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CANNIBAL HOLOCAUST (1980)
Ruggero Deodato

Par Pierre-Louis Prégent

Le cinéma d’horreur italien des années 1970-80 est fortement réputé pour de nombreuses raisons. D’abord, il y a l’incontournable hemoglobine qui normalement y est abondante. Puis, il y a les nombreux cinéastes cultes propres à ce cinéma, de même que ses sous-genres. Des noms tels que Dario Argento, Lucio Fulci, Mario Bava, Umberto Lenzi et Ruggero Deodato figurent désormais au firmament obscur des cinéastes cultes du cinéma gore. Un cinéma qui, certes, est habituellement d’une médiocrité considérable aux niveaux technique et scénaristique, mais dont une horde affamée de fanatiques est, aujourd’hui encore, friande.

Vers la fin des années 1970, alors que le succès autrefois fulgurant des films de zombies commençait progressivement à s’essouffler à cause de l’américanisation du cinéma d’horreur, un dénommé Ruggero Deodato concocta une nouvelle forme de film d’épouvante: le film de cannibales. À mi-chemin entre le film d’aventure et le film de zombies, son film intitulé Ultimo Mondo Cannibale fut le pionnier d’un nouveau sous-genre du cinéma gore. Plagié à d’innombrables reprises, Deodato décida en 1980 de reprendre le gouvernail de sa création, et réalisa un film désormais légendaire: Cannibal Holocaust.

Cannibal Holocaust est l’un de ces films dont, d’une manière ou d’une autre, on entend parler. D’abord banni dans une soixantaine de pays, Cannibal Holocaust a même suscité un doute considérable chez les autorités italiennes, qui ont fait arrêter Deodato et l’ont fait paraitre en cour. Le réalisme du film était déconcertant, et le réalisateur a été forcé de prouver qu’il ne s’agissait pas d’un snuff film (où les acteurs sont réellement tués). Malgré tout, les points intéressants de ce film dépassent nettement la simple controverse.

En 1999, The Blair Witch Project a impressionné plusieurs passionnés de films d’horreur. C’était supposément la première fois qu’on utilisait dans un film d’horreur l’approche du faux documentaire avec caméra à l’épaule et où la diégèse donnait l’impression de s’incruster dans la réalité. Encore une fois, l’ignorance a eu raison de plusieurs, puisque Cannibal Holocaust, près de 20 ans plus tôt, avait déjà utilisé ce soi-disant procédé innovateur.

Le film raconte l’histoire d’un scientifique dénommé Harold Monroe (interprété de façon convaincante par Robert Kerman) qui fait une expédition dans la jungle amazonienne afin d’enquêter sur la disparition de quatre jeunes cinéastes partis tourner un documentaire sur les tribus cannibales. Inutile de dire que les découvertes macabres se succèdent, ainsi que les attaques d’animaux sauvages et exotiques. Quelques rencontres avec les indigènes ont lieu, et c’est lors d’un étrange rituel que le matériel (incluant les squelettes) des quatre étudiants est retrouvé. De retour à la civilisation, on fait visionner au professeur Monroe la bobine contenue dans la caméra retrouvée. Évidemment, les horreurs s’y multiplient, et on découvre bien vite que le comportement abusif et complètement cruel des quatre disparus les a menés à la mort atroce dont ils sont finalement victimes.

Comme je l’ai mentionné antérieurement, Cannibal Holocaust fut indignement copié à de nombreuses reprises. Les films de cannibales ont longtemps continué de se multiplier, mais aucun d’entre eux n’a réussi à achever ce que le film de Deodato a réussi à accomplir.

En effet, bien avant les quelques Natural Born Killers, Funny Games, 15 Minutes et C’est arrivé près de chez vous, Cannibal Holocaust, par l’entremise du film gore, a réussi à critiquer la médiatisation de la violence ainsi que la sauvagerie de l’homme «civilisé». Par contre, un tel message socio-culturel s’avère ici quelque peu ironique considérant le fait que des animaux ont réellement été tués et que le film met un accent tout de même important sur la violence graphique. Cependant, si on compare le film de Deodato à l’une de ses exécrables copies, on remarque que la complaisance est ici absente, du point de vue du réalisateur, du moins. Également, la réalisation, sans être hallucinante, fonctionne tout de même bien avec le sujet et les lieux explorés. Dans la seconde moitié du film, elle subit un bouleversement radical puisqu’elle prend la forme d’un film «amateur». Malgré tout, même en cette seconde partie les plans restent intéressants et dépassent de simples plans aveuglément monstratifs. Les lieux, eux, sont magnifiques et à la fois mystérieux. Les images de villages de tribus sont parfois ahurissantes ce qui rehausse indéniablement le ton aventurier et l’aspect envoutant du récit.

Un autre point particulièrement réussi est la musique. Composée par Riz Ortolani, elle est fort simple, mais tout à fait appropriée. Certains airs sont d’une beauté absolument enchanteresse et viennent appuyer les images magnifiques de la jungle tandis que d’autres sont plus menaçants et contribuent à renforcer des moments de sauvagerie intense. De plus, sa signification est particulière. Le film des quatre étudiants est projeté dans une salle alors que nous le voyons en même temps que Monroe, et il est mentionné que la musique a été ajoutée par une chaine de télévision qui a voulu ajouter de l’impact aux images. Critiquant encore une fois le sensationnalisme, cet ajout est audacieux, tout en tonifiant réellement les images.

Côté interprétation, on retrouve de bonnes et moins bonnes performances. Les indigènes sont d’un naturel confondant (dans le cas de certaines tribus présentes dans le film, il s’agissait bel et bien de vrais aborigènes cannibales) mais certains acteurs laissent quelque peu à désirer. C’est notamment le cas de Francesca Ciardi, interprète de Faye, l’une des quatre cinéastes. Son jeu sombre parfois dans l’excès, mais pas au point de ruiner entièrement sa performance. Les autres acteurs font un boulot généralement mieux qu’acceptable, à quelques exceptions près encore une fois.

Bref, on peut facilement dire que Cannibal Holocaust, malgré certains défauts, est bel et bien une figure de proue du cinéma gore. La réflexion sur la barbarie de l’homme civilisé qu’il expose est classique, mais vachement bien véhiculée. Surtout si on le compare avec des films similaires. Bénéficiant d’images pitoresques et d’une réalisation peut-être pas magistrale ou grandiose, mais plutôt innovatrice et savamment employée, le film de Deodato est inoubliable pour n’importe quel individu qui aura le courage de le visionner. Certes, plusieurs images sont d’une cruauté intrinsèque, mais celle-ci était nécessaire dans un tel film où l’on montre que la méchanceté est omniprésente, mais que l’homme de la ville reste le monstre le plus vil et malicieux de tous. Somme toute, un film gore avec de la viande autour de l’os.




Version française : Cannibal Holocaust
Version originale : Cannibal Holocaust
Scénario : Gianfranco Clerici, Giorgio Stegani
Distribution : Robert Kerman, Francescas Ciardi, Perry Pirkanen
Durée : 98 minutes
Origine : Italie

Publiée le : 17 Janvier 2004