CAMPING SAUVAGE (2004)
André Ducharme
Guy A. Lepage
Sylvain Roy
Par Frédéric Rochefort-Allie
Chaque été, bon nombre de vacanciers se dirigent vers
les campings pour passer leur été dans une forme de micro-société
où les membres troquent leur maison pour une roulotte. Guy A.
Lepage, qui agit ici à titre de producteur, réalisateur,
scénariste et acteur, nous téléporte l'espace de
quelques heures de la noirceur de la salle de cinéma au monde
d'une kitscherie frappante du Camping Pigeon. Attention, comme
le spécifie lui même le réalisateur, ceci n'est
pas un film. Nous voici devant une vue, voilà toute la différence!
Pierre-Louis Cinq-Mars (Guy A. Lepage), un courtier dont les mots richesse
et ennui sont sa routine, est témoin d'un accident plutôt
grave. Délateur, la police l'oblige à changer d'identité
pour préserver son anonymat, car l'accident implique un groupe
de motards. Il se retrouve donc au Camping Pigeon, à l'antipode
de toutes ses valeurs. Malgré la protection de Madame Jackie
Pigeon (Sylvie Moreau), propriétaire du camping ne le laissant
pas indifférent, le danger le guette à tout moment.
Guy A Lepage, anciennement membre du défunt groupe d'humoriste
RBO, présente ici une satire intéressante opposant deux
groupes sociaux carrément opposés. Sa maitrise de l'humour
est une fois de plus confirmée par sa griffe omniprésente
dans le scénario et inégalable en son genre (hormis bien
entendu les autres membres de RBO). Si l'auteur est moins cru que d'habitude,
l'abandon d'une part de son style se justifie par le but principal de
son film: divertir. Sans atteindre le niveau plutôt bas des comédies
américaines d'été typiques, Camping Sauvage
ne prétend pas être de la profondeur de Gaz Bar Blues
ou des Invasions Barbares. L'humour est au rendez-vous dans
ce thriller-comédie parodique et c'est tant mieux ainsi. Sans
vous faire rire comme jamais dans votre vie, ce film offre de bons moments
de cinéma. Pourquoi demander plus d'une vue?
Les acteurs, très importants dans l'univers de Lepage, sont pour
la plupart irremplaçables. Le groupe des Wanna-Beez, malgré
le fait qu'il encourage la tendance d'accorder des rôles à
des humoristes, est tout simplement hilarant par sa composition. Imaginez
la bande de motards la plus miteuse possible et vous êtes encore
loin du résultat final. La présence d'humoristes se justifie
par l'entourage de Guy A. Lepage. Nous sommes dans son univers. L'ensemble
du casting est un «trip de famille», un gigantesque party
entre amis. Ne soyons pas surpris que l'ensemble d'RBO (ou presque)
s'y trouve. Bien que Guy A Lepage soit toujours aussi amusant en personnage
minable, la véritable vedette de ce long-métrage est sans
contredit Sylvie Moreau. L'actrice attire l'attention sur chaque scène,
elle crève l'écran. Son jeu, son intonation donnent un
charme pittoresque à Jackie Pigeon. L'énergie joviale
qu'elle dégage est contagieuse. Son duo avec Lepage est d'ailleurs
fort amusant et crée un bon contraste. À noter aussi la
participation amusante de Benoît Girard, la réincarnation
même de Monsieur Caron. Bref, impeccable pour ce que le film vise.
Sylvain Roy, réalisateur d'Un Gars une Fille, Guy A.
Lepage et André Ducharme ont fait de leur collaboration une franche
réussite. La grande ingéniosité au niveau de la
réalisation éclipse, et de loin, les films présentés
en ce début d'été 2004. Les réalisateurs
sont extrêmement inventifs et sont un atout considérable
au film. Ainsi, on assiste à un tango de la séduction,
des scènes de comédies romantiques d'un sarcasme amusant,
des parodies passant de Texas Chainsaw Massacre à Reservoir
Dogs et voyageant aussi chez De Palma et Tarantino au passage.
Au contraire de Louis Saïa, ici on ne tente pas de devenir Tarantino,
mais plutôt de s'en moquer avec classe. L'image est soignée
et léchée et le montage est dynamique et amusant. Tout
ce qu'un bon film d'été de divertissement doit être.
Accompagné du remix envoutant du classique des vacances Hanni
Kuni, la vague de rafraichissement fait son effet. Ramasutra fournit
ici une excellente trame sonore qui rappelle le travail des Dust Brothers
sur Fight Club, par moments.
Bref, au travers de l'opposition des classes sociales et de quelques
critiques, Camping Sauvage est un divertissement efficace tel
que le Québec en voit que trop rarement en son genre. Sans prétention,
l'humour ne vise qu'un bon divertissement. Au bout du compte on sourit,
donc mission accomplie. Comme le veut lui-même Guy A. Lepage,
on assiste à une «ben bonne vue».
Version française : -
Scénario : Luc Déry, André Ducharme, Yves
Lapierre
Distribution : Guy A. Lepage, Sylvie Moreau, Yves Pelletier, Réal
Bossé
Durée : 100 minutes
Origine : Québec
Publiée le : 19 Juillet 2004
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