BREAKING AND ENTERING (2006)
Anthony Minghella
Par Jean-François Vandeuren
La firme d’architectes dirigée par Will Francis (Jude Law)
et son associé vient d’hériter d’un important
projet de réaménagement urbain au cœur d’un
quartier peu nanti de Londres. Afin de faciliter les travaux, les deux
hommes d’affaire décidèrent d’installer leurs
locaux à proximité de cet arrondissement affichant un
taux de criminalité particulièrement élevé.
Ce qui devait arriver arriva : l’entreprise devint la nouvelle
cible de choix de petits voleurs qui savaient visiblement comment pénétrer
à l’intérieur des lieux avant même que la
firme ait fini de s’y installer. Devant l’inefficacité
des policiers en charge de l’enquête, Will décidera
de retrouver lui-même les responsables de ces délits. Sa
piste le mènera jusqu’à un adolescent d’origine
bosniaque vivant seul avec sa mère (Juliette Binoche). Mais plutôt
que de mettre la main au collet du jeune voyou, l’architecte infiltrera
ce milieu dont il doit assurer l’avenir, mais dont il ne connaît
aucunement le langage. Une situation reflétant étrangement
sa vie de famille pour le moins tumultueuse. Une chaîne d’événements
le pousseront alors à générer une petite tempête
autour de lui dans l’espoir de retrouver l’harmonie par
la suite.
Anthony Minghella est un de ces cinéastes qui sait précisément
quels éléments mettre en valeur et, surtout, de qui s’entourer
pour rafler quelques nominations lors d’une certaine cérémonie
se tenant chaque année quelques semaines avant la fin de l’hiver.
Le problème par contre est que le réalisateur est devenu
quelque peu prisonnier de son propre savoir-faire. Minghella n’a
en soi aucune difficulté à rendre palpable l’ampleur
dramatique de récits tout aussi consistants sur le plan psychologique.
Mais ce dernier finit bien souvent par étouffer ceux-ci d’une
mise en scène un peu trop rigide. Chose certaine, Minghella ne
récoltera pas beaucoup de statuettes pour ce Breaking and
Entering. En revanche, ce nouveau venu dans la filmographie du
cinéaste britannique propose tout de même un certain vent
de fraîcheur permettant à la mise en scène de ce
dernier de respirer davantage. Le présent effort vibre ainsi
au rythme de délicates ambiances urbaines que le réalisateur
utilise pour laisser ses images parler d’elles-mêmes. Le
cinéaste signe du coup une facture visuelle moins chargée
témoignant parfaitement du fouillis dans lequel s’enfonce
ce monde infiniment fractionné dont il tente tant bien que mal
de recoller les morceaux.
Breaking and Entering s’alimente en soi d’un discours
fort adroit prônant la tenue d’un dialogue entre deux partis
en conflit plutôt qu’une prise de position rapide et irréfléchie.
Minghella fait d’ailleurs part d’une belle sensibilité
dans la manière dont il se sert des différentes sources
de tension avec lesquelles ses protagonistes doivent apprendre à
composer pour nous inciter à ne pas juger leurs actes avant d’en
avoir saisi toutes les nuances. Une leçon que devront également
apprendre les personnages de son film et qui s’avère d’autant
plus pertinente à une époque où l’on nous
incite à rester constamment sur nos gardes face à tout
et à rien. Le film d’Anthony Minghella dépeint ainsi
une situation pour le moins ambiguë où différents
groupes sociaux et culturels s’entrechoquent tout en cherchant
instinctivement à défendre leurs intérêts
par n’importe quels moyens. Breaking and Entering réussit
du même coup à extérioriser certains préjugés
de son public avec une désarmante simplicité, exposant
celui-ci à une série d’actions qu’il jugera
aussitôt inévitable avant de les résoudre sans fournir
la moindre explication, amenant alors le spectateur à réévaluer
sa position face aux protagonistes, voire à simplement leur accorder
le bénéfice du doute.
La morale de Breaking and Entering est donc fort simple : même
si l’être humain peut parfois agir d’une manière
peu reluisante pour protéger ses arrières, celui-ci demeure
malgré tout essentiellement bon. Une idée que le cinéaste
britannique n'édifie toutefois pas de façon naïve
et moralisatrice. Celle-ci guide plutôt ses personnages vers une
sérieuse remise en question de leur vie personnelle et de la
manière dont ils jonglent avec les différentes sphères
de leur quotidien. Le cinéaste britannique se montre également
plus patient derrière la caméra, arrivant même à
s’effacer le temps venu pour permettre à son scénario
d’évoluer d’une façon un peu plus naturelle.
Minghella imprègne alors superbement les formes urbaines de son
récit de la poésie émanant de ses dialogues, lesquels
semblent appartenir à une entité bien distincte tout en
s’adaptant parfaitement au ton plus décontracté
privilégié ici par le réalisateur. Ce dernier rassembla
également une sublime distribution qui lui donna l’occasion
de renouer avec Juliette Binoche et Jude Law et de réaffirmer
la grande chimie s’opérant entre les deux partis. S'il
est vrai que le cinéaste coupe malheureusement les coins un peu
trop ronds en toute fin de parcours, ce dernier signe néanmoins
une œuvre enivrante qui, sans être majeure, énumère
avec tact et intelligence les valeurs d’honnêteté,
de respect et de confiance découlant de chacune de ses résolutions
de conflit.
Version française :
Par Effraction
Scénario :
Anthony Minghella
Distribution :
Jude Law, Vera Farmiga, Juliette Binoche, Robin
Wright Penn
Durée :
120 minutes
Origine :
Royaume-Uni, États-Unis
Publiée le :
15 Mars 2007