BLADE (1998)
Stephen Norrington
Par Jean-François Vandeuren
Voilà exactement le genre de films qui font le bonheur des producteurs
des studios d’Hollywood. Non pas parce que le produit final risque
de leur faire rafler quelques trophées joliment dorés
au cours des soirées de galas soulignant «l’excellence»
de l’industrie, mais la sortie en salles de ces productions misant
sur une formule déjà établie, et qui a d’ailleurs
fait ses preuves auprès du public, leur permettront néanmoins
d’arrondir allègrement leurs fins de mois. Cette combinaison
gagnante proposée ici avec fougue reprend le personnage de Blade
de la bande dessinée du même nom de chez Marvel Comics.
Afin de recréer l’univers de ce chasseur de la nuit mi-homme
mi-vampire aussi efficacement que possible, le scénario signé
David S. Goyer transposé à l’écran par le
réalisateur Stephen Norrington mélange une recette s’équivalent
en sang et en action, et dans laquelle s’y fond aussi surprenant
que cela puisse paraitre, une mise en forme dépassant les maigres
attributs d’usage.
On ne retrouve évidemment pas dans ce film mettant en vedette
nul autre que Wesley Snipes, qui était pourtant l’acteur
le plus approprié pour le rôle, tout le lyrisme de l’approche
teintée de poésie et de romantisme des Interview with
the Vampire de Jordan ou du Bram Stoker’s Dracula
de Coppola. Mais heureusement, le film de Norrington ne s’enfonce
pas non plus à l’opposé dans le piètre regroupement
de films d’action et d’horreur insipides comme il en pleut
à profusion sur les tablettes des clubs vidéos. Ce qu’il
y a d’intéressant, c’est que le but visé par
le récit de Goyer n’est nullement d’effrayer ou d’envouter,
mais plutôt de développer une intrigue d’action dans
une mise en situation plaçant les vampires un échelon
plus haut que l’homme sur la chaine alimentaire dans ce qui pourrait
être le monde réel, avec tout ce que cela implique au niveau
de leur mode de vie fermé ainsi que leur implication dans les
domaines de la justice, des finances et de la politique. Situation de
départ adroite qui n’est pas sans nous rappeler à
plusieurs égards l’envers de la médaille des débats
raciaux prenant forme dans X-Men.
Soit, aussi intéressante qu’elle puisse être, cette
mise en scène ne fait également jamais vraiment dans la
subtilité. Est-ce un désavantage? Oui et non. Il est vrai
que la crédibilité de l’effort en prend un coup
à quelques reprises, mais d’une manière générale,
si l’on passe les attraits du développement contextuelle
mentionnés plus haut, l’esquisse vient efficacement servir
la brutalité surprenante des scènes basées sur
l’action. À cette violence très présente
s’ajoute un emballage de dialogues crus et directs auxquels ne
manquent pratiquement que les bulles aux abords des personnages. Dans
cette optique, suivant les traits marqués d’une bande dessinée,
le film s’en sort assez bien d’un point de vue visuel. Le
résultat mené bizarrement par Stephen Norrington, (ne
jamais) voir le navet impardonnable The League of Extraordinary
Gentlemen, offre avec Blade une approche typiquement dessinée
qui se vautre avec aisance dans un mélange photographique mettant
habillement en contraste les couleurs les plus éclatantes comme
les plus sombres.
Ce qui est plutôt navrant par contre, est que même si l’approche
ambiante noire fort bien soutenue par Goyer et Norrington vient hausser
d’un cran l’intérêt envers l’usage d’une
formule on ne peut plus conventionnelle dans le présent film,
ces derniers semblent toutefois avoir été pris à
court d’inspiration en chemin, de sorte que les choses se gâtent
quelque peu lors de la deuxième demi. D’un opus jusque
là bien dosé en substance et en effets, le tout laisse
subitement une place prépondérante à un défilement
de scènes d’action tape à l’œil qui fonctionnent
dans les normes, mais qui ne sont pas non plus toujours des plus réussies
et ce surtout d’un point de vue créatif. Mais, considérant
le film pour ce qu’il est, soit un divertissement, l’approche
en est ici fort respectable et se démarque aisément par
l’absence du gout amer que les films du genre tendent à
laisser après coup. De sorte que malgré tout ce qu’on
peut en dire désormais, ce premier opus de la série se
tient tout de même assez loin des traits d’un gâchis
facilement oubliable que son succès aura inspiré. Popularité
surprise explicable par la présence d’éléments
narratifs qui ne plairont peut-être pas à tous, mais qui
risque néanmoins d’en convaincre plus que la norme habituelle.
Version française :
Blade
Scénario :
David S. Goyer
Distribution :
Wesley Snipes, Stephen Dorff, Kris Kristofferson,
N'Bushe Wright
Durée :
120 minutes
Origine :
États-Unis
Publiée le :
16 Décembre 2004