THE BROOD (1979)
David Cronenberg
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Les premiers films de David Cronenberg ne font pas dans la dentelle.
Il faut savoir faire preuve d'une certaine indulgence pour pleinement
les apprécier. Ils récompensent malgré tout notre
patience d'une solide dose d'horreur psychologique carburant aux thématiques
fétiches d'un auteur dont l'univers est d'ores et déjà
bien défini. The Brood ne dépaysera pas les amateurs
du Cronenberg plus mature de Dead Ringers ou de Naked Lunch.
Déjà, le cinéaste canadien se fascine pour les
frustrations d'ordre sociales et émotives selon une logique purement
freudienne. Ici, la rage et le mépris refoulés se matérialisent
de manière physique pour venir frapper dans la réalité.
Le cerveau humain est un organe encore mystérieux. Cronenberg
ose fracasser la boîte crânienne pour explorer le fonctionnement
de la machine qui y réside, quitte à se salir les mains
dans le processus.
D'emblée, les origines modestes de The Brood lui confèrent
un petit côté bon marché et malsain qui n'est pas
dépourvu de charme. Pourtant, on dénote ici un goût
pour la modération et la subtilité que n'affichent pas
par exemple Scanners ou Shivers. Sous plusieurs aspects,
The Brood est coulé dans le même moule que The
Dead Zone avec en prime une ou deux scènes gluantes à
souhait question de choquer les politiciens conservateurs. À
l'époque, ceux-ci se demandaient haut et fort pourquoi le gouvernement
canadien finançait ce genre de délires grotesques à
même les poches d'honnêtes citoyens. Le fait que ces films
aient été financés par des fonds publics ajoute
à leur propos : ils visitent les zones obscures qui se terrent
dans le sous-sol moral de toute société bien pensante.
Dans The Brood, les mutations physiques et les anomalies psychiques
ont raison de l'ordre établi. La destruction des conventions
devient une répercussion inévitable de l'évolution
de l'espèce humaine. C'est dans l'ordre des choses. Dernier film
d'une trilogie sur le sujet, The Brood s'intéresse aux
expériences d'un éminent psychologue d'avant-garde qui
a développé une nouvelle forme de thérapie axée
sur l'extériorisation de la peur et de la rage. Mais l'une de
ses patientes réagit différemment au traitement, et en
vient à enfanter des créatures asexuées qui vont
commettre pour elle les crimes à propos desquels elle fantasme.
Bien entendu, le scénario écrit par David Cronenberg est
truffé d'invraisemblances et d'éléments mal expliqués
qui feront rugir les férus de vraisemblance. Une fois acceptée
la nature approximative de l'intrigue, l'allégorie proposée
par le réalisateur s'avère comme d'habitude fort inspirée.
Nous ne saurons jamais exactement pourquoi une femme en particulier
en vient à subir de telles mutations à la suite des expériences
du professeur. Mais on s'en fout légèrement. Cronenberg
alimente le suspense de certaines scènes en exploitant quelques-unes
des techniques économiques peaufinées par John Carpenter
dans Halloween.
Au fond, The Brood exploite de manière optimale le peu
de moyens qu'il a à sa disposition en préférant
la suggestion à la démonstration. Seule la scène
finale, plutôt poussée en son genre et foncièrement
dégoûtante, laisse de côté cette règle
pour s'aventurer dans le territoire visuel dérangé, mais
très fécond privilégié par Cronenberg. En
guise de conclusion à un film se penchant entre autres sur le
thème du divorce, le réalisateur nous assène une
forme déroutante de maternité libérée de
la nécessité du père.
Qui d'autre que Cronenberg oserait terminer un film d'horreur lugubre,
mais généralement accessible sur une telle vision? Sans
être du calibre des oeuvres subséquentes de son auteur
tant au niveau technique que narratif, The Brood demeure un
film par moments fascinant, mais surtout constamment divertissant. Il
met déjà de l'avant plusieurs des idées fondamentales
traversant la filmographie de Cronenberg. Les néophytes sont
priés de commencer ailleurs, avec The Fly par exemple.
Mais les amateurs prendront un plaisir certain à visionner ce
petit film fort satisfaisant et autrement plus riche que le film d'horreur
moyen.
Version française : -
Scénario :
David Cronenberg
Distribution :
Oliver Reed, Samantha Eggar, Art Hindle, Henry
Beckman
Durée :
92 minutes
Origine :
Canada
Publiée le :
25 Août 2006