus d'un joyeux luron, et coute une fortune
à entretenir... Mais la belle a des courbes si aguichantes et
donne une telle liberté que nous sommes collectivement prêts
à lui pardonner tous ses défauts au nom du progrès
et du bien-être. D'ailleurs, comme le fait si bien remarquer l'hilarante
introduction d'El Carro, l'automobile est l'arme ultime du
dragueur, l'évolution suprême de la parade amoureuse de
l'homme, un outil fort utile lorsque vient le temps de charmer les membres
de l'autre sexe. Difficile de résister à un tel argument,
non? En fait, l'humain aime tant la voiture qu'il lui a presque donner
une vie à part entière. C'est du moins ce que feront les
membres de la famille Velez, dont la première voiture deviendra
carrément le sixième membre.
Les Velez aiment tant le petit dernier de la famille qu'ils iront jusqu'à
faire baptiser devant Dieu cette Chevrolet rouge 1950 qu'ils rachètent
à leurs voisins. C'est tout dire. Tout au long d'El Carro,
leur vie tournera d'ailleurs au rythme des révolutions du moteur
de la Chevrolet. C'est là l'originalité de cette chronique
vivifiante et légère qui, autrement, nous ressert les
mêmes vieilles histoires de famille que le cinéma raconte
si souvent. Mais voilà, si l'histoire est vieille comme le monde
et prévisible comme tout, Luis Orjuela la sert avec une énergie
rafraichissante et une bonhomie réjouissante qui fait oublier
durant une heure et demie le sentiment de déjà-vu qui
aurait normalement tiraillé un spectateur moindrement cynique
devant un tel spectacle. Il faut dire que le secret principal de son
film est une distribution un peu caricaturale, mais oh combien sympathique,
dont le jeu un peu gros mais dynamique déborde d'une chaleur
toute humaine.
Certes, le sujet aurait pu être traité avec plus de mordant,
la critique du mythe de l'automobile plus sévère, mais
il semble qu'il faudra attendre qu'un autre film ne vienne remplir cette
tâche. Car El Carro s'intéresse finalement plus
aux éléments organiques de la famille Velez qu'à
son membre mécanique. Le film d'Orjuela aurait facilement pu
tomber dans la mignardise et la mièvrerie mais l'évite
habilement, tout simplement grâce à son grand coeur et
sa franchise. La construction épisodique du film ne fait qu'ajouter
à sa simplicité, et c'est justement celle-ci qui fait
d'El Carro une petite surprise aussi amusante. Difficile de
résister à ces tranches de vie douce-amères, à
cette petite comédie populaire à laquelle on pourrait
reprocher sa facilité si celle-ci n'était pas une partie
intégrante de son charme.
El Carro est donc un petit bonheur anodin mais plein d'âme
qui permet de gouter aux divertissements cinématographiques de
la Colombie. Peut-être justement est-ce aussi cette petite saveur
locale qui confère au film de Luis Orjuela son aura invitante.
Peu importe. Il serait idiot de bouder le plaisir, aussi momentané
soit-il, que procure ce petit bonbon importé. Pour un premier
long-métrage, El Carro fait preuve d'une surprenante
assurance et arrive à faire rire sur une base régulière.
Voilà un petit film fort sympathique qui augure de bonnes choses
pour la carrière de son jeune réalisateur.
Version française : -
Version originale :
El Carro
Scénario :
Dago Garcia
Distribution :
Fernando Arevalo, César Badillo, Luly Bossa,
Diego Cadavid
Durée :
90 minutes
Origine :
Colombie
Publiée le :
12 Octobre 2004