BUTTERFLY KISS (1995)
Michael Winterbottom
Par Jean-François Vandeuren
Après une première collaboration en 1990 qui passa complètement
inaperçue, le vieux tandem formé du réalisateur
Michael Winterbottom et d’un des scénaristes les plus en
vue de la scène britannique actuelle, Frank Cottrell Boyce, se
réunissaient à nouveau cinq ans plus tard pour donner
vie à ce Butterfly Kiss. Nous retrouvons dans ce premier
effort sérieux de Winterbottom plusieurs des éléments
qui firent le succès du duo au fil des ans et que Boyce poussa
un peu plus loin, de son côté, en s’associant à
l’occasion avec des réalisateurs comme Danny Boyle (Millions)
et Anand Tucker (Hilary and Jackie). On pensera entre autres
à un éventail de personnages souvent hors du commun dont
les traits sont toujours très bien définis, lesquels évoluent
dans une mise en situation dont émerge souvent un caractère
culte. Un film culte, Butterfly Kiss aurait pu facilement le
devenir s’il avait été produit un peu plus tard
autant dans la carrière du scénariste que du réalisateur.
Il en ressort ainsi un projet malheureusement incomplet, mais qui suggérait
déjà un bel avenir pour les deux artistes.
Nous suivons au départ les traces d’Eunice, une jeune femme
un peu déjantée qui effectue une tournée des stations
service en répétant toujours la même routine dans
le but de retrouver une jeune femme qui lui aurait envoyé une
lettre. Elle tombera un jour sur une commis un peu coincée du
nom de Miriam avec qui elle développera graduellement une relation
amoureuse ambiguë et souvent immorale. Alors que dans sa folie
Eunice ne parviendra pas toujours à contrôler ses pulsions
meurtrières, Miriam tentera de son côté de lui faire
perdre ses mauvaises habitudes et de la ramener du bon côté
de la conscience humaine. Mais Eunice aura une influence beaucoup trop
fort sur Miriam que cette dernière ne pourra pas éternellement
nier.
Sur une ligne du temps, cette version éclatée des Heavenly
Creatures de Peter Jackson se positionnerait quelque part entre
le Thelma & Louise de Ridley Scott et le Monster
de Patty Jenkins. On le sait dès les premiers instants du film
: le parcours du duo aura des conséquences funestes dont seul
Miriam semblera en réchapper. Cette idée est d’ailleurs
habilement introduite par la transition entre le récit et une
entrevue fragmentée où Miriam nous livre ses impressions
sur les événements macabres ayant suivis sa rencontre
avec Eunice. Le film de Winterbottom se dirige alors tranquillement
vers une tournure des plus inusitées où le bien devra
redoubler d’effort s’il désire triompher du mal comme
le veut la tradition. De son côté, Boyce aborde le cas
des deux jeunes femmes d’un point de vue quasi-maternelle où
l’enfant aurait eu le dessus dans une relation de pouvoir avec
sa mère, mais dans laquelle les rôles sont également
interchangeables. Par contre, le développement de cette histoire
s’appuyant sur une substance somme toute assez solide sur le plan
symbolique est un peu terni par le caractère répétitif
de la structure narrative, comme c’est souvent le cas dans un
film empruntant les rouages du road movie.
Malgré certaines maladresse auxquelles n’échappent
ordinairement pas un premier long métrage sérieux, plusieurs
caractéristique du style de Winterbottom étaient déjà
reconnaissables, à commencer par cette relation très étroite
qu’il développe à l’occasion entre le personnage
principal et le spectateur. Une approche visuelle et musicale à
saveur pop et garage qu’il laissera tranquillement mûrir
pour arriver, assez rapidement, à réaliser des efforts
d’une remarquable efficacité, tel 24 Hour Party People,
et d’une finesse esthétique exceptionnelle, comme Code
46. La réalisation de Butterfly Kiss se veut par
contre encore un peu brouillonne et a même tendance à devenir
passablement pesante et répétitive. En particulier, lorsque
le cinéaste tente de mettre en évidence le passage du
temps et de raccorder chaque scène, il le fait par le biais d’une
série de plans nous montrant le véhicule (emprunté
par le duo) défilant sur les routes en jouant une chanson de
PJ Harvey ou des Cranberries.
Mais même si nous nous retrouvons à des miles de ce que
Michael Winterbottom sait faire de mieux, on sent malgré tout
à l’écoute de Butterfly Kiss que l’approche
du réalisateur n’en était qu’à ses
premiers balbutiements. Ce dernier nous propose malgré tout certaines
idées déjà fort pertinentes, mais qui ne parviennent
pas à sauver un scénario se contentant bien souvent d’étirer
inutilement en longueurs le développement de ses thématiques
les plus importantes. Outre la mise en scène fort respectable,
en son genre, de Winterbottom, l’effort est également supporté
par une distribution assez bien dirigée et mise en évidence
par le jeu désinvolte d’Amanda Plummer. Malheureusement,
c'est pas mal tout ce dont on se souviendra de ce film tentant de profiter
de l’immense popularité du Thelma & Louise
de Ridley Scott pour tirer son épingle du jeu, mais en n'y parvenant
qu’à moitié.
Version française :
Le Baiser du papillon
Scénario :
Frank Cottrell Boyce, Michael Winterbottom
Distribution :
Amanda Plummer, Saskia Reeves, Kathy Jamieson,
Des McAleer
Durée :
88 minutes
Origine :
Royaume-Uni
Publiée le :
4 Mars 2006