THE BLOB (1958)
Irvin S. Yeaworth Jr.
Par Alexandre Fontaine Rousseau
Tout débute sur une chanson-thème formidable signée
Burt Bacharach accompagnant un générique psychédélique
à souhait. The Blob est la définition même
du film culte. Rien ne pourrait en justifier l'appréciation,
si ce n'est le fait qu'il est hautement appréciable malgré
- ou plutôt grâce à - son absurdité consommée.
De ses dialogues hautement ridicules à ses éclairages
plus colorés que la réalité, le film ayant lancé
la carrière phénoménale de l'acteur Steve McQueen
a tout d'une oeuvre mémorable. C'est le genre de film à
ciné-parc que l'on aime autant pour ses fautes aisément
identifiables que pour sa candeur palpable. Bref, l'amateurisme devient
ici une vertu que le temps a amplifiée...
Dans un élan d'inspiration à ce jour inégalé,
le personnage de Steve McQueen se nomme Steve. Le jeune homme, dynamique
mais respecté malgré tout par la communauté adulte
de sa petite ville américaine typique, s'apprête à
vivre la nuit de sa vie. Tout avait pourtant débuté de
manière fort ordinaire : le bon Steve charme une jeune demoiselle
aussi chaste que pure à l'aide d'une ballade en automobile jusqu'au
plus beau point d'observation de sa petite ville - fort normale faut-il
le rappeler. Mais regarder les étoiles par cette belle soirée
d'été permettra à nos deux héros involontaires
n'aspirant qu'à se chanter la pomme d'assister à un phénomène
unique en son genre, c'est-à-dire l'atterrissage en catastrophe
d'un dérivé extra-terrestre du Jell-O aux fraises se nourrissant
uniquement d'humains.
On le sent en écrivant, avant même que vous ne l'ayez lu.
Votre sang se glace sur place et vos nerfs sont tendus, chers lecteurs.
Qu'arrivera-t-il lorsque cette substance indigeste atteindra une petite
communauté placide de l'Amérique moyenne ? Métaphore
à peine voilée des mutations sociales vécues par
l'Amérique de l'époque du rock n' roll, The Blob
d'Irvin S. Yeaworth Jr. nous présente un conflit entre deux générations
avec la subtilité d'une brique dans une fenêtre. C'est
l'Amérique à feu et à sang, par l'entremise de
sa culture populaire. Les jeunes se réunissent dans les cinémas
la nuit venue pour se tripoter et s'amusent à faire tourner leurs
moteurs dans les rues.
Sans avoir l'impact d'un Rebel Without A Cause, The Blob
demeure une oeuvre clef permettant de comprendre les mutations que vivra
l'Amérique dans les années 50 et 60. Petite production
indépendante concoctée avec les moyens du bord, le film
d'Irvin S. Yeaworth Jr. présente le parcours destructeur d'une
masse gélatineuse. Seuls les adolescents semblent voir cette
dernière tandis que les adultes incrédules se demandent
quel coup fumant leur progéniture débauchée a bien
pu monter cette fois-ci. L'intérêt du spectateur moderne
repose néanmoins ailleurs.
En effet, il se dégage de cette débauche d'effets spéciaux
inventifs un attrait vétuste qui dépasse le kitsch pur
et simple pour se hisser jusqu'au stade d'affection réelle. En
ce sens, le film d'Irvin S. Yeaworth Jr. a tout pour satisfaire le public
qui de nos jours se délecte de ce genre de production de série-B
à cheval entre l'horreur et la science-fiction, du savant à
lunette au vieux policier conciliant en passant par le vétéran
du Vietnam plus sceptique.
Qui plus est, The Blob précède la controverse
sur le réchauffement climatique de quelques décennies
grâce à sa finale emprisonnant le monstre cosmique sensible
au dioxyde de carbone dans une cage de glace « jusqu'à
ce que l'Arctique décongèle »! Faut-il le souligner,
The Blob est une oeuvre écologiste visionnaire même
si c'est à son insu. Comme quoi le génie puise à
même le subconscient.
Avec ses effets spéciaux naïfs mais ingénieux, sa
distribution délectable de par sa compétence franchement
inégale et son infinie richesse thématique, The Blob
demeure un classique mineur du patrimoine cinématographique américain.
Divertissement léger et plutôt débile, ce petit
projet tourné en marge d'Hollywood nous aura loger en moins d'une
heure et demie une chanson formidable en tête en plus de nous
nourrir de répliques complètement nulles à un rythme
fort respectable. The Blob charmera un certain public qui se
reconnaît déjà à la simple mention du terme
série-B. Les autres, que le deuxième degré bizarroïde
et le fétichisme filmique à demi mérité
n'amusent pas outre mesure, sont priés de passer.
Version française :
Le Blob
Scénario :
Kay Linaker, Theodore Simonson
Distribution :
Steve McQueen, Aneta Corsaut, Earl Rowe, Olin Howland
Durée :
86 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
28 Avril 2006