BRAM STOKER'S DRACULA (1992)
Francis Ford Coppola
Par Frédéric Rochefort-Allie
Légende parmi les légendes, qu'on le nomme Nosferatu ou
Dracula, le vampire a toujours été un sombre personnage,
source de nombreux cauchemars. À mi-chemin entre le cannibale
et le mort vivant, le vampire réunit en lui plusieurs aspects
terrifiants. Certains diront que Dracula fut en réalité
Vlad Tepes, un guerrier sans pitié. Qu'il ait existé ou
non, il demeure un personnage mythique du genre fantastique.
Cette histoire, tout le monde la connait. Un jeune notaire (Keanu Reeves)
est envoyé dans les fins fonds de l'Europe de l'Est pour se charger
de la vente d'un large domaine à un richissime vieux noble solitaire,
le compte Dracula (Gary Oldman). Cependant, il se trouve que ce vieillard
au si vaste château préfère accompagner son repas
d'un peu de sang plutôt que d'un bon vin, noblesse des ténèbres
oblige. Le fait de découvrir que son client est un vampire, causera
un certain hiatus à la vente pour le notaire, préférant
sauver sa peau et celle de sa fiancée convoitée par cet
homme sanguinaire.
Il est dur d'apporter un brin de nouveauté à un scénario
adapté un nombre incalculable de fois sous pratiquement toutes
les formes imaginables. Dracula n'est certainement pas un film
original mais il n'en demeure pas moins l'adaptation la plus fidèle
du célèbre roman de Bram Stroker. Outre une étrange
intrigue amoureuse greffée par le scénariste James V.
Hart, l'intégralité de l'oeuvre est certainement beaucoup
plus respectée que dans ses adaptations douteuses comme Blacula.
Dracula est un projet qui sait s'imposer. Le film devient colossal
et heureusement, le scénariste suit le tempo en ne boitant que
très peu au passage. C'est tout de même miraculeux aussi
que l'intrigue amoureuse ne s'en tire qu'avec quelques petites longueurs.
Rappelons que le scénariste ne joue pas vraiment dans la gamme
de Bram Stroker à tous les jours. Sa plume s'est certes ramollie
depuis Tomb Raider: The Cradle of Life et Muppets Treasure
Island.
Bien entendu, tout film basé sur les vampires n'existe que pour
mettre en valeur son monstre. Nosferatu avait Max Schreck,
son remake avait Klaus Kinski, Dracula avait Bela Lugosi, bref,
sans tête d'affiche notable, un film de vampire ne vaut rien.
Gary Oldman est un acteur qui s'est établi depuis plusieurs années
comme étant très versatile. Il apporte un regard neuf
au personnage par une interprétation remarquable tant du jeune
que du vieux compte Dracula, vidé de son sang. Contrairement
à l'interprétation magistrale de Klaus Kinski qui misait
sur la soif sanguinaire et l'aspect plus vampiresque du personnage,
Gary Oldman s'est visiblement imprégné d'une certaine
forme de noblesse. Son interprétation de Dracula émane
de prestance. Cependant, certaines de ses scènes se voient mutilées
par l'absence totale de présence et de talent de Keanu Reeves.
Du moins, si nous pouvons nommer ceci comme étant une interprétation,
elle navigue entre de fines nuances telles que le néant et la
vacuité. Heureusement, Dracula compense largement à
ce poids-mort par l'apparition de deux caméos on ne peut plus
réussis. Anthony Hopkins signe ici probablement la meilleure
apparition de Van Helsing de l'histoire du cinéma, ce qui n'est
certes pas un défi quand il faut faire face au film de Stephen
Sommers. Mais la véritable révélation d'entre les
deux demeure la présence de Tom Waits en malade mental. Une étrange
règle veut que chaque fois que cet artiste apparaisse à
l'écran, qu'il en soit un (ou sinon le) point fort et qu'il y
incarne toujours un marginal incompris de la société.
Somme toute, une distribution inégale, au grand regret des quelques
interprétations plus que dignes de mention.
Francis Ford Copolla, ce «godfather» de la mafia
hollywoodienne, s'investi énormément dans Dracula.
Ce réalisateur, dont on ne connait que très peu son point
de vu plus expérimental, s'est engagé ici à traduire
les sentiments de terreur et les émotions des personnage du mieux
qu'il pouvait et cette volonté transparait certainement dans
l'ensemble de la qualité de son langage filmique. L'espace se
rétrécit parfois, les ombres sont trompeuses, le souffle
du vampire menace les personnages, on le sent même lorsqu'il est
absent car il hante le film. Si ce n'était que d'un niveau strictement
formel, Dracula est très certainement une merveille.
Cependant, il semble que la longue collaboration de Coppolla avec le
cinéaste Roger Corman ait laissé chez Dracula
des parcelles de série-b. Le résultat est dérangeant,
voire même complètement déconnecté de l'ambiance
du film. Les maquillages plutôt grotesques de chauve-souris par
fiston Roman Coppolla sont, la plus part du temps, déplacés.
C'est bien beau la famiglia, mais n'empêche que le film
en souffre.
Finalement, sans atteindre les sommets de Nosferatu, Dracula
est l'un des films qui redonna au genre vampiresque ses lettres de noblesse.
Malgré Keanu Reeves et les chauves-souris dérisoires,
le film vaut certainement plus qu'un coup d'oeil pour la réalisation
de Francis Ford Coppolla et l'une des meilleures interprétation
du sombre Dracula. Un film terrifiant qui ne tombe pas dans un vulgaire
sadisme. Décidément, une fidèle exécution
de l'oeuvre de Bram Stroker, qui vient malheureusement avec sa part
de défauts.
Version française :
Dracula
Scénario :
James V. Hart, Bram Stoker (roman)
Distribution :
Gary Oldman, Winona Ryder, Anthony Hopkins, Keanu
Reeves
Durée :
128 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
31 Octobre 2004