LES BOYS (1997)
Louis Saïa
Par Alexandre Fontaine Rousseau
On pourrait pontifier sur la corruption mercantile du cinéma
d'ici, adopter le point de vue féministe selon lequel Les
Boys cultive le stéréotype de la femme-objet, souligner
la déficience technique qu'affichent les séquences de
hockey du film de Louis Saïa ou tout simplement critiquer la facilité
de son humour de vestiaire. Mais l'exercice serait futile, d'autant
plus qu'à défaut de faire preuve d'une grande subtilité
ce premier volet de la plus populaire des franchises de l'histoire du
cinéma québécois s'avère un divertissement
tout à fait honnête ayant le mérite de comprendre
à la fois son public et l'univers qu'il dépeint. Car il
aurait été somme toute bien difficile de signer une fine
comédie de moeurs sur le monde de bière, de femmes et
de hockey qu'habite l'équipe d'étoiles assemblée
par le producteur Richard Goudreau.
La recette est simple. En réunissant une bande d'acteurs et d'humoristes
appréciés par le grand public autour du scénario
classique que partagent tous les drames sportifs depuis Rocky,
le succès populaire était bel et bien assuré. La
mise est cette fois amplifié par le fait que le sympathique Stan
(Rémy Girard) met en jeu sa brasserie autour d'une partie de
hockey, certes, mais la base demeure la même: Les Boys
concède la victoire aux mal-aimés, aux amateurs et aux
souffre-douleurs. Ses héros sont bourrés de défauts.
Leurs adversaires leurs sont sans l'ombre d'un doute supérieurs.
Mais grâce à la camaraderie et à la détermination,
ce sont bien entendu nos Boys qui vaincront.
Au-delà d'une prémisse incroyablement convenue, le film
de Saïa nous propose surtout une enfilade de sketchs humoristiques
axés sur des dialogues accrocheurs et sur l'opposition entre
des personnages caricaturés à l'extrême. Évidemment,
le procédé d'écriture est presque télévisuel
mais les diverses scènes fonctionnent entre autre pour cette
raison. Les Boys mise principalement sur notre attachement
à une galerie diversifiée de protagonistes plus ou moins
sympathiques campés par une brochette de vedette s'amusant visiblement
à endosser l'uniforme de la formation fictive. De petits détails
viennent stimuler la ferveur patriotique du spectateur: nos hockeyeurs
de garage s'apitoient sur les résultats du référendum
de 1980, leurs adversaires portent les numéros de grands joueurs
canadiens tandis qu'ils affichent fièrement ceux de légendes
québécoises.
Entendons-nous. Ce procédé n'a rien de très cinématographique.
Mais le cinéma de Saïa fonctionne mieux lorsque sa réalisation
est sobre, voire invisible. Les pathétiques pirouettes qu'accomplissait
de peine et de misère sa caméra dans les méprisables
Dangereux ne viennent pas encore déboussoler sa réalisation
sans envergure, mais compétente. On regrette ce manque d'ambition
lors des matchs de hockey, aucunement excitants, mais la majeure partie
des Boys se déroule ailleurs que sur la patinoire. Patrick
Huard s'accapare la meilleure scène du film lorsqu'il tente de
vendre un condominium à un jeune couple tandis que le personnage
de Pierre Lebeau vole la vedette à chacune de ses apparitions.
En fait, Saïa préfère s'installer dans le vestiaire
et à la taverne où ses personnages peuvent échanger
les répliques sans avoir à compter de buts. Ce faisant,
il se glisse dans un temple sacré de la masculinité québécoise
question d'en dresser un portrait doucement dérisoire et vaguement
affectueux. Les Boys se contente de proposer une poignée
de moments de franche rigolade et d'explorer avec une certaine justesse
un milieu typiquement québécois. La formule, pour ce premier
volet du moins, fonctionne bien. Saïa signe ainsi une bonne comédie
moyenne, facile, mais efficace. Au moins, le Québec a maintenant
une alternative à la traduction de Slap Shot pour sustenter
son besoin viscéral d'humour et de hockey... et Radio-Canada
quelque chose à programmer le samedi lorsque la LNH entre en
grève. On a vu pire.
Version française : -
Scénario :
Christian Fournier, Louis Saïa
Distribution :
Marc Messier, Rémy Girard, Patrick Huard,
Serge Thériault
Durée :
107 minutes
Origine :
Québec
Publiée le :
25 Juin 2006