BLUE VELVET (1986)
David Lynch
Par Louis-Jérôme Cloutier
David Lynch est de cette trempe de réalisateurs que l’on
admire ou que l’on déteste, mais il ne laisse certainement
personne indifférent. Et puisque chacun de ses films, sauf pour
quelques exceptions telle que The Straight Story, possède
sa touche particulière, il ne faut en fait qu’en visionner
un pour comprendre ce à quoi peut ressembler le reste du parcours
de ce brillant cinéaste. Tout de même, Lynch se démarque
manifestement pour son originalité parfois déstabilisatrice,
hors de plusieurs normes du cinéma grand public hollywoodien.
Si ses films revêtent constamment des caractéristiques
bien particulières, il s’agit immanquablement d’œuvres
tout à fait audacieuses. Elles sont en fait l’aboutissement
d’un long processus de la part du réalisateur qui n’aligne
pas film par-dessus film, mais qui peut travailler durant des mois à
peaufiner son prochain projet. Beaucoup de ses détracteurs sont
ainsi principalement repoussés par le manque d’ouverture
de ses œuvres qui ne se laissent pas saisir aisément. Mais
parmi sa filmographie, Blue Velvet apparait dans le parcours
de David Lynch comme l’une de ses créations des plus accomplies
et surtout l’une de ces plus accessibles.
Cependant, encore une fois, Lynch est fidèle à ses habitudes
et nous transporte dans son univers si particulier qui frôle parfois
le surréalisme. On y découvre une ville, Lumbertown, qui
semble trop parfaite: tout baigne dans la luminosité d’un
soleil éclatant et chacun des habitants semble vivre dans une
joie incommensurable. Bref, un coin de paradis situé quelque
part aux États-Unis. Cependant, Lynch nous présente rapidement
un homme qui subit un accident et qui doit être hospitalisé.
Cela mène au retour de son fils Jeffrey à la maison, lui
qui n’avait pas pointé le bout de son nez dans sa ville
natale depuis fort longtemps. Ce dernier, de retour de l’hôpital
après avoir rendu visite à son paternel fait la découverte
plutôt singulière d’une oreille au beau milieu d’un
champ. Rapportant le tout à un enquêteur qui est également
son voisin, il s’embarque avec la fille de ce dernier à
faire la lumière sur ce qui se cache derrière sa trouvaille.
Son enquête l’amènera à croiser des personnages
fort étranges dans une intrigue des plus tordues comme seul Lynch
sait nous offrir.
De prime abord, Blue Velvet est un film dont la structure est
complètement linéaire et le récit suit un parcours
allant de A à Z. Ainsi, on ne tombe jamais vraiment totalement
dans la brume comme cela peut arriver en visionnant Mulholland Dr.
ou Lost Highway, deux films hypnotiques de Lynch où
survient un moment qui nous fait perdre inéluctablement le fil
du récit et où notre attention complète est quasi
essentielle. Néanmoins, Blue Velvet partage certaines
autres caractéristiques. Il peut notamment nécessiter
une analyse en profondeur afin de faire la lumière complète
sur le propos du film et de comprendre un peu certaines séquences
qui demeurent difficiles à saisir totalement lors d’une
première écoute. En plus, on y retrouve encore une palette
de personnages plus insolites les uns que les autres. Entre autres,
Blue Velvet nous dévoile le dangereux Frank Booth incarné
de façon presque maniaque par Dennis Hooper. Ce dernier embarque
totalement dans la peau de son personnage, le rendant simplement mémorable
tellement son jeu maladif devient convaincant et percutant, la folie
de son personnage n’est que mieux transposée par son interprétation.
Isabella Rossellini est tout aussi efficace dans un rôle complexe.
Son jeu nuancé nous dévoile avec justesse un personnage
fort troublé qui laisse également une forte impression
à chacune de ses apparitions. Les autres comédiens, Laura
Dern et Kyle MacLachlan offrent également de très bonnes
prestations.
Lynch est un homme qui, au-delà du caractère volontairement
dérangeant et portant à confusion de ses œuvres,
se permet quand même de passer quelques messages. Ainsi, Blue
Velvet traite surtout de la découverte qu’il existe
le mal sous la surface du bien. Car si au départ la petite ville
nous semble paisible et innocente et que tout semble être en harmonie,
il s’avère au fil des minutes que ce monde s’enlaidit
pour dévoiler ce qu’il cache. Et c’est surtout le
héros, sorte d’alter ego de Lynch un peu naïf, qui
découvre que le monde qu’il croyait connaitre est différent
de ce qu’il semble être cachant des aspects beaucoup moins
admirables.
Bref, les inconditionnels de Lynch se régaleront, ou se sont
d’ores et déjà régalés de Blue
Velvet. Néanmoins, ceux qui ont été répugnés
par ses œuvres plus mystérieuses y trouveront son film le
plus accessible, mais peut-être le plus dérangeant en même
temps. Son intrigue qui passe par un parcours plutôt insolite
est néanmoins des plus originales, et Dennis Hooper est simplement
criant de réalité dans le rôle de Frank, une sorte
de psychopathe extrêmement dérangé dont on ne peut
en aucune façon prévoir le prochain mouvement. C’est
d’ailleurs l’une des beautés du cinéma de
Lynch, on ne sait jamais comment l’histoire va se terminer, on
ne peut que rarement deviner vers quoi le réalisateur nous amènera.
Et bien sûr, son cinéma si particulier traverse les époques
sans prendre la moindre ride exposant des récits souvent hors
du temps et de l’espace. Vous voulez voir quelque chose de complètement
inédit, une expérience cinématographique unique,
un suspense des plus dérangeants? Blue Velvet de David
Lynch est là, et c’est une expérience à vivre,
que vous soyez un détracteur ou un admirateur de ce dernier.
Version française :
Blue Velvet
Scénario :
David Lynch
Distribution :
Laura Dern, Kyle MacLachlan, Dennis Hopper, Isabella
Rossellini
Durée :
120 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
11 Juin 2005