BON COP, BAD COP (2006)
Érik Canuel
Par Frédéric Rochefort-Allie
Un cadavre, deux policiers : un Ontarien coincé, et un Québécois
cool. Le cours des choses les réunis dans l'enquête et
comme les clichés du genre l'exige, ces deux personnages aux
antipodes l'un de l'autre en viendront à se comprendre à
la fin du film et à s'entraider. Cliché, classique, décrivez
le moule comme vous le voudrez, voici qu'enfin le Québec en soit
maintenant arrivé à produire son premier buddy movie,
dans la lignée des gros blockbusters Hollywoodiens tels 48
Hours, Rush Hour, Bad Boys, Lethal Weapon
et Die Hard 3! Même s'il se défend en disant faire
un cinéma international, le réalisateur Eric Canuel peut
maintenant officiellement être décrit comme étant
notre Jerry Bruckheimer national, à la seule différence
qu'on ne trouve aucune intention de propagande chez Bon Cop, Bad
Cop... ou presque.
Bien entendu, il y a ce désir de dialogue entre les «deux
solitudes» qui saute aux yeux, c'est évident. Heureusement,
on s'évite en grande partie le patriotisme à en vomir
qu'aurait pu véhiculer un film de la sorte, gracieuseté
de sa dualité linguiste et culturelle qui fait que les scénaristes
(dont fait principalement partie Patrick Huard) sont restés dans
une zone demi neutre pour ne choquer personne. Nous n'échappons
cependant pas aux stéréotypes à deux balles visant
à ridiculiser les deux partis. Si un peu d'auto-dérision
ne fait jamais de tort, il est intéressant de constater que les
Québécois sont tous dépeints sans exceptions comme
des êtres ignares, vulgaires et dénués de classe.
Il est tout de même regrettable que les personnages soient aussi
unidimensionnels, mais n'oublions pas qu'il s'agit d'un divertissement
d'été après tout.
Étrangement, contre toute attente, le suspense fonctionne. On
devine l'intrigue à cent mille à la ronde et le méchant
semble à première vue un recyclage de Jason,
mais quand arrive l'action il est difficile de ne pas se faire prendre
au jeu. Eric Canuel nous livre un divertissement de grand déploiement
: poursuites en automobile, prises d'otages, combats à mains
nue (et scène de sexe plutôt gratuite en prime). Le tout
filmé avec une facture visuelle rappelant terriblement David
Fincher et Michael Bay. Peut-être un peu trop d'ailleurs ! Pour
vous amuser, tapez vous un visionnement de Se7en et The
Rock, pour ensuite en venir à Bon Cop, Bad Cop.
Les ressemblances visuelles et narratives (pour Se7en) vous
sauteront aux yeux! Même la fin évoque la finale de Se7en.
Il n'y a qu'à troquer Brad Pitt pour Patrick Huard!
D'ailleurs, Monsieur Huard fait un John McClane de lui-même tout
au long du film alors que Colm Feore occupe le rôle du faire-valoir.
Si la chimie entre les deux acteurs est indéniable, on ne pourrait
en dire autant de leurs personnages insipides. Patrick Huard et sa bande
ont peut-être réunis un casting cinq étoiles, mais
leurs protagonistes ne sont guère aussi reluisants. Lucie Laurier
arrive avec Patrick Huard à transformer une scène clichée
en un moment de jeu plutôt intense, et par le fait même
apporter ne serait-ce qu'un strict minimum de profondeur au récit,
question de nous y intéresser avant la grande finale. Déceptions
cependant chez Louis-José Houde et Pierre Lebeau qui ne font
que se jouer eux-mêmes. La formule est facile, on aurait certainement
pu trouver mieux.
Néanmoins, le film s'avère être un divertissement
efficace. L'aspect comédie fonctionne, la mécanique américaine
étant bien adaptée. Le film provoque plusieurs rires,
même si le style d'humour touche un slapstick assez simpliste
recyclant des clichés vieux comme le monde et que la qualité
des dialogues est plutôt faible. Pour avoir vu moi-même
le film avec un public demi Ontarien et demi Québécois,
il est fascinant de constater à quel point les réactions
du public varient selon leur origine. On y trouve un bon nombre d'inside
jokes, incluant même une référence à un autre
film de Canuel (vive le marketing), ce qui crée en quelque sortes
l'effet contraire désiré. Au lieu de rapprocher les Ontariens
des Québécois, il les divise.
On retiendra donc de Bon Cop, Bad Cop qu'il fut l'un des premiers
vrais films d'action national, et aussi l'un des premiers qui puisse
au moins rencontrer un vaste public Canadien, sans nécessairement
devoir s'exporter pour faire du profit. Messieurs Huard et Canuel sont
peut-être loin de nous pondre un chef-d'oeuvre, mais leur divertissement
est d'une efficacité sans reproche. On comprend vite pourquoi
Patrick Huard a préféré laisser de côté
son jersey des Boys pour le quatrième volet.
Version française : -
Scénario : Leila Basen, Alex Epstein, Patrick Hard, Kevin
Tierney
Distribution : Patrick Huard, Colm Feore, Lucie Laurier, Pierre
Lebeau
Durée : 116 minutes
Origine : Québec
Publiée le : 20 Août 2006
|