THE BLAIR WITCH PROJECT (1999)
Daniel Myrick
Eduardo Sánchez
Par Jean-François Vandeuren
Octobre 1994, trois étudiants en cinéma disparaissent
mystérieusement dans une forêt en plein coeur du Maryland
alors qu’ils y tournaient un documentaire sur le mythe d’une
sorcière qui hanterait les lieux et qui aurait été
à l’origine de la mort de nombreux enfants et autres individus
de la région dans le passé. Un an plus tard, alors que
l’enquête n’avait jusque là abouti à
rien de concret, on retrouve d’une manière tout aussi inexpliquée
les bandes vidéos du trio dévoilant ce qui fut fort probablement
les derniers jours de leur existence. Partant d’un maigre budget
d’environ trente milles dollars, The Blair Witch Project
a par la suite réussi l’exploit inusité de devenir
un des films les plus rentables de l’histoire en amassant des
sommes records en salles pour le cinéma indépendant frôlant
les 250 millions de dollars mondialement, soit un peu plus de 8000 fois
la mise initiale. Le secret d’un tel succès? Une prémisse
publicitaire intrigante suggérant la totale véracité
du spectacle, ce qui eut pour effet de confondre les sceptiques parmi
les spectateurs curieux arborant un franc désir d’être
effrayés. Mais pour être étiqueté de la sorte,
l’essai devait à tout le moins maitriser certains attraits
afin de juxtaposer adéquatement réalisme et épouvante.
Merci au naturel stupéfiant des principaux acteurs...et à
l’absence totale de mise en scène.
Cette dernière caractéristique demeure encore aujourd’hui
la barrière de taille à franchir pour être en mesure
d’apprécier pleinement cette expérience. L’apport
visuel se limitant principalement à l’emploi d’une
caméra bon marché dirigée manuellement pour soutenir
la cause réaliste entraine fréquemment une instabilité
frénétique de l’image, ce qui en a repoussé
plus d’un auparavant. Par contre, en forçant le spectateur
à user des yeux d’un aveugle lors des hauts moments de
tension, l’effort vient voiler cet handicap visuel en misant sur
l’utilisation judicieuse du son. En ce sens, le film de Daniel
Myrick et Eduardo Sánchez impose sa signature sur une idée
de plus en plus utilisée dans le cinéma d’horreur,
soit la suggestion. Comme les oeuvres traditionnelles de ce genre montrant
pleinement d’étranges créatures et autres personnages
tordus ne semblent plus être aptes à effrayer un public
aussi vaste que par le passé, qui en a vraisemblablement vu d’autres
depuis le temps, certains cinéastes, comme M. Night Shyamalan
l'a fait par la suite avec Signs, se tournent désormais
vers l’exploitation de la peur face à l’inconnu et
l’utilisation sournoise de l’imagination de l’auditoire
afin de créer un climat de frayeur efficace et soutenu.
Le présent film rejette donc tout apport musical et n’utilise
concrètement que l’univers ambiant comme base sonore d’arrière-plan
pour appuyer autant la mise en situation que les scènes de tension.
Celles-ci sont d’ailleurs développées tout aussi
modestement par le biais de bruits chaotiques émanant d’éboulements
de cailloux et de craquements de branches d’arbres, en plus de
rires détraqués d’enfants se manifestant aux petites
heures de la nuit. Mais pour que le tout reproduise l’effet escompté,
encore fallait-il mettre ces éléments en contexte. En
ce sens, les intentions simplistes de départ s’appuient
sur la remarquable rapidité et l’aisance avec laquelle
fut introduite de manière descriptive l’étrange
mythologie entourant les évènements macabres du passé
de la région. The Blair Witch Project se sert du même
coup de l’environnement où évolue le récit
en renversant le rôle ordinairement associé à la
forêt, synonyme de solitude et d'un endroit où devrait
y régner un calme imperturbable, en particulier au beau milieu
de la nuit.
En un tout, l’habileté du film à faire passer cette
fiction pour la réalité d’une manière aussi
humble tient presque du génie. Par contre, comme c’est
le cas pour bien des films bénéficiant à la première
écoute de l’effet de surprise, il est loin d’être
certain que celui-ci jouira d’une durée de vie assez longue
pour qu’il puisse obtenir le statut d’oeuvre culte. Néanmoins,
pour ceux qui sauront s’adapter à la frénésie
visuelle de l’effort, The Blair Witch Project se révélera
comme une œuvre marquante de par son ambiance funèbre et
stressante exponentiellement recréée. Cette histoire se
termine somme toute par une apogée plutôt évidente
dont l’apparence beaucoup plus testamentaire que cinématographique
saura semer le doute chez les spectateurs sceptiques face à la
probable existence de ce genre d’histoires.
Version française :
Le Projet Blair
Scénario :
Daniel Myrick, Eduardo Sánchez
Distribution :
Heather Donahue, Joshua Leonard, Michael C. Williams
Durée :
80 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
29 Octobre 2004